
J'ai lu vos présentations dans l'ombre, et j'ai laissé l'écriture à Ambroise — celle à qui j'ai enlevé le -i, et par là toute sa grandeur. Vous le comprendrez sans doute : l'écriture, c'est elle qui la tient. Disons qu'elle s'en sort avec un peu plus de calme et un peu moins d'hésitations que moi.
A M B R O I S E

Je pourrais dire que l'écriture m'accompagne depuis toujours, mais je la considère moins comme un compagnonnage que comme une forme de présence, un corps à corps plus qu'un rapport équilibré. Elle me porte, m'abandonne, me poursuit. Aujourd'hui, c'est une relation d'usure, d'évitement et de dépendance.
Ambroise gère les dégâts.
Est-ce que ça va mieux ? Non.
Est-ce que j'ai arrêté ? Pas d'avantage.
J'en conclus que l'écriture est une maladie chronique avec rechutes régulières.
Littérairement, je gravite autour de la prose poétique, des formes brèves et des récits qui ont la décence de ne pas prétendre changer le monde. J'aime les personnages qui n'apprennent rien, les intrigues qui n'en sont pas, les monologues intérieurs. On appelle ça du réalisme magique parfois, d'autres fois juste des pensées ratées (ça dépend de mon humeur).
Ma mère est artiste et mon père musicien, alors j'ai été obligée de choisir un autre art que le leur. Un art à moi. Et voilà que la littérature a été mon choix. Où m'a-t-elle menée ? Ne pas pouvoir le déterminer me paraît bon signe. J'ai étudié les lettres jusqu'à l'agrégation, sans vouloir enseigner, ce qui prouve au moins une certaine cohérence dans la contradiction. Aujourd'hui, je me retrouve bloquée. Mais j'ai le luxe de l'être avec un diplôme et beaucoup de temps libre — ce qui, sur le marché du doute, est une forme de monnaie.
Dans la vraie vie (terme discutable), j'aime Bach, Giotto, la langue du XVIIIème, le persil, les dictionnaires, les dahlias, la faune et la flore marine, le bouddhisme, la papeterie, les montagnes, le silence, l'anémologie, les jeux vidéos (MMORPG et FPS), la ponctuation, la musique (le piano est un ami de longue date, quinze ou seize ans de vie commune, déjà). La musique est à l'écriture ce que l'enfant prodige est à l'enfant capricieux : l'un me suit sans effort, l'autre me met à l'épreuve. Mais c'est très gratifiant d'avoir un art qui vient sans trop de résistance.
La page blanche m'est toujours apparue comme un désert. Il paraît qu'elle est aussi un terrain vague, un endroit d'expérimentations. Alors en ce moment j'expérimente. Les horaires, les boissons à siroter pendant l'écriture, le lieu, les supports... Peut-être pourrai-je un jour me débarrasser enfin de ce blocage. Si vous avez d'aventure des petits rituels d'écriture pour vous mettre au travail, je serais curieuse de les connaître.
Je suis ici pour retrouver un dialogue avec cette voix, et pour me rappeler que l'écriture ne se fait pas toujours seule dans une chambre à 3h du matin, avec une tasse de thé froid...
Ambroise, donc. Une créature sans nectar, mais pas sans questions.
Au plaisir de douter en votre compagnie ~
