Oh [mention]Cricri[/mention]
![Hug :hug:](./images/smilies/people/hugging-face.png)
C'est trop chou de me citer ! En plus comme ça tu attires mon attention sur cette très intéressante conversation
Je suis tout à fait d'accord : en écriture il faut faire ce qui nous plaît à nous ! La difficulté c'est qu'il y a d'innombrables possibilités pour raconter la même scène. Il faut trouver celle qui nous plaît le plus, celle qui sonne le plus vrai à nos yeux. Quand on écrit pour être édité, il y a le paramètre du lecteur à prendre en compte, mais je suis convaincue que quand ça sonne pleinement juste à nos yeux, c'est déjà presque gagné ("presque", parce que tous les lecteurs sont différents).
Aramis te donne de bons conseils, [mention]Pluma Atramenta[/mention] ! Je me permets de parler un peu
beaucoup de mon rapport à la description et mes inspirations en la matière.
EDIT : Mon post est hors-sujet, je me suis aperçue trop tard que le topic parlait spécifiquement de la description des personnages... Désolée !
Je laisse quand même parce que je fonctionne à peu près de la même façon pour les descrip de personnages...
J'adore décrire, mais j'ai déjà été gonflée en tant que lectrice par des descriptions trop longues. Du coup, je sais ce qui a tendance à m'ennuyer : les alternances trop "sectionnées" entre description et action. J'aime bien quand les deux se mélangent. Ça me permet, en tant que lectrice, si je suis à fond dans l'action, de lire d'abord tous les passages d'action de la page et ensuite de m'immerger dans les descriptions. (oui je lis dans le désordre xD) Il y a longtemps, alors que je commençais à écrire et que j'avais d'énormes blocs de dialogue sans la moindre narration, on m'a conseillé d'alterner narration et dialogue par petits morceaux plutôt que par gros blocs. Aujourd'hui, je fais encore comme ça : au milieu d'un dialogue, un genre de petite pause pour décrire l'attitude des personnages ou l'environnement. Ou bien l'inverse, une phrase lancée au milieu d'une description.
En fait, quand je décris, j'essaye de créer le
mouvement. C'est ce qui me plaît dans mes descriptions, je crois. En fait j'essaye d'écrire une description comme j'écrirais une action, et inversement. Il y a quelqu'un qui est très fort pour ça, c'est Flaubert, dont je suis très très fan. Exemple :
En se retrouvant aux places où il l'avait déjà vue, l'intervalle des jours écoulés s'effaça dans sa mémoire. Tout à l'heure elle chantait entre les tables ; elle avait disparu, et depuis lors il montait continuellement cet escalier. Le ciel, sur sa tête, était couvert de feux ; la mer emplissait l'horizon ; à chacun de ses pas une immensité plus large l'entourait, et il continuait à gravir avec l'étrange facilité que l'on éprouve dans les rêves.
Il mêle action présente et passée, description, poésie, sensation du personnage... Pour moi c'est le summum de la perfection ! On pourra m'objecter que c'est pas exactement qu'on entend par "description", c'est vrai, mais justement, mon but c'est de décrire de cette façon-là, "en mouvement".
Autre exemple :
Tout à coup la Marseillaise retentit. Hussonnet et Frédéric se penchèrent sur la rampe. C’était le peuple. Il se précipita dans l’escalier, en secouant à flots vertigineux des têtes nues, des casques, des bonnets rouges, des baïonnettes et des épaules, si impétueusement, que des gens disparaissaient dans cette masse grouillante qui montait toujours, comme un fleuve refoulé par une marée d’équinoxe, avec un long mugissement, sous une impulsion irrésistible. En haut, elle se répandit, et le chant tomba.
On n’entendait plus que les piétinements de tous les souliers, avec le clapotement des voix. La foule inoffensive se contentait de regarder. Mais, de temps à autre, un coude trop à l’étroit enfonçait une vitre ; ou bien un vase, une statuette déroulait d’une console, par terre. Les boiseries pressées craquaient. Tous les visages étaient rouges ; la sueur en coulait à larges gouttes.
Quelle beauté
En tant que lectrice, ce qui m'accroche dans les descriptions c'est aussi leur subjectivité. Je n'aime pas trop quand on cherche à me présenter un tableau exact. J'aime la précision, mais je préfère quand elle est teintée du ressenti d'un personnage ou même du narrateur. C'est encore un truc que Flaubert fait très bien : il se moque en permanence de ses personnages dans
l'Éducation Sentimentale et dans
Madame Bovary (voir la description de la casquette au début... hilarant ! Cricri l'a citée dans le premier post du topic).
Du coup, ses descriptions sont toujours intéressantes à mes yeux. Pour ne rien gâcher, il manie les sonorités d'une main de maître. Cette description de la casquette est tellement comique ! Et la première que j'ai mise plus haut est tellement lyrique !!
Aux antipodes de Flaubert, il y a un autre auteur dont j'adore les descriptions : Cormac McCarthy. Deux exemples :
Enveloppés de cumulus noirs les éclairs lointains fusaient sans bruit comme d'une lampe à souder à travers la fumée d'une fonderie. Comme si des travaux étaient en cours sur quelque pièce défectueuse dans l'obscurité métallique du monde.
Il continua par les hautes terres et descendit dans la soirée le versant nord et arriva au pied du glacis où le créosote qui virait à l'olive sombre sous la pluie se dressait en colonies solennelles comme il se dressait depuis des millénaires et davantage dans ce désert vide d'occupant, plus ancien que toute chose vivante.
Il continua, les deux chevaux fermant la marche, débusquant des colombes des mares d'eau stagnante et le soleil à son déclin émergeant des sombres stratus délavés à l'ouest de l'horizon où son rouge incarnat affluait sur l'étroite bande de ciel au-dessus des montagnes comme du sang filtrant à travers de l'eau et le désert rafraîchi par la pluie soudain tout doré dans la lumière du soir puis s'assombrissant, lent écoulement d'encre sur la bajada et les collines pointant à l'horizon et le long tracé de pierre des noircissantes cordillères si net au sud loin à l'intérieur du Mexique.
C'est trèèèès différent, évidemment. (Bon déjà c'est une traduction, deux sensibilités se sont penchées sur le texte) Pas aisé à lire. On dirait un flux d'images qui sont passées directement de son imagination au papier, sans macérer au préalable. Je trouve ça complètement fascinant. Il fait ce qu'on a "pas le droit" de faire : des phrases à rallonge, sans respiration, brutes ; comme les paysages qu'il décrit.
Ce que j'essaye de récupérer dans sa façon d'écrire, c'est ce côté intuitif, brut. C'est terriblement sensible, ça me plaît beaucoup. Ça peut paraître incompatible avec l'écriture millimétrée de Flaubert, mais perso je m'inspire des deux ^^
Bon, voilà, ce sont des pistes à explorer, j'espère qu'elles pourront être utiles
![Laughing :laughing:](./images/smilies/people/face-with-hand-over-mouth.png)
Je pense qu'il faut trouver son style de description, comme on a son style de narration/action. Il faut décrire comme dans un livre et non comme dans un film ou une BD : pas besoin de transmettre une image exacte, impossible d'ailleurs ; l'important c'est le ressenti et la beauté de l'organisation des mots, à mon sens. C'est comme ça que je conçois l'exercice en tout cas !