Hello @Litchie !
J'ai vu passer ça au boulot, et j'avoue que pour le moment je suis en demi teinte sur le sujet? déjà parce que l?annonce de cette réforme est toute récente et sans vraiment d?informations développées pour le moment (Droit-Finance a fait [une analyse de la loi](
https://droit-finances.commentcamarche. ... aites-2019) qui est pas mal, et qui signale que tous les régimes spéciaux seront pris en compte) et donc peu d?informations fiables, ensuite parce que la France reste un pays où l?exception culturelle est considérée comme un patrimoine national, et après parce que? j?ai aussi une position en demi-teinte sur la notion « d?auteur de métier » et sur les revendications qui peuvent aller avec.
/!\ qu?on s?entende bien : je suis totalement pour le droit à la retraite des artistes, au fait qu?ils soient traités à considération égale malgré revenus différents comme le permet la loi de 1975. Je pense sincèrement qu?il faut effectivement protéger ce droit et faire en sorte que les artistes qui atteignent le graal de vivre de leur art puisse aussi y survivre lorsqu?ils n?auront plus le pouvoir de créer ou d?exécuter leurs ?uvres.
Mais.
Le mouvement de panique créé par « L?Extinction Culturelle » me dérange.
Attention pavé !
Et positions persos.
Avant de démarrer ma réflexion globale sur la question, je vais devoir rappeler deux trois points qui risquent de faire grincer des dents mais qui sont essentiels dans ma façon de penser le sujet abordé :
Vivre de sa plume est pour moi comme vivre de sa peinture, de sa danse, de son jeux sur les planches ou de sa musique, de son chant, de sa sculpture, de n?importe quelle ?uvre artistique : c?est soumis à l?imprévisible, à la concurrence du talent et surtout à son terrible tamis, c?est se soumettre au tri, à l?échec, à l?instable, au recommencement, au rêve de millions d?autres qui voudraient eux aussi vivre et manger de leur rêve sans plus s?abêtir dans un métier métro-boulot-dodo qui les fait chier, les enfumes et les ensuques. C?est accepter l?instable, le vide, le risque et surtout le différent, que ça soit du point de vue de la norme, de la société, ou encore, tout simplement, de la rémunération et de la reconnaissance sociale.
Pour moi il est impossible de conjuguer liberté d?artiste et paiement d?employé de rendement. De travailler comme on veut, quand on veut, comme on peu, de mettre 1 an ou 10 ans à produire une ?uvre, et demander à être payé au smic horaire sans les contraintes qui vont avec, sans accepter les exigences de rendement d?un éditeur qui prend le risque financier tout en attendant patiemment qu?un jour, peut-être, l?artiste ponde enfin la pièce majeure qui explosera les ventes. Tout comme il me semble abstrait de voir un producteur de théâtre financer une troupe et des acteurs qui ne jouent pas pendant deux ans, ou qu?une groupe de musique se produise sans son chanteur parce qu?il a une panne d?inspiration.
Un métier artistique, c?est un métier à risque, où on va souvent devoir faire autre chose à côté pour pouvoir manger, boire, vivre, dormir, respirer, et créer, justement à cause de ce tamis d?artiste, de ces millions de rêveurs et rêveuses qui forment les vagues du rêve culturelle mais dont, comme pour les marais salants, on ne voit vraiment que la fleur de sel, ces artistes qui peuvent vivre de leur talent, de leurs ouvrages, de leur musique, de leur jeux, de leur veines. Ensuite vient le sel, ces artistes qui peuvent se produire mais qui vivent d?autre chose, et après l?eau, qui sont tous ceux qui essaient et essaient encore sans jamais vraiment percer, mais dont le souffle ne s?arrête jamais, puisqu?elle revient à la mer, au sel, et tout recommence. Et qui bien trop souvent pensent que la fleur de sel devrait être la norme pour tout le monde, quel que soit la qualité de leur piquant.
Un métier artistique, pour moi, c?est ne jamais oublier qu?on est plusieurs millions à vouloir faire la même chose, qu?on quo-dépend des autres et qu?ils dépendent de nous même, que la reconnaissance et la gloire, c?est pour un petit pourcentage, et que si on se lance dans l?aventure pour ça, alors on a tout faux et on va se casser la figure.
Peut-être que c?est plus facile pour moi de garder tout ça en tête parce que je fais ce qu?on appelle un métier passion, parce que je « vis le rêve » et que je sais ce que ça fait. Que j?ai accepté de vivre en dessous du seuil de pauvreté et de dépendre en partie de l?état pour pouvoir manger et travailler dans le livre, monter ma boîte et manger des pâtes, taffer comme une fondue 60h par semaine pour avoir la victoire de voir dans les yeux d?un gamin qui aime pas lire l?envie de tourner la page, de faire grogner mes clients parce que je leur raconte la bonne histoire qu?ils vont se sentir obligés d?acheter, d?avoir le plaisir de me faire rémunérer en sourire, en amandes au curry, en râleries, en émerveillement et insultes du genre « Non mais taisez vous je veux plus vous écouter je vais encore tout prendre ! ». Parce que j?ai un taff qui me nourri l?âme tout en laissant mes poches vides, que les mîtes qui en sortent c?est autant de rappels que « Hey ! J?ai pas une thune, mais je sais pourquoi je me lève. Pour quoi je me crève. Pour quoi je rêve. »
Peut-être que du coup ma vision est biaisée sur les sacrifices qu?il faut consentir pour suivre sa voie.
D?autant plus que la fleur de sel, les artistes pouvant vivre de leur art, ne sont pas légion et ont une production ultra qualitative ou en grande quantité, et que le sel, celui qui pimente nos lectures, nos spectacles, nos concerts, investit du temps, de la passion, de l?amour, de la sueur mais pas d?argent ni de risque. La plupart ont un travail à côté, avec une sécurité sociale qui va, ou une cellule familiale qui les soutient et leur ménage le pouvoir d?écrire, et que, en sale bête que je suis, je pense qu?on à toujours le choix et qu?un métier métro-boulot-dodo n?est jamais une fatalité.
Mais là dessus je crois que je suis un peu intégriste. Trop de caractère.
Bref je divague.
Le point est : un artiste est une exception de métier. Un art en soit, avec tout ce qui va avec de funambulisme et de risque. Comme l?auto-entrepreneur, comme les artisans, les métiers libéraux, les gérants? tu sais que ta retraite bah? C?est toi qui la construit, pas tes revenus, pas l?état. T?as choisi, vis avec. (Quand je vous dis que je suis un poil intégriste sur des trucs =D )
Et un artiste qui vit de son art, c?est une exception. Une exception culturelle même. Justement.
Mais concernant réellement la question posée, « l?Extinction Culturelle »
>>Dont le nom je l?avoue me fais doucement grincer des dents. Très « pute à clique » pour alerter, paniquer, fédérer, régir? dans un pays où la culture s?invente et se réinvente tous les jours. Y?a 10 ans, l?internet devait tuer l?édition ; le SMS, l?écriture ; la télé, les cerveaux ; l?école, l?esprit critique? après c?est bien, ça interpelle? par contre, lancer ce mouvement là alors que le contenu de la réforme est pas encore connue dans les détails, surtout concernant les centaines de régimes spéciaux français, ça me semble un peu anticipé et pas forcément très pertinent : on ne sait pas encore ce qu?il va en être.
et la question de la retraite pour cieux qui pourraient vivre de leur plume, pour le moment plusieurs points/questions sont à considérer avant que ne se lance la panique complète :
* Le code Napoléon tout d?abord, qui régit les lois en France et qui fait qu?aucunes lois ne peut être abrogée/annulée/supprimée. On peut les amender, les modifier, les contre-dire, mais pas les supprimer. Ce qui fait qu?encore aujourd?hui mesdames, si on vous fait un procès pour port de pantalon eh bien? il est possible que l?accusateur puisse gagner, aussi absurde que cela puisse être, vu que c?est interdit par la loi, malgré amendement. Hors la loi dont il est question pour le régime artiste-auteur est justement inscrit dans la loi : pas facile d?ignorer cette partie du coup, lors de la réforme des retraites.
* La pluralité des régimes spéciaux en France, que l?état ne peut tout simplement pas ignorer et qu?il va sérieusement devoir prendre en compte s?il ne veut pas que le mouvement gilet jaune ne devienne un mouvement terroristo-anarchiste
* Le système de création de loi en France qui veut qu?une triple validation (assemblée-sénat-assemblée) soit faite pour qu?une loi, un amendement ou un article soit validé. D?où m?est avis le délais jusqu?à 2025 pour la création de la réforme. Qui sera lancée sous Macron, réfléchie sous le régime de la personne qui lui succédera, et appliqué par la présidence suivante probablement. Ce qui laisse le temps à pas mal de choses de bouger / respirer / débloquer / changer.
Partant de là, on peut se détendre un peu et recommencer à réfléchir.
Concernant le mouvement « Extinction Culturelle » qui annonce peut-être simplement l?extinction ou le changement d?un système en place (et pourquoi pas ? Est-ce que ça ne fait pas des années que les artistes, et surtout les auteurs, rêvent de changer le système du livre en France ? Et le système de l?art et de la culture?) je relève un petit truc qui me gêne : l?antinomie de la crainte.
A la lecture de l?article, on se rend compte qu?on part du principe que les artistes auront des cotisations plus élevées ou toucheront moins de retraite parce qu?on conservera le même taux de cotisation diffuseur? qui est établie dans la loi de 1975, la même qu?ils ne veulent pas voir abrogée.
Mais du coup si l?état ne la garde pas, est-ce que ça ne veut pas dire que tout ça va être repensé ? Que potentiellement on augmentera au contraire la part diffuseur ?
Ou que l?état, comme ça semble annoncé, réfléchira à la question des régimes spéciaux justement ?
Après tout, artiste fait partie des millions de corps de métier libéral qui existent, non ?
Du coup, est-ce que la question se pose ne serait pas plutôt de la réforme/modification des contrats auteurs/éditeurs, et de comment l'état va faire en sorte que les prélèvements retraites se fassent ?
De ce que je comprends, aujourd'hui les artistes ont une cotisation à 8,4% (7,30% de cotisation + celle du diffuseur qui est de 1,1%) + les 8% de la RAAP (soit 16,4% contrairement à ce que dit l'article, mais on est pas a 1 près...). Ils partent immédiatement du principe que la hausse de cotisation sera imputée aux auteurs seuls... pourquoi ? Les diffuseurs étant comptés considérés comme employeurs dans la loi de 1975 pour l'accession à la sécurité sociale, ils auront forcément une hausse de leur part de cotisation. Qui se répercutera vraisemblablement sur le prix des livres/places de spectacle et sur les marges allouées aux diverses parties de production d'un ouvrage s?il n?y a pas d?aide de l?état mais? pourquoi pas ?
J?ai l?impression qu?il y a une panique de mouvement, de quelque chose va changer, tout en ne réfléchissant pas en amplitude, mais en fixité : plein de choses vont changer avec cette réforme, mais du coup on réfléchis avec les acquis et pas avec les possibles ; on voit le mauvais tout de suite et on campe sur les existants tout en essayant de penser en mouvement ; et tant qu?on à pas tous les paradigmes, c?est compliqué de se positionner, de s?affoler ou de se défendre de quelque chose.
Autant je trouve que l?idée de rappeler que « hey, le métier d?artiste à un régime spécial ! » est très bonne et nécessaire, autant je trouve la panique artistique prématurée et un poil mélodramatique.
J?avais dis que je ferais un pavé?
Bref. La question de la retraite universelle interpelle et inquiète les milliers d?exceptions françaises, ce qui est normal. Elle fait paniquer ceux qui ont des petits revenus et peut d?espoir d?avoir une retraite digne de ce nom en vieillissant, ce qui est normal aussi. Mais je pense qu?elle est encore à réfléchir et à surveiller. Que vivre de son art comporte une partie de risque inhérente à la pratique et que le droit à la retraite reste, justement, un droit, en France.
C?est important de le défendre, de le garder, de l?améliorer.
Mais pas forcément de paniquer.
Au contraire, regarder, analyser, réfléchir, faire en sorte qu?il se conserve sans non plus tout sniper comme ça vient, histoire de se protéger, peut-être, en approximatif.
Et puis?
D?un point de vue totalement contre-lutte-sociale, mais aussi totalement anti-panique :
Est-ce qu?un droit à la retraite en baisse empêchera de créer ??
Est-ce qu'il faut forcément ne pas travailler pour écrire et vivre de sa plume/de son art ? Est-ce qu'il faut n'écrire que ce qu'on aime pour pouvoir vivre de ce qu'on écris ? Ou est-ce qu'il faut aussi accepter d'écrire autre chose ? Est-ce qu'artiste est incompatible avec travailleur ? Est-ce que tous les artistes publiés, écoutés, mis en scènes, enregistrés, diffusés, accompagnés, ne font que ça de leur vie ? Est-ce que toutes les personnes qui écrivent et publient sur ce forum n'ont pas de métier à côté ? Ou des cours ? Est-ce que toutes les personnes qui sont éditées ici ne font que ça ?
De tête je peux citer plusieurs auteurs publiés et célèbres qui font un autre métier à côté sans que ça ne gêne leur production... du coup la peur de "l'écrivain rentier" est-elle vraiment rationnelle ?
Ma position : attendre, voir, entendre, écouter, soutenir et surtout réfléchir.