@eauderose cet extrait est vraiment très bien ! Fluide et vivant, j'ai vraiment aimé
**Edit** : comme il n'y a pas le droit au double post, je poste un extrait de Brume ici. C'est une scène supplémentaire qui n'était pas présente dans la première version. Alors l'héroïne, Elia, se fait passer pour Catherine Montgomery, une jeune lady disparue quelques semaines plus tôt dans un tragique accident. Elia et Catherine ne se connaissent pas, mais elles se ressemblent toutes les deux physiquement. Elia a endossé son identité, car elle a été découverte dans la forêt dans un sale état par le fiancé de Catherine (Ian), et son groupe de "Patrouillleurs". Comme elle a été accusée de sorcellerie et a perdu la trace de son fiancé, Elia a feint l'amnésie pour endosser l'identité de Catherine et a donc emménagé dans le manoir de Ian.
**La scène est du point de vue d'Elia

*
*Un soupçon germa soudain dans mon esprit. Je me figeai, enivrée par la méfiance. Et si Ian était mêlé à la disparition de ma jumelle ? Et s?il avait découvert ses allégeances païennes et l?avait fait disparaître, tout en rejetant la faute sur les responsables de ces meurtres ?
Je me rassis sur le lit, pensive. Ian était certes doux et prévenant, mais aussi autoritaire et profondément religieux. Si sa fiancée avait été démasquée, sa position au sein du village aurait été menacée.
Pourquoi se montre-t-il aussi prévenant et délicat ?
Chacune de ses phrases était ponctuée par une déclaration d?amour. Mon hypothèse s?effondrait, mais je devais en avoir le c?ur net. Par la fenêtre de ma chambre, je distinguai le jeune Lord occupé à donner des ordres à ses deux domestiques. Celles-ci buvaient ses paroles et je profitai de leur inattention pour me risquer dans le bureau de mon nouveau fiancé.
Dès mon retour, une règle d?or m?avait été rappelée : il m?était interdit de pénétrer à l?intérieur du bureau de son bureau. J?ignorais la raison d?une telle interdiction, mais j?avais eu le temps d?échafauder de nombreuses hypothèses, plus farfelues les unes que les autres.
Quoi qu?il en soit, s?il cachait quelque chose, ce ne pouvait être que là-bas. Le Patrouilleur gardant la clef accrochée autour de son cou, il me faudrait crocheter la serrure. Je ne connaissais guère l?art de la serrurerie, mais je me souvins des longues après-midis passées dans le domaine familial, à vagabonder avec mes cousins.
Un jour, nous avions réussi à crocheter la serrure d?une vieille remise. Si les souvenirs de ce moment étaient flous, les éclats de rire et d?excitation qui avaient suivi restaient vivaces dans mon esprit. Je me faufilai dans la cuisine et dérobai un couteau de boucher. Puis, m?assurant que le jeune Lord discutait toujours avec les domestiques, je me précipitai vers son bureau et enfonçai la lame dans la serrure.
Mon c?ur battait la chamade. L?idée que Ian ne découvre ma véritable identité me terrifiait, mais celle de le savoir responsable de la disparition de sa fiancée l?était plus encore. Et s?il utilisait mon amnésie pour me rendre docile ?
La serrure, après moults efforts, céda. Les pulsations de mon c?ur redoublèrent et je refermai délicatement la porte. La pièce était de taille modeste. Un portrait de la véritable Catherine trônait au-dessus de son bureau recouvert de feuilles volantes. Un crucifix veillait également, accompagné de l?insigne des Patrouilleurs. Un frisson parcourut mon corps et je balayai le bureau du regard, à la recherche désespérée d?une information intéressante.
Mes bras, dans ma hâte, manquèrent de faire tomber trois anneaux d?or suspendus près d?un chandelier. L?objet trembla et je le bloquai d?un geste. Les feuilles étaient pour la plupart remplies de gravures incompréhensibles, comme si l?on avait tenté de dessiner? un monstre.
J?ignorai quoi chercher. Des indices sur Catherine ? Ou sur mon fiancé ? Mes doigts tremblaient et j?avais la sensation de perdre le contrôle.
? Que faites-vous ici ?
Mon c?ur effectua un bond contre ma poitrine et mes mains lâchèrent les feuilles que je tenais. Sur le seuil de la porte, Ian me fixait avec incrédulité. Il ramassa le couteau que j?avais utilisé pour forcer l?entrée et posa de nouveau son regard océan sur moi.
? Je? je? je suis désolée.
Mes joues s?incendièrent sous l?effet de l?angoisse et de la honte. Je jetai un regard peu amène en direction du couteau. Ian s?avança vers moi et demanda d?une voix posée :
? Que faites-vous ici, Catherine ? Ne vous avais-je pas rappelé les règles de cette maison ?
Je voulus inventer une histoire valable, un mensonge capable de justifier ma présence dans ces lieux secrets. Mais à la place, je baissai la tête, telle une enfant prise en faute. Mes joues se teintèrent de rouge et j?attendis que l?orage s?abatte. Les bras de Ian restèrent pendus le long de son corps et lorsqu?il leva la main, je tressaillis.
Au lieu de me frapper comme je m?y attendais, elle se posa sur ma joue. Il vrilla mon menton pour l?obliger à soutenir son regard.
? Je, je? je n?aurais pas dû venir ici, bafouillai-je.
Son pouce caressa ma joue et un sourire tendre s?étira sur ses lèvres.
? Que faisiez-vous ici ? répéta-t-il avec patience. Pourquoi avez-vous crocheté la serrure ? Y-a-t-il quelque chose que vous me cachez ?
Son regard trahissait une sincère surprise.
Il ignore tout des allégeances de sa fiancée, songeai-je.
? Je? je croyais que vous me cachiez quelque chose, confessai-je, le visage brûlant. Vous vous obstiniez à ce que la vie reprenne son cours, pour m?aider comme le médecin l?a suggéré. Et? je me suis inquiété, je? j?ai imaginé le pire et je vous ai désobéi.
Il resta silencieux quelques secondes, avant de m?inviter à sortir. Il tenait encore la manche du couteau dérobé et soupira en constatant que la serrure était inutilisable.
? Ian, je?
? Tout va bien, Catherine. J?aurais dû vous consulter avant de prendre les décisions à votre place. Je? j?imagine que ceci est difficile à vivre et je me sens impuissant face à votre amnésie.
Il posa le couteau sur un petit meuble et me serra dans ses bras. La chaleur de son corps m?entoura d?un voile protecteur et rassurant.
? Je ne sais plus où j?en suis, murmurai-je en laissant les larmes couler. Je? je me sens vide, sans passé et sans avenir.
? Je suis là, mon amour. Même si nous ne sommes pas encore mariés, je veillerai sur vous comme un époux.
J?acquiesçai en silence, incapable de me défaire de ses bras possessifs. Telle une poupée de chiffons, je me laissai bercer, ignorant comment me défaire du mensonge dans lequel je m?étais enfoncé. Le souffle chaud du Patrouilleur caressa mon oreille. Dans un souffle, il me murmura :
? Je ne voudrais pas me mettre en colère contre vous. L?idée de vous faire du mal me serait insupportable, alors ne vous avisez plus jamais de me désobéir, Catherine.
Fuir, il me fallait fuir.*