PAtober - édition octobre 2023

[dark revenger]

Une musique au loin (13/10)

Les Shamaouïtes étaient constitués de nomades venus des plaines de Sibéria en tribu. Ils s'étaient implantés au sud de l'île jusqu'à Yervine. Dans la nuit noire, dû à la vitesse de leurs traîneaux dévalant une butte, leurs flambeaux accrochés avaient brillé comme des astres descendant des cieux et avaient aveuglé Patriztcha et Sashmalhek. Maintenant, ces derniers étaient emmitouflés dans les fourrures, chacun dans un traîneau, entre Shamer et Youskies. Pour l'instant, hors d'atteinte des poursuivants qu'il avait cru être ces silhouettes lumineuses, Sashmalhek se trouvait soulagé. Dû à la douce chaleur de ses couvertures sur son corps frigorifié, il ne put s'empêcher de s'évaporer dans le sommeil.

Une musique au loin. C'était ce qu'il entendait dans les brumes de la mer de nuages où il avait plané. Petit à petit, la gangue ouatée où il était happé se dissipa et ses yeux clignotèrent sur un ciel fait d'un patchwork de couleurs allant du bleu outremer au blanc cassé. Il fallut quelques temps pour comprendre qu'il se trouvait dans une grande yourte.
- Ça y est ? Tu es réveillé.
Sashmalhek tourna la tête et son regard se posa sur un jeune homme aux cheveux parfaitement blancs et aux yeux bleu glacier.
- Oui, comme vous le voyez. J'ai les yeux ouverts, se moqua-t-il.
- Sash, en voilà des manières de parler au chef de la tribu.
Ce dernier, ébahi et honteux, décocha un coup d'oeil incertain à Patriztcha, dont il n'avait pas perçu la présence derrière lui.
- Pas croyable. Vous êtes... ?
- Je sais. Je parais très jeune et pourtant, je suis le chef des Shamaouïtes. Tu peux me tutoyer si tu veux.

[maanu]

13 octobre - Une musique au loin

Il y a une musique
Qui résonne sans cesse
Qui vrombit comme un moustique
Ou une grosse caisse

Il y a une musique
Tout au fond de mon cerveau
C’est un drame acoustique
Et je vais finir marteau

[Solamades]

13 :  Une musique au loin

— Tu l’entends ? Cette musique, au loin…
— Non…

Kaede mêla ses doigts à ceux de son chéri et ferma les yeux.

— Ça me rappelle ce soir-là ? Tu te souviens ?
— Non.
— Nous étions tous les deux, je te connaissais à peine, mais je t’avais trouvé si beau… Et tu sais quoi ?
— Non…
— Tu n’as pas changé.

Elle se pencha vers lui et embrassa tendrement sa joue.

— Tu étais si mystérieux, toutes les filles te regardaient avec envie. Il faut dire, tu ne sortais pas beaucoup. Tu n’as jamais aimé ce genre de fêtes…
— Non, approuva-t-il.
— Je t’avais demandé si tu voulais danser avec moi. J’étais bien courageuse… et tu te souviens ce que tu m’avais répondu ?
— Non ? 
— Tu m’as dit… « Non ».

Elle rit.

— Tu n’as vraiment pas changé.

[Nascana]

Jour 13

Dans la nuit, une musique résonne. Je cherche sa provenance. La mélodie m’attire. J’approche. Il fait sombre. Assit sur l’un des chariots, une silhouette joue de l’harmonica.
Je ne dis rien pour ne pas l’interrompre. Je me contente de l’observer. Sans savoir pourquoi ce son me touche. Lorsque se termine l’air, mon regard croise le sien. Il se redresse.
Un sourire se dessine sur ses lèvres. Alors même qu’il n’a pas prononcé le moindre mot, je suis happé par son charisme.
– Vous devriez dormir, jeune homme, déclare-t-il d’un ton narquois.
Incapable de répondre, je le fixe. Avec le peu de luminosité disponible, je ne peux distinguer ses traits avec netteté.
– C’est le voyage qui vous inquiète ? On peut discuter un peu si vous voulez.
J’acquiesce, heureux de pouvoir passer quelques instants avec lui.

[Raza]

13 – octobre
Une musique au loin

Ils attendaient, posés au bord du lac. Elle lui tenait la main, il lui tenait la main. Ensemble, ils regardaient le soir venir. Ils n’avaient que faire de leur voiture en cendres, des ruines du temple encore fumantes, ou du sang sur leurs vêtements. Ils avaient repoussé les ténèbres ; le monde était sauf.
— J’ai du mal à réaliser que c’est fini. J’ai cette musique dans la tête, celle des premiers jours… Je ne sais pas si elle partira tout à fait.
— Comment ça, la musique des premiers jours ?
Comme deux étoiles au lever du jour, ils perdirent leur éclat devant cette révélation.
— Tu l’entends aussi ?
— Maintenant que tu me le dis… Oui.
— Alors… Alors…
— Tu sais ce que ça veut dire. Nous devons nous remettre en route.

[Herbe Rouge]

13/10/2023 : Une musique au loin

Il y a une petite musique au loin. Une musique qui est douceur onctueuse à mes oreilles. Une musique enivrante qui me fait accélérer le pas.
Il y a une petite musique au loin. Et je sais qu’elle provient de la chaumière que je partage avec ma chère et tendre. Je me lèche les lèvres par anticipation.
Il y a une petite musique au loin. Ce sont des cris humains stridents et suppliants. De petits cris d’enfants. J’en bave d’avance. Je cours.
Ma mie, ma douce ogresse, est en train d’attendrir la viande. Le souper sera délicieux.

[Dédé]

Rattrapage

11 octobre :

11. Un froid noir
— Je me souviens de cette nuit-là, docteur Canet-Lony.
— Je vous écoute, monsieur Patober.
— Quand je ferme les yeux, je me vois à nouveau sous cette voiture. Les voix qui se rapprochent…
— Et ?
— Et, pas grand-chose de plus, docteur.
— Que ressentez-vous maintenant ?
— De la frustration. Je veux trouver les responsables du meurtre de ce pauvre homme. J’ai lu que le corps n’avait pas encore été identifié.
— Vous avez entendu un coup de feu et après ?
— De ce que j’ai lu, ils ont cherché à brûler le corps. C’est pour cette raison que l’identification reste difficile.
— Non. Je voulais dire… De quoi vous rappelez-vous après le coup de feu ?
— Je suis sorti. Je me suis caché. J’ai vu six pieds.
— Vous avez forcément vu autre chose.
— Non, je ne crois pas.
— D’accord.
— Vous me croyez ?
— Bien sûr. Mais… votre inconscient a peut-être des informations que vous ignorez.
— Ah ?
— Fermez les yeux, monsieur Patober, et écoutez-ma voix. Rien que ma voix.
— D’accord.
— Après le coup de feu, vous êtes caché. Est-ce que quelque chose d’autre vous revient ? Un détail ? Une image ? Une sensation ?
— Un froid noir. Je me souviens d’un froid noir.
— Les températures étaient basses cette nuit-là ?
— Non.
— Dans ce cas, que voulez-vous dire par « froid noir » ?
— Pour Paëlla, mon amie, un froid noir, c’est une soirée ou une nuit très ventée. Pour moi, c’est quand mon moral chute librement vers le bas.
— Pourquoi aviez-vous le moral vers le bas ce soir-là ?
— Rizotto. Mon ex. Je venais de lui dire que nous nous reverrions plus.
— Je comprends...
— Et sinon, il date de quand votre tatouage de kraken à la cheville gauche ?

[TUSCARORA]

UNE MUSIQUE AU LOIN
C’était l’été. Je travaillais dans des locaux administratifs installés dans un ancien hôtel particulier du début du siècle, sans clim. Les fenêtres étaient hautes et baisser le store à l’aide d’une manivelle était pénible car il était très lourd. Le matin j’ouvrais grand les fenêtres car l’orientation du bureau n’imposait la fermeture des stores que l’après-midi. Je percevais très distinctement tous les bruits de la rue : klaxons de voiture, clameurs diverses, éclats de voix, ronflement de moteurs, pas sur l’asphalte. La matinée était claire, lumineuse, ouverte au monde et tous ces bruits c’était comme une musique. J’y étais très réceptive, j’aimais sentir cette vie qui grouillait autour de moi sans pour autant que cela m’empêche de vaquer à mes occupations de parfaite working girl. Enfermée dans ma tour, au troisième étage, vissée à mes tâches administratives, en travail contraint en quelque sorte (c’est ainsi que je ressentais les choses à l’époque car j’avais pris ce job par nécessité et non pour le plaisir), cette "musique" de rue me rassurait et m’égayait. Soudain, je perçus le son d’un saxophone qui bientôt s’imposa sur tout le reste. La voix pure et légèrement nasillarde de l’instrument, qui s’élevait au-dessus du bruit de fond de la rue avait quelque chose d’étrange et de familier à la fois. C’était délicieux. Je pris place dans le décor et peu à peu mon esprit se mit à voyager. Je m’imaginais dans le Bronx ou à la Nouvelle-Orléans et ce saxo me mettait en joie. Ce n’était pas une joie hystérique mais une joie profonde, tranquille, viscérale. Cette musique au loin me racontait son histoire. J’aurais voulu qu’elle ne s’arrête jamais.

[EryBlack]

13 octobre - Une musique au loin

Imagine. Ça se passe comme d'habitude : l'obscurité t'enlace, tu sombres et petit à petit apparaît la forêt. On n'y voit presque rien. Tu sens des branches qui s'agitent tout doucement dans le vent, tu sais qu'il y a des toiles d'araignées dessus, qu'elles peuvent te grimper dans le dos. Tu dois bouger, même si tu n'en as pas envie ; tu préférerais rester immobile, attendre patiemment que passe la nuit, mais tu ne peux pas. Tu avances et tu as peur. Tu as peur. Tu as peur. C'est mécanique. Tu as peur parce que tu ne vois rien et qu'il pourrait y avoir n'importe quoi derrière toi.
Tu ne veux pas tendre l'oreille, mais tu finis quand même par entendre des sons qui ne sont pas ceux de la forêt. Tu essayes de les ignorer, comme tu fais toujours. Mais là, imagine. Imagine que c'est une musique, un peu lointaine. Elle ne fait pas peur, elle est festive. Bientôt tu as même l'impression d'entendre des rires et des voix réjouies. Tu es dans le noir, mais tu avances et - oui, tu aperçois la lumière au loin.
Tu te méfies. Ça peut vite tourner très mal. Mais imagine : cette fois, rien ne tourne mal. Tu descends de la forêt jusqu'au pré où se trouve la fête. Des gens dansent. Chantent. Ils t'accueillent gentiment, tu reconnais des visages aimés. Rien ne tourne mal. Personne ne grimace soudain, on ne te poursuit pas, la forêt reste calme. Imagine que ça puisse se passer comme ça, juste une fois.

[Raza]

14 – octobre
Marche ou rêve

Marche, marche, marche. Ainsi exécutait-il cette instruction, son seul mantra, sa seule ligne de vie. Les pas dans cette croûte de sel, laissée par un océan asséché des éons de cela, ne lui coûtaient plus. Le soleil ne pouvait plus brûler ce qui lui restait de peau ; ses yeux n’étaient plus que des billes dures dans ses orbites.
Il marchait, marchait, marchait… Cependant, si son corps était ici, son esprit vivait une autre réalité. Rêve, rêve, rêve… L’eau du lac, le vent dans les arbres, les verts des lichens. Le mordant du brouillard matinal. Et une chaleur différente, la chaleur des sourires… Bientôt, oui, bientôt...
Marche, marche, marche, ou rêve, rêve, rêve…