Pourquoi rêvez-vous d'être écrivain ?

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Fauchelevent
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Re: Pourquoi rêvez-vous d'être écrivain ?

Message par Fauchelevent »

Je ne connaissais pas l'existence de ce topic, j'ai adoré découvrir toutes vos histoires et vos points de vue... <3

Je fais partie de ces gens qui dissocient encore "écrire" et "être écrivain.e" (être écrivain.e nécessitant pour moi d'être lu.e). Il me paraît donc plus logique de diviser ma réponse.

J'ai commencé à écrire très jeune, à un moment où lire ne me suffisait plus. J'ai toujours beaucoup lu, lu avec obsession, dans une sorte de... d'instinct de fuite, je dirais. Toute interaction autre que strictement familiale m'était si difficile que le "dehors" me faisait l'effet d'être quelque chose de trop grand et de dangereux. Je ne savais pas comment parler aux gens, je ne comprenais pas leur visage, et je ne parvenais pas à déterminer si j'étais plus étrange que leur étrangeté, à tou.te.s. Je n'avais aucun moyen d'accéder à ce que les gens autour de moi pouvaient avoir de "normal", de rassurant. Très peu de choses faisaient sens (moi y compris).
La lecture, c'était un mode d'emploi. Pour la première fois, j'avais accès à ce que cachait la tête des gens (et qu'importe que "les gens" en question n'aient été que fictifs, je n'étais pas en mesure de faire la différence). Je pouvais suivre leur fil, déterminer précisément leurs motivations, comprendre leurs réactions. Les livres expliquaient le pourquoi des visages, des conventions, la politesse : ils me montraient une sorte d'intimité pleine à laquelle je n'avais pas droit du tout, dans la vraie vie. Je crois vraiment qu'ils ont été le lien me permettant de fuir sans en vouloir aux gens. J'avais beaucoup de mal, beaucoup de colère en moi à l'époque pour tenter de comprendre que les gens du réel ne me refusaient rien et que c'était ma tête, ma tête à moi, qui restait coincée dans la serrure.

Et puis lire n'a ensuite plus suffi du tout, quand j'ai compris. Je me retrouvais soudain avec des choses à exprimer sans connaître le juste biais pour le faire - je me croyais idiote, mais avec la petite pointe d'intelligence en trop, juste suffisante pour m'en rendre compte et en souffrir. Je savais que je m'y prenais mal. Avec les gens, toujours, avec la vie, avec moi. Je ressentais au centuple sans pouvoir le faire comprendre et très honnêtement, mon Dieu, j'en crevais. Les mots avaient pour moi un poids et une saveur magiques quand ils étaient lus, à l'abri, et ils me trahissaient quand je tâchais de les utiliser tous les jours. Dans mes interactions, à l'état de nature, de spontanéité, ils ne valaient plus rien. Ils n'étaient jamais justes, jamais calibrés comme il faut.
J'ai écrit pour tenter de conjuguer mon besoin d'expression, de fuite, de tendresse, et mon incapacité absolue à gérer ne serait-ce qu'un seul de ces trucs. J'ai laissé mon intérieur grandir parce que c'était de loin la chose la plus précieuse que j'avais à m'offrir. J'y ai inventé des gens que j'étais apte à comprendre et que je reconnaissais.

Je ne m'attarderai pas sur la douleur que c'est d'écrire, pour moi (je crois que celleux qui me lisent en ont déjà une idée bien précise, à force :)). Ca m'est cependant nécessaire parce qu'encore aujourd'hui, c'est le seul recours que je possède pour appréhender tout ce que le dehors a de... traître. En vieillissant j'ai beaucoup appris et raisonnablement compris, je parviens le plus souvent à faire-en-sorte, mais mes aptitudes ont un coût que je ne parviens pas toujours à payer. Ecrire allège ma dette. J'y retrouve des mondes qui ont un sens et des gens dont je connais presque tout. J'entre en état de cohabitation, je me façonne, je me tiens prête. C'est parce que j'écris, même dans la douleur, même à ne plus en pouvoir, que je parviens à mettre un pied dehors. Si je n'avais pas ça, c'est toute ma construction sociale qui se casserait la gueule - je n'aurais pas le liant suffisant pour articuler tout ce qui doit être articulé, quand on est avec quelqu'un qui n'est pas soi et qui n'est pas né de soi. Un vrai quelqu'un.

Pour ce qui est du rêve de devenir écrivain.e... Il n'est vraiment né que quand je l'ai laissé naître, il y a moins d'un an. Avant ça, je me cachais la tête dans le sable parce qu'être écrivain.e, ça induit tout un tas de choses avec lesquelles je suis mal à l'aise ou pour lesquelles je ne suis pas prête : assumer un besoin de reconnaissance, une forme d'égoïsme, un goût du risque...
Et puis j'ai commencé à me dire que j'allais un jour devoir faire un choix. Je n'y suis pas encore, pas tout à fait. Mais je sais que d'ici quelques mois, il me faudra définir où je vais et quel avenir je souhaite vraiment bâtir, avec mes histoires. Je ne pourrai pas conjuguer un vrai travail au-dehors, plus conséquent que celui qui me fait vivre actuellement, et l'écriture telle que je la conçois toujours aujourd'hui et contre laquelle je me bats. Je n'aurai pas assez d'énergie pour deux luttes, aussi futiles puissent-elles paraître à plein de gens. Clairement pas.
PA y est pour beaucoup, d'ailleurs. Je ne crois pas que j'aurais laissé cette idée rentrer si certains mots n'avaient pas été là. <3

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Pluma Atramenta
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Re: Pourquoi rêvez-vous d'être écrivain ?

Message par Pluma Atramenta »

Super récapitulatif, [mention]Fauchelevent[/mention] !
Je suis totalement d'accord avec vos raisonnements à tous. Mais je viens donc de trouver une réponse beaucoup courte et plus compréhensible que celle que je vous avez fourni précédemment : Ecrire c'est la liberté. <3

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arno_01
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Re: Pourquoi rêvez-vous d'être écrivain ?

Message par arno_01 »

Comme beaucoup ici, je fais une distinction entre écrire et être écrivain. Mais je ferais plutot 3 niveaux/étapes :
- Ecrire : qui implique uniquement l'auteur
- Etre lu : PA, et vous - toutes les plumes et lecteurs - apportant une aide inestimée pour franchir cette étape (avec en prime de gentil commentaire). Etape qui peut se transformer en être publier.
- En faire son métier (ou plus ou moins son métier) : qui peut permettre de se consacrer davantage à cette passion

Concernant mes propres motivations :
J'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup, lu quand j'étais enfant puis adolescent. (dans une famille de 3 garçons nous rivalisions pour avoir la plus grande bibliothèque - en nous prétant bien entendu les livres). J'ai donc très vite développé une imagination débordante, et une volonté de m'évader toujours plus loin.
Au fur et à mesure du temps mon imagination à commencer à créer des véritables personnages, des situations, des émotions qui ont pris une part de plus importantes pour moi. Je voulais les mener au bout, comprendre les motivations, les sentiments, les peurs. Je devais décortiquer chaque personnage, chaque passage. Je me mettais dans la peau de chaque personnage.

Ecrire :
A un moment j'ai compris qu'il était nécessaire que je les écrives, que je les sortes de moi-même. Si je ne voulais pas que ces histoires mes prennent tous (mon temps, mon énergie, mes sentiments), il fallait que je les fixes. Une fois écrites, me disais-je, je pourrais l'oublier et passer à la suivante. J'ai entre temps compris qu'il ne suffisait pas d'écrire, il fallait que je les écrivent bien. Le temps que l'écriture ne me plait pas, je repasse, ressasse toujours le même bout d'histoire, à corriger, retravailler, changer.

Etre lu :
Etre lu, c'était la suite logique. Non parce que j'écrivais pour être lu. Mais pour que l'histoire parte, appartienne également à d'autres. Si l'histoire est lu, j'en suis déchargé. Déchargé de la responsabilité des émotions que l'histoire détient. Déchargé aussi du pouvoir de changer cette histoire. Une fois cette histoire passé au lecteur, elle ne m’appartient plus uniquement. Je n'ai donc pas le droit (ou moins le droit) de la modifier. Et puisque je n'ai plus ce droit, je ne ressens plus (ou moins) l'obligation d'aller fouiller dans ces sentiments, ces émotions, pour les comprendre, les décortiquer.
Etre lu, me permet de me décharger de l'histoire, en être enfin débarrasser. (merci à vous lecteur)

Etre publier :
Cela donnerait bien sur une reconnaissance, mais principalement cela veut dire également une version fixe de l'histoire, et beaucoup de lecteur. Donc une histoire que je me débarrasse d'autant mieux !

En faire son métier :
C'est un stade que j'aimerais bien atteindre, non pas tellement pour la reconnaissance (d'autant que je ne sais pas si j'aurais le courage de publier sous mon nom), mais pour pouvoir consacrer beaucoup plus de temps à l'écriture. J'ai bien trop d'histoire en tête, de personnages que j'ai déjà trop explorés pour arriver à les abandonner.
(et avec mon boulot actuel, j'ai peu de temps à consacrer à l'écriture, donc une vie risque de ne pas me suffire)

Donc merci à PA pour me permettre de fixer, et me libérer de mes histoires
Et un grand merci à toutes les plumes, grâce à qui je peux lire une bibliothèque de qualité dont j'aurais du mal à tout terminer. (j'ai définitivement gagner le pari avec mes frères)

Prudence
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Re: Pourquoi rêvez-vous d'être écrivain ?

Message par Prudence »

Quoi ? Ce topic est resté à l'abandon deux ans ? :screaming: (Non, en vrai, je comprends, il a déjà bien vécu :tears-joy: J'ai lu certaines réponses. Elles sont si nombreuses et fournies <3)

Cette question pourrait se heurter à celle-ci : « Pourquoi écrivez-vous ? » Elles se font échos, j'ai l'impression.

Personnellement, j’ai du mal à me qualifier d’écrivain. Ça dépend par quel angle, je l’envisage. Mon imaginaire s’enflamme aussitôt à ce qualificatif. Le mot me fait rêver. Je tends à devenir écrivain, je suppose. Ce qu'il implique est immense : toutes ces histoires en devenir, ces personnages qui me tiendront compagnie, qui me consoleront, ces défis à relever, d’avoir un projet « facile » à mettre en place, à mener à terme, la perspective d’accomplir quelque chose, la perspective de retour professionnel, d’édition, de papier…

Je n’écris pas tant pour être publiée, mais pour l’émotion que cette perspective fait germer en moi. Un peu comme cette émotion qui m’envahit lorsque je regarde des interviews d’autrices et d’auteurs. J’adore écouter les auteur.e.s parler de leurs galères, de leurs « méthodes d’écriture », de leurs combats, de leur vision du monde, de leur joie.

Surtout les auteur.e.s jeunesses. Je trouve qu’il y a dans la littérature jeunesse une légèreté incroyable, une sorte de courage mais aussi de gentillesse, d’émerveillement constant et de magie qui me fait rêver... Les étagères pleines de livres jeunesse avec ces livres qui rivalisent de beauté m’émerveillent, me transportent. Apporter mon livre comme une pierre à l'édifice – celui que j’aurais écrit, si j’y arrive, et si la chance et le travail me permettent de faire publier un bouquin – c’est… m’intégrer, en quelque sorte, dans un "univers" commun, partagé par des milliers de personnes réunies par l’amour du livre. Écrire, c’est participer à un ouvrage plus grand. Comme l’a résumé Pluma, écrire offre la liberté, un nouveau souffle.

Je n’écris pas pour le résultat, mais pour la perspective du résultat qui m’anime et qui me remet devant mes feuilles ou mon ordinateur avec une force renouvelée. Avec l’envie tenace d’écrire.

Il y a, oui, l’amour des mots, l’amour des personnages, l’amour d’écrire, l’amour de l’histoire. Écrire, c’est aimer, en quelque sorte. Pas toujours. Mais quand on aime écrire, on se dit : ah oui, c’est pour ça que j’écris : Ça me rend heureux.se. Ça n’a pas de prix.

Je rêve d’être écrivain parce que j’écris. Et parce que j’écris, je rêve d’être écrivain.
Écrire, alors, c’est comme vivre son rêve chaque instant.

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Arcadius
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Re: Pourquoi rêvez-vous d'être écrivain ?

Message par Arcadius »

Je me suis longtemps posé cette question, pour finalement en venir à me dire que : écrire c'est toujours parler de soi (ou dire des choses sur soi (c'est très indirecte parfois)), donc cela ne reflète que mon égo surdimensionné :tears-joy: que je m'efforce de cacher la plupart du temps alors :shush:

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itchane
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Re: Pourquoi rêvez-vous d'être écrivain ?

Message par itchane »

Hahaha, je suis assez d'accord avec toi @Arcadius, et le tout teinté de la prétention de penser que ce que l'on raconte est assez intéressant pour vouloir que d'autres le lise :rofl:

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