

« Souvenez-vous où est votre place, jeune fille ! ».
Jamais cette phrase n’avait trouvé de véritable sens dans mon esprit. Maintes fois répétée, en diverses circonstances, aucune réponse ne me préservait d’un nouveau sermon ! Aussi, j’avais appris à me taire, et courbais l’échine lorsque ces paroles s’abattaient sur ma personne. L’envie de rétorquer restait tenace, et il me fallait mordre ma langue pour contenir mon agacement. Le goût du sang dans ma bouche ne suffisait pas toujours, et seule la promesse de ma journée de liberté hebdomadaire me permettait de tenir. À la minute où le soleil brillait sur ce jour tant attendu, j’oubliais cette fichue place et profitais de l’instant présent, libre. Ce matin-là, ce fut une fois encore mon intention.
Depuis que tu es parti, je me suis trouvé une nouvelle occupation! Tu vas être surpris d'ailleurs. Tu es prêt ? J'ai repris la ferme en charge ! Ce n'est pas mal, hein ? Tu me vois, moi, sur un tracteur alors que je n'ai jamais réussi à pousser une brouette ? C'est ridicule, n'est-ce pas ? Mais bon, ça m'occupe et j'en ai besoin. J'en ai besoin pour ne pas penser à toi. Pour ne pas m'inquiéter pour toi.
En ce moment, la météo est mauvaise et avec les récentes pluies, la rivière menace de déborder. Il faut que l'on creuse une tranchée non loin de la ferme pour éviter que l'eau ne vienne sur les terres. On n'a déjà plus beaucoup de bestiaux. Quelques vaches, quelques moutons. Les poules ont été massacrées par les chiens du coin. Des chiens errants on suppose . Georges m'aide beaucoup pour tout remettre en état. Te souviens-tu de Georges, Xxxx ? Ce petit rouquin pleurnicheur qui nous suivait tout le temps et qui nous voyait mariés. Il a bien grandi depuis. Disons qu'être l'un des rares « hommes » à ne pas être partis lui pèse sur la conscience. Il aimerait te rejoindre, mais personnellement, je préférerais qu'il reste ici. Avec nous. Avec moi.
Georges n'a que 15 ans.
Nous... Nous n'en avons que 19.
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