La présentation typographique
Le tiret de dialogue est un tiret cadratin (—) ou demi-cadratin (–) suivi d’un espace. On les trouve généralement dans les caractères spéciaux du traitement de texte, auquel on peut attribuer un raccourci clavier.
Note : évitez le tiret de la liste à puces automatique. Si Seja apprend que vous vous en servez, nous ne pourrons plus assurer votre sécurité.
1) Présentation avec les tirets (de plus en plus généralisée)
Chaque réplique commence par un tiret :
— Je reviens tout à l’heure !
— Tu seras rentrée à temps pour le dîner ?
— Je ne sais pas encore.
Ce qui donne, avec les séquences narratives incluses :
— Marie déboula dans le vestibule comme une puce surexcitée.
— Je reviens tout à l’heure ! hurla-t-elle en ouvrant grand la porte.
— Tu seras rentrée à temps pour le dîner ? demanda sa mère depuis la cuisine.
Marie se gratta le bout du nez, indécise.
— Je ne sais pas encore, déclara-t-elle finalement.
2) Présentation avec les guillemets
Les guillemets ouvrants («) débutent le dialogue et les guillemets fermants (») le concluent. Pour chaque changement d'interlocuteur, on insère un tiret, sauf la première réplique.
« Je reviens tout à l’heure !
— Tu seras rentrée à temps pour le dîner ?
— Je ne sais pas encore. »
S’il y a des indications scéniques :
Marie déboula dans le vestibule comme une puce surexcitée.
« Je reviens tout à l’heure ! hurla-t-elle en ouvrant grand la porte.
— Tu seras rentrée à temps pour le dîner ? » demanda sa mère depuis la cuisine.
Marie se gratta le bout du nez, indécise.
« Je ne sais pas encore », déclara-t-elle finalement.
Les verbes d’incise
Ce sont eux qui indiquent dans le dialogue qui parle et comment il parle :
— Je reviens tout à l’heure ! hurla Marie.
— Tu seras rentrée à temps pour le dîner ? demanda sa mère.
Note : les verbes d’incise n’ont jamais de majuscule.
Si les verbes d’incise peuvent être utiles pour clarifier l’identité du locuteur, ils peuvent aussi alourdir l’enchaînement des répliques. Un conseil revient souvent en édition : un dialogue réussi est celui qui n’a pas besoin d’incises. Un dialogue où le lecteur a compris de lui-même qui s’exprime et sur quel ton. La teneur même du message et la ponctuation sont de précieuses indicatrices.
Tell, don’t show (oui, oui)
Pour comprendre ce dont il est question ici, il faut savoir qu’il existe trois façons d’écrire un récit : le discours direct, le discours indirect et le discours indirect libre (ah, nos vieux souvenirs d’école…)
Le discours direct, c’est le dialogue proprement dit.
— Je reviens tout à l’heure ! hurla-t-elle en ouvrant grand la porte.
— Tu seras rentrée à temps pour le dîner ? demanda sa mère depuis la cuisine.
Le discours indirect est le récit rapporté du dialogue.
Marie hurla qu’elle reviendrait tout à l’heure. Sa mère lui demanda si elle serait rentrée à temps pour le dîner.
Bon, présenté ainsi, ça vous fait une belle jambe, hein ? Pourtant, utiliser un discours plutôt qu’un autre peut devenir un choix stratégique en matière de dialogue. Ainsi, lorsqu’un personnage doit raconter à un autre toutes les mésaventures qui lui sont arrivées au cours des cent dernières pages, inutile de le faire en discours direct si votre lecteur est déjà au courant. Autant se contenter d’un : « Et il raconta tout ce qui lui était arrivé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. » Le discours direct vous permettra de mettre le focus, au contraire, sur des informations inédites.
Et le discours indirect libre dans tout ça ? C’est une version mixte des deux autres, en quelque sorte. Ça a la forme d’un discours indirect mais ça s’autorise des petites libertés qui relèvent de l’oralité.
Et il raconta tout ce qui lui était arrivé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus, parce que merde, hein, il en avait bavé et là, fallait que ça sorte !
La personnalisation
Chaque personnage possède une personnalité qui lui est propre et, en fonction du moment, un état d’esprit particulier. Le dialogue est là pour s’en faire le reflet. Une petite fille ne s’exprime pas comme un expert-comptable qui ne s’exprime pas comme le vieux voisin de palier (en fait, ce serait assez marrant de prêter à chacun le registre de langage de l’autre… mais nous nous écartons du sujet).
Pour qu’un dialogue sonne juste, un bon exercice consiste à observer la façon dont parle notre entourage à la maison, dans le bus, au travail : ceux qui ont des tics de langage, ceux qui mâchent leurs mots, ceux qui ne finissent jamais leurs phrases, ceux qui n’aiment pas prendre la parole et ceux qui, au contraire, adore la monopoliser. S’observer soi-même en train de parler aux autres peut-être très instructif ? même si ça fait perdre un peu le fil de la conversation.
Dans tous les cas, tous les personnages n’ont pas à s’exprimer exactement de la même manière dans un dialogue, sauf si c’est un effet délibéré. Avoir pleinement conscience du caractère, des intentions et de l’humeur de chaque locuteur va influencer l’écriture de ses répliques.
Attention toutefois. Adapter le registre de langue à chaque personnage c’est bien, mais éviter les stéréotypes c’est encore mieux.
Le langage non-verbal
Enfin, nous conclurons ce conseil sur l’importance dans les dialogues de tout ce qui n’est pas dit. Un silence peut être plus éloquent qu’une phrase. Certains gestes, mêmes anodins en apparence, peuvent appuyer ou contredire la déclaration d’un personnage.
Pour cette raison, l’intégration de vos dialogues dans le corps du récit gagne à être réfléchie. Un long enchaînement de répliques ne produira pas le même effet que des tirades entrecoupées d’indications scéniques.
L’enchaînement peut donner une impression de rapidité avec des personnages qui se répondent du tac-au-tac (hommage spécial à la Mousse Tousse de Seja) :
— Dites, il y aurait moyen d’avoir du chauffage ?
— On ne chauffe pas les cellules.
— Vous devriez. C’est limite si les murs se couvrent pas de givre.
— C’est bientôt le printemps.
— Et en attendant, c’est l’hiver. Et je sens plus mes orteils.
— On ne chauffe pas les cellules.
— Quand même. En plus, je suis innocent.
— Non, vous l’êtes pas. Vous avez tué l’apprenti de l’exterminateur.
— Eh, non. Mais je vous l’ai déjà expliqué beaucoup trop de fois et vous avez toujours rien pigé.
— Je suis pas juge, je suis arrêteur.
— Merci, j’avais compris. Moi, je faisais pousser de la mousse.
Ou encore un dialogue de sourd (hommage spécial à la Cité de la Peur des Inconnus) :
— Regardez, c’est son dernier cadeau. J’lui ai dit : « Jacques mais c’est de la folie, il faut vendre la caravane ». Vous savez ce qu’il m’a dit ? Il m’a dit « banco ».
— Oh, l’effet que ça m’a fait ce matin quand j’ai ouvert le journal et que j’ai vu qu’on parlait de mon film.
— J’l’entends encore : « banco ». Un vrai capricorne, celui-là.
— Remarquez, forcément : j’suis attachée de presse. Alors qui dit attaché de presse dit presse.
— Pour ce qu’on s’en servait de cette caravane en plus.
— Mais quand j’pense qu’il a fallu un meurtre pour qu’on parle de mon film. C’est quand même hallucinant, non ? Enfin quand je dis parler : y’a un journal qui en a parlé.
— On s’en est jamais servi de la caravane... Ah si, une fois.
— Non, deux. Y a eu deux journaux.
L’alternance, elle, va compléter les interstices entre les répliques, privilégiant l’atmosphère générale, la visualisation de la scène entière et les pensées des personnages (hommage spécial à Ghost in the graveyard de Dan) :
— On peut y aller, Maman ? lança Wendy. Je vois Grandma !
Maman inclina le visage pour observer Wallace qui gesticulait dans son berceau sur le siège passager. Il aurait bientôt six mois, mais il ressemblait toujours à un navet. Maman lui caressa la tête en souriant. Elle pleurait, aussi.
— On va y aller, répondit-elle.
Mais Lewis avait l'impression qu'elle préférerait rester là. Qu'elle préférerait rentrer à la maison, peut-être. Avec eux. C'était ce qu'il aurait voulu, lui. Coincé entre son frère et sa soeur qui trépignaient, les mains toujours tremblantes, toujours crispées sur son jean, Lewis attendait en espérant que Maman changerait d'avis. Son contour se découpait contre le pare-brise blanc de nuages et d'eau ruisselante. Ses petites frisettes de cheveux secs lui faisaient comme des cornes dans le contre-jour.
— M'man... dit Lewis.
Elle tourna la tête. Lewis la fixait toujours. Maman tendit alors la main vers lui, mais Lewis recula et Maman fronça les sourcils. Puis, souriant et pleurant toujours, elle termina son geste en lui pinçant le bout du nez. Combien de fois Papa avait-il fait ça ? Le referait-il un jour ? Lewis fuit le regard de Maman. Le chapelet se balançait lentement. C'était celui de Papa. C'était la voiture de Papa. Les outils de Papa à l'arrière. L'odeur de Papa partout.
— Hop, tout le monde descend ! chantonna Maman sans conviction.
Les deux sont valables, mais ils doivent avoir du sens par rapport à ce que vous voulez transmettre.
Et vous ? Quelle place accordez-vous aux dialogues dans vos histoires ? Avez-vous une manière bien à vous de les traiter ?