Tout ceci est très intéressant
Je ne suis pas vraiment d'accord avec ce que vous dites, [mention]arno_01[/mention] et [mention]Fannie[/mention] . Pour des raisons de facilité pour construire ma réponse, je vais surtout m'appuyer sur le message de Fannie pour expliquer pourquoi je ne suis pas d'accord, mais j'essaie d'oublier personne, promis ='D
Premier point. Pour moi, on a tous des X-phobes internalisé, qu'on soit de bonne volonté ou non, c'est malheureusement quelque chose de tellement rampant, de tellement "naturel" dans les sociétés actuelles que c'est compliqué de faire autrement, que ça demande justement un conséquent travail de déconstruction qui est tout sauf simple. Pour moi, un exemple qui m'avait beaucoup marqué/choqué, c'est dans mon club de jeux de rôles grandeur nature. A priori, il n'y avait que des gens sensibilisés à la cause féministe et LGBT+. Un jour, on a fait des stats sur les scénarios. Dans 90% des cas, les rôles de femmes étaient toujours soit des rôles de mère ou d'amante. Je vous dis pas la claque prise dans la gueule des gens quand ils se sont rendus compte de ça, parce que c'était totalement inconscient.
Sur PA, il y a quelques années (ça doit faire 4 ans maintenant je pense), on avait eu une discussion sur le PAchat pour savoir dans quelle histoire (de PA) il y avait des histoires avec au moins un personnage LGBT+. On était quoi... 6/8 Plumes, et on avait vraiment du mal à trouver des histoires où c'était bien le cas, le "pire" étant de réussir à trouver des personnages trans. On a tendance a inconsciemment reproduire ce qu'on connait, même si ce sont des schémas qu'on condamne parfois, mais c'est tellement pernicieux et ancré dans la société/culture que si on a pas le nez dessus, c'est compliqué.
Je terminerai cette partie en parlant du cas d'une femme noire qui expliquait que, pendant des années, elle avait été persuadée que ses cheveux crépus étaient tout nuls/tout caca parce que contrairement à
toutes les héroïnes de romans qu'elle lisait, elle pouvait pas juste prendre son peigne et se démêler les cheveux en chantonnant et en rêvassant, que c'était compliqué de gérer des cheveux crêpus. Et que ce décalage avait fait qu'elle avait eu pendant longtemps honte de ses cheveux.
Deuxième point. Donc certes, le monde écrit est avant tout une fiction (sauf cas particulier mais bon). On est pas obligé d'écrire exactement le même monde qui existe. Mais alors, dans ce cas, pourquoi dans la plupart des mondes inventés, on garde le sexisme et on "supprime" les personnes racisées ? Parfois ya des explications, mais c'est souvent bancales et ça apporte pas grand chose à l'intrigue. Franchement, pourquoi systématiquement garder ce qu'il y a de "pire" comme représentation ? Parce que, pour moi, c'est tellement internalisé qu'on reproduit ce qu'on a toujours connu, le sexisme et énormément de X-phobie. Ce qui me dérange en fait, c'est que le livre est toujours différent de la réalité (aucun de soucis), mais
toujours a l'avantage des hommes blancs cis hétéro. C'est cet
énorme biais qui me dérange. Je sais pas si les stats existent, mais clairement, ya un clairs déséquilibre et une surreprésentation de certains groupes par rapport à d'autre, et ça c'est gênant.
Après, on peut se trouver pleins d'excuses pour justifier de garder ses biais. Ça me rappelle une interview de l'auteur de Naruto qui disait que ses personnages féminins étaient tous nuls parce qu'il savait pas écrire une femme. Genre, tu écris juste un personnage féminin comme un masculin et ça marche, non ? D'ailleurs, ça me rappelle une étude qui disait que autant les autrices parvenaient à écrire des personnages masculins sans trop de difficultés, autant pour les auteurs, c'était souvent plus compliqués. Pourquoi ? Une des pistes de réponses, c'est que pour les autrices, elle avait eu tellement de livre avec des personnages masculins qu'elles avaient une vision beaucoup plus net de l'autre sexe alors que l'inverse était beaucoup moins vrai, les hommes avaient eu beaucoup moins de représentation/d'identification féminines et que donc, ça restait quelque chose "d'étrange" à manipuler pour eux. Je grossis le trait, mais c'était l'idée. Yavait eu la même idée avec en France, une personne racisée va pouvoir écrire sur la vie d'un caucasien en France sans trop de soucis parce qu'il a été bombardé d'images de caucasiens, alors que l'inverse n'est pas vrai. Les représentations sont tellement biaisés que parfois, même les opprimés trouvent ça plus simples de représenter l'oppreusseur. Faudrait que je retrouve ce témoignage mais c'était ahurissant.
Il existe des biais et qu'on le veuille ou non, ces biais ont des conséquences. Tu disais Fannie qu'on retrouve ça aussi dans les séries et les films. Je suis totalement d'accord, pour moi on est vraiment bombardés de ça partout, tout le temps. Mais c'est d'autant plus dramatique dans le cas des livres parce qu'en général, l'investissement émotionnel est sur un temps plus long qu'un film, et il y a une identification forte avec le héros, qu'on aura potentiellement plus de mal à avoir pour un film ou une série.
Troisième point. Du coup, est-ce qu'il y a une solution ? Je crois pas que ça ait été dit ici, mais une "solution" qui revient souvent, c'est de dire que ce sont les racisés/les LGTB+/personnes en surpoids/ce que vous voulez qui
doivent changer cette représentativité. Alors personnellement, ça me choque. Ces personnes souffrent déjà de ce biais de représentation, mais encore en plus, on fait porter le poids de la non amélioration de la situation sur eux. C'est super niveau culpabilité. Surtout qu'il y avait eu une étude en France sur pourquoi il y avait si peu d'auteur.ice racisée en France. Les deux principales pistes de réponses : les ME qui trouvent plus vendeurs d'avoir des blancs (donc là, on est d'accord, c'est totalement la responsabilité des ME) et le syndrome de l'imposteur très violents de ces personnes-là. Ya pas d'auteurs racisés, ya pas de représentations, donc ces personnes-là se sentent tout sauf légitimes pour se lancer dans l'écriture.
Pour moi en fait, et désolée pour la comparaison limite, c'est comme dire que pour lutter contre la culture du viol, seules les femmes qui ont déjà été violées ont le droit de le faire. Alors certes, certaines sont capables de le faire et leur voix a d'autant plus de poids. Mais beaucoup en sont pas capables à cause de leurs traumatismes, et on peut pas leur en vouloir. Pour moi, lutter contre ce genre de chose, c'est la responsabilité de tout le monde. Oui, un livre sur le racisme écrit par une personne racisée, c'est "le plus parlant". Mais ça peut être très douloureux pour la personne.
Du coup, on fait quoi ? On oblige les gens à faire des quotas ? C'est clairement pas une bonne idée, les gens vont hurler à la censure. Laisser les MEs dire "On vous publie pas, ya pas assez de telle chose" / "On vous publie si vous rajouter 1 arabe" ? Soyons honnête, si on laisse cette responsabilité aux MEs et qu'elles commencent à sortir des choses pareilles, ça ferait hurler tout le monde. On a encore l'exemple très récemment je-sais-plus-qui qui hurle parce que son roman est pas traduit en anglais à cause d'un truc semblable. [Je fais un petit détour sur Disney. Pour moi, Disney est un cas particulier, car là, ce sont des commandes de Disneys au studios, avec un cahiers des charges et donc des biais qui sont introduits directement par Disney, alors que dans l'édition, les cahiers des charges de la part de la ME, c'est beaucoup plus rares donc ya moins "d'impact" de la ME sur ce ça.]
Il nous reste quoi comme solution ? Ba agir tous, à notre échelle. Se poser les questions, est-ce que ce personnage a vraiment besoin d'être gros/blanc/hétéro ? Souvent, on se rend compte que la réponse est non et qu'on pourrait changer un trait du perso sans changer l'essentiel. J'ai une amie, pour ses jeux de rôle, elle écrit ses fiches personnages et, sauf cas particulier (genre grossesse), elle tirer le genre de ses persos au dé. Est-ce que ça change quelque chose ? Non. Mais on a des hommes et des femmes qui ont tous des passés et des caractères détaillés et on évite énormément de clichés. Ca lui arrive aussi de jouer au dé certains caractéristiques physiques. Après, elle joue beaucoup sur les caractéristiques que les dés on choisit, c'est pas juste anecdotiques, mais quand ça n'a pas d'importance primordiale dans l'intrigue, ba let's go.
Alors bien sûr, je ne dis pas à tout le monde de jouer ça aux dés ='D Mais déjà se poser des questions et voir comme ça se passe, se remettre un peu en question et se demander "Tout le monde est blanc. Est-ce que c'est bien normal/réaliste/ya une justification" ou c'est juste que j'ai toujours vu que du blanc donc je reproduis encore la même chose ? Est-ce que tous mes persos doivent faire le même poids ? Et puis bon, pourquoi j'ai que des IMC moyennes et des gros ? Pourquoi pas des juste un poil enrobés ? Bref, se poser des questions pour augmenter la diversité.
J'aimerai juste revenir sur un point :
il faut qu’ils gardent suffisamment de recul pour ne pas se laisser personnellement atteindre par ce qui arrive dans le roman
Là, ça me dérange quand même. Si ya qu'une personne qui tique, okay. Mais quand ya plusieurs personnes qui tiquent et des personnes concernées qui te disent "J'ai été blessé parce que que j'ai lu, ça m'a encore enfoncé dans mes soucis et en plus on me dit que si je me sens mal, c'est de ma faute", c'est ultra violent et culpabilisateur je trouve

De la même façon que quelqu'un a le droit de se sentir heureux en lisant, quelqu'un a le droit de se sentir mal et de l'exprimer. C'était sûrement pas le but de l'auteur, mais c'est un ressenti de lecteur, parfois de beaucoup de lecteurs, et il faut en tenir compte. Un auteur peut être maladroit, comme tout le monde. Mais c'est la responsabilité de l'auteur d'avoir été maladroit, pas celle du lecteur de mal le prendre.