PAtober - édition octobre 2023

[Raza]

28 octobre Forêt oubliée

En’tem sauta sur le trottoir d’en face, par dessus la brume. Le pâté de maisons tangua sous son arrivée, mais les puissants liens qui l’unissaient au reste de la cité suspendue le maintinrent en cohésion. En’tem habitait en plein centre-ville, mais quand il avait entendu parlé du phénomène de la bordure, il avait eu besoin de venir voir. Ses parents détestaient le savoir aussi loin, à des endroits où le risque de basculer dans les ombres était aussi grand. Il avait beau avoir dix-neuf rotations, ils ne lui faisaient toujours pas confiance.
Il n’avait plus que quelques mètres, un dernier saut… Et il les vit. D’autres autour de lui regardaient ce qui ne pouvait être que les cimes de gigantesques arbres, avec le même étonnement que si le jour éternel s’était arrêté. Des arbres. N’arrivant pas à en croire ses yeux, il ressentit le besoin d’aller jusqu’à en toucher, mais un groupe de gens d’armes gardait ses abords.
Il entendait le murmure des conversations, qui ne faisait que refléter ce qu’il pensait. Mais si les arbres poussent encore au sol… Alors… Alors on pourrait redescendre ? Lui-même n’avait connu que les cieux, et cette porte ouverte vers le bas lui donnait des frissons. Il regarda la brume. Était-il possible que cette forêt soit réelle ? Il pensa à ses parents. Il pensa à lui-même. Et prit sa décision.

[Dédé]

28 octobre :

28. Arc-en-ciel
— Patober ! Tu es sérieux ?
— Très sérieux, Paëlla.
— C’est Kass qui te l’a dit ?
— Lui-même.
— Quelqu’un est, en ce moment-même, en train de témoigner ?
— Oui.
— Et, selon ses dires, il saurait qui a empoisonné Rizotto ?
— Oui.
— Qui est ce témoin ?
— Je n’en sais rien. Un certain monsieur Dade.
— Dade ?
— Oui, Bran Dade.
— Kass t’a dit quoi d’autre ?
— Il m’a dit que le témoin avait les cheveux colorés comme un arc-en-ciel.
— Vraiment ? Et, pour l’enquête… Tu as d’autres détails ?
— Il m’a demandé si Rizotto pouvait avoir des maîtresses.
— Des maîtresses ? Mais…
— Apparemment, il n’avait pas que des amants.
— Rizotto cachait bien son jeu…
— Pas assez, vu que son petit jeu l’a tué.
— Et, monsieur Dade a les cheveux de la même couleur que l’arc-en-ciel ? C’est une nouvelle mode capillaire ?
— Depuis que tu m’as parlé de la coiffure d’araignée, plus rien ne m’étonne.
— Il a toutes les sept couleurs de l’arc-en-ciel dans les cheveux ?
— J’imagine…
— Kass prend son témoignage au sérieux ?
— Tu dis ça par rapport aux cheveux multicolores ?
— Ça, et le fait que ce témoin débarque d’un coup, par magie. C’est étrange…
— Ah ! Tiens ! Kass vient de m’envoyer un message.
— Qu’est-ce qu’il dit ? L’interrogatoire est fini ?
— Il dit que…
— Oui, Patober ?
— Non, rien.
— Dis-moi !
— C’est que…
— Quoi ?
— Il me demande de me méfier. De ne rien te dire.
— Pourquoi ?
— Parce que…
— Je lui dirai pas que tu m’as parlé. Tu peux me faire confiance, Patober. Ça restera entre nous.
— Bran Dade t’a désignée comme étant la maîtresse de Rizotto, Paëlla. Selon lui, c’est toi l’empoisonneuse…

[maanu]

28 octobre - Arc-en-ciel

« C’est beau, hein ?
-Oui, Maman…
-Qu’est-ce que vous croyez que c’est ?
-Ben… Un arc-en-ciel.
-Non, mais d’accord, mais qu’est-ce que c’est ?
-La dispersion de la lumière du soleil qui rencontre les gouttelettes d’eau en suspension dans l’atmosphère.
-Pff ! Aucune poésie. Et d’après toi, Arthur ?
-Moi je pense que c’est les cheveux des fées qui se rendent visite d’un nuage à l’autre en volant.
-Oh, c’est mignon ça, chéri ! Et toi, Sophie ?
-C’est deux sorciers très puissants qui se combattent, très loin d’ici. Et ce qu’on voit, c’est leurs sorts qui se rencontrent.
-Oui, ça marche aussi. Et toi, monsieur le scientifique ?
-Moi, on m’enlèvera pas de l’idée qu’un arc-en-ciel c’est avant tout la preuve que les licornes existent et qu’elles portent des couches.
-Pardon ?
-Ben oui. Vous voyez pas que ça a exactement la même trajectoire que quand le petit-cousin Robin se soulage pile au moment où on le change ? À mon avis, au bout de cet arc-en-ciel, il y a d’un côté un bébé licorne qui se marre bien et de l’autre un parent qui n’en peut plus.
-D’accord. Donc vraiment aucune poésie, quoi. »

[Solamades]

28 :  Arc-en-ciel

Le ciel s’était déchainé toute la nuit. Des vagues hautes comme des collines avaient giflé les mâts jusqu’à les abattre, arrachant au passage une partie de la coque et rendant à l’océan des tonnes de pièces d’or trouvées dans un galion oublié. Le navire avait sombré avant le lever du soleil.

Nathan s’en était sorti de justesse, tiré de l’eau par le capitaine, ils étaient désormais tous les deux en train de dégorger sur les rochers d’une île vierge, à regarder la marée baisser et le gros temps s’apaiser. Il pleuvait tranquillement tandis que le soleil se levait. Le cauchemar s’effaçait doucement.

— Tu es ruiné, commenta le capitaine en regardant le ciel.
— Opf… de l’argent, au final, si j’en ai eu dix minutes dans ma vie…
— Et comment tu vas payer l’expédition qui vient de sombrer ?
— Je trouverai un truc, je trouve toujours un truc.

Nathan s’étira et repéra du coin de l’œil les lueurs colorées dans le ciel.

— Ah… j’ai trouvé. Il est temps de voir si la légende dit vrai…
— Quelle légende ? Oh non… tu ne parles pas de l’arc-en-ciel, quand même ?
— Il suffit de trouver l’un de ses pieds.
— Nathan, Nathan, Nathan… tu me fatigues.
— Quoi ? rit l’aventurier. Qui ne tente à rien !
— Je ne te suis pas sur ce coup-là.
— Tu vois, captain, c’est la différence entre toi et moi. Toi tu restes à sécher sous la pluie, moi je me relève et je pars pour ma prochaine aventure.
— Bah… comme tu veux, ricana le vieil homme. On se revoit tout à l’heure quand il aura disparu.
— Non, papi. J’aurai trouvé cent fois mieux encore sur le chemin.

[Sorryf]

Jour 28 : arc-en-ciel

[Herbe Rouge]

28/10/2023 : Arc-en-ciel

Le trésor était censé se trouver au pied. Mais je galopais depuis des heures et je ne le trouvais pas du tout, ce pied d’arc-en-ciel ? Plus je m’approchais, et plus il s’éloignait, et parfois, il disparaissait carrément ! C’était quoi c’t’arnaque ?
- « Il est mignon mon petit-fils hein ? »
- « Trop mignon ! Et comment il est excité dès qu’il voit le marchand de glace avec l’arc-en-ciel sur son panneau là ! Ah ah ! C’est très amusant ! Mais, dis-moi, il ne s’en lasse pas au bout d’un moment de tourner en rond comme ça ? »
- « Jamais ! Dire que ses parents me disent qu’il est infernal ! Mais moi je n’ai même pas besoin de m’occuper de lui, je le pose sur le carrousel et je suis tranquille tout l’après-midi ! »

[Raza]

28 octobre – Arc-en-ciel

Cinq jours qu’elle cherchait la matière première pour son chef d’œuvre, sans succès. Elle ne réussirait pas à devenir maître sans cette étape clef, pourtant, elle hésitait encore sur son sujet.
Elle avait arpenté les tréfonds, là où les gens mourraient pour un regard de travers, pour dénicher des cadavres, du sang et de la haine, mais après deux nuits, elle avait trouvé que ce n’était pas assez intéressant. N’importe qui pouvait mageforger une épée de haine, aussi belle soit-elle.
Elle s’était ensuite avancée dans les quartiers des nécessiteux, là où de bien bonnes actions de charité avaient lieu. Épée de vertu, quel ennui, s’était-elle dit. Elle avait regardé les mariages, les enterrements, les accidents et les sauvetages, mais rien qui lui parlait, rien qui lui disait : ici débutent les racines de ton œuvre.
Les pieds dans la boue et les yeux dans le vague, elle sentait la météo déteindre sur elle. Puis, au détour d’une rue, les nuages noirs se dissipaient : au loin, le soleil acceptait de pointer ses rayons. Alors, elle vit l’arc-en-ciel, ses couleurs, son esthétisme éthéré, et elle sut. Elle posa son enclume sur le sol, et commença les incantations. Elle réunirait le sombre de l’orage et le clair du jour, la vitesse de la foudre et la finesse de la lumière, dans la plus incroyable des épées.

[maanu]

29 octobre - Un mauvais miracle

Aujourd’hui, c’est vendredi. Et comme tous les vendredis depuis trois mois et des brouettes, depuis que cette maudite recette de soupe détiétique est venue semer le chaos dans la maison, je croise les doigts très fort pour qu’un miracle se produise.
« C’est très bon le chou-fleur », qu’ils disent. « C’est plein de vitamines et ça fait du bien au moral », qu’ils disent aussi. Tu parles. C’est dégoûtant et ça me gâche la vie.
Posté en embuscade dans le salon, je les vois qui commencent à s’activer dans la cuisine. Le chou-fleur est en train d’être coupé en petits morceaux et le mixeur plongeur vient de faire son entrée. Le fil se rapproche de la prise électrique, inexorablement.
Je ne le lâche pas des yeux. Pas une seule seconde. Je croise les doigts si fort que l’un des deux va finir par trancher l’autre. Je ne respire même plus et je sens une goutte de sueur sur mon front.
Le mixeur sera branché dans moins d’une seconde. Et tout à coup, le temps se fige.
Plus rien. Le noir complet.
J’entends une voix dans la cuisine.
« Mais c’est pas vrai ! Qu’est-ce qui se passe ? C’est les plombs, tu crois ? »
Je regarde par la fenêtre. Plus aucune lumière, nulle part.
Un sourire apparaît sur mon visage. La ville entière est plongée dans le noir. Je m’en fiche. C’est mon miracle.

[Solamades]

29 : Un mauvais miracle

Nathan avait marché des heures, trempé. L’arc-en-ciel l’avait porté à travers des terres à l’aspect sauvage et au milieu de zones dangereuses. C’est en haut d’une falaise qu’il trouva ce qu’il cherchait :  le pied de l’arc-en-ciel. Ce n’était pas un pot rempli d’or laissé là par des farfadets… de toute façon, il savait déjà très bien pour en avoir eu entre les mains, que l’or des farfadets disparaissait le jour suivant.  Non, c’était bien plus intéressant que ça. Juché tout en hauteur, il voyait les contours de l’endroit où ils avaient échoué. C’était une île. Et cette île contenait une anse cachée par la végétation. Et dans cette anse… le trésor dont il avait besoin. Un bateau, un très vieux bateau pirate. Et si les farfadets n’étaient pas fiables, en matière de trésors, les pirates étaient une valeur sûre.

Il lui fallut encore des heures pour atteindre le vieux rafiot, traversant une jungle insondable. La cache des pirates se trouvait sur la plage. Les tonneaux éventrés, de vieilles bouteilles… mais surtout, de vagues ossements d’un autre âge ressortaient du sable. Nathan lisait bien la situation. Les pirates avaient festoyé, puis s’étaient entretués, laissant tout à l’abandon. Classique… Quelques recherches de plus lui permirent de trouver la raison de leur querelle. Des tas et des tas d’or dans la cale du bateau. Et comme si tout cela ne suffisait pas, les voiles avaient été conservées précieusement. Il ne lui restait plus qu’à manœuvrer le galion comme il pouvait jusqu’à l’amener au capitaine. Facile.

Du moins… jusqu’à ce qu’une horde de pirates fantômes se réveille à la nuit tombée et qu’ils fassent prisonnier.

[Dédé]

29 octobre :

29. Un mauvais miracle
— C’est un miracle que l’affaire soit résolue, Patober.
— Quelque chose cloche, dans ce miracle, Kass...
— Quoi ?
— On dirait un mauvais miracle.
— Un mauvais miracle ?
— Un miracle inventé, si tu préfères. Une coupable livrée sur un plateau.
— D’accord…
— Si elle avait été la maîtresse de Rizotto, elle me l’aurait dit de suite.
— Elle n’a jamais rien dit ? Jamais rien chuchoté ? Jamais rien insinué ?
— Jamais ! Et, ce n’est pas tout...
— Quoi ?
— Tu crois en l’innocence de Paëlla ?
— Tu lui fais confiance, mon petit Patober. J’ai entièrement confiance en toi et en ton jugement. Si tu me dis qu’il s’agit d’un mauvais miracle, je suis prêt à continuer l’enquête de mon côté. Pour prouver que Paëlla a bien été piégée.
— Si Paëlla sortait avec Rizotto, elle me l’aurait dit. Elle ne lui aurait pas cassé de la sucrette sur le dos auprès de moi. Elle est franche, pas fourbe. Elle n’aurait jamais pu l’empoisonner. L’empoisonnement, c’est lâche. Paëlla est quelqu’un de très… comment dire… direct.
— Si je mets de côté le témoignage de Bran Dade, Paëlla n’a pas le profil pour être une empoisonneuse.
— Je suis soulagé que tu sois d’accord avec moi, Kass. Si soulagé…
— Cependant, on va être plus malin que la personne qui tire les ficelles.
— Comment ça ?
— Toi et moi, on va continuer d’enquêter de notre côté, sans rien dire à personne.
— Pour que la personne responsable se sente à l’abri…
— Exactement ! Un coupable à l’abri est un coupable qui se trahit.
— C’est forcément quelqu’un de l’entourage de Paëlla…
— On va trouver ! Ce mauvais miracle deviendra un bon miracle et à nous les vacances en forêt !
— Tu n’as pas oublié la forêt ?
— Bien sûr que non.