S'identifier au personnage ?

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HarleyAWarren
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S'identifier au personnage ?

Message par HarleyAWarren »

Hello!

J'ai un peu fait le tour des sujets sur le forum et je n'en ai pas trouvé qui ressemble à la question que je me pose, donc je me lance.

Depuis que j'ai commencé à écrire, mais de plus en plus ces derniers temps, je vois beaucoup de lecteurs et d'auteurs qui parlent du fait que le lectorat doit pouvoir s'identifier au protagoniste, voire s'y projeter. Et... je dois avouer que je ne comprends pas.

Autant le fait que les personnages doivent avoir assez de substance pour paraître "réels" ou du moins qu'ils aient des réactions et des personnalités qui ressemblent à ce qu'on pourrait retrouver chez de vraies personnes, oui, ça, je le conçoit totalement, autant le besoin de s'identifier ou de se projeter dans le personnage, c'est un concept qui me paraît totalement étranger.

J'ai vu dans un autre topic (sur un tout autre sujet), quelqu'un qui disait que trop décrire son personnage avait déplu aux lecteurs parce que ceux-ci voulaient plus de marge de manœuvre pour pouvoir se projeter dans l'histoire, plutôt que d'avoir un autre personnage bien défini qu'on accompagne dans son histoire.

Tout à fait personnellement, je ne me suis jamais projetée dans un personnage de fiction (je passe déjà tout mon temps avec moi même dans la vraie vie, c'est pas pour me retrouver dans les romans non mais). J'ai compris leurs personnalités, leurs conflits internes, etc mais à mon sens, cela n'est pas la même chose. Pareil quand j'écris : je pars quasi toujours de personnages très spécifiques et définis, je n'ai pas du tout dans l'idée que la personne qui va me lire va vouloir s'imaginer dans ce protagoniste. Et du coup, j'en viens à me demander si ça ne dessert pas mes textes/si ça ne rebuterait pas directement les lecteurs :worried:

Zlaw
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Zlaw »

Bonjour @HarleyAWarren !


Sujet très très intéressant, dis donc ! C'est drôle, parce que j'ai été amenée à un questionnement similaire un jour, lorsque mon père m'a sorti qu'une série ne lui plaisait pas parce qu'il n'avait trouvé aucune personnage à qui s'identifier. (Pour des raisons bidons, en plus.) Je suis restée scotchée, parce que je n'avais absolument JAMAIS vu ça comme une nécessité dans quelque format de récit que ce soit. Et c'est d'ailleurs toujours vrai aujourd'hui, donc je pense que nos impressions sur ce sujet précis se rejoignent peut-être. =)

Cette expérience extraterrestre mise à part, il m'est tout de même bien sûr déjà arrivé de retrouver certains de mes traits de caractères disons les plus rares dans des personnages, et ça me les a soit rendus plus sympathiques (du simple fait de se sentir moins seule) soit plus antipathiques (parce que ceux qui prétendent qu'ils n'ont aucun défaut ont au minimum celui de mal se connaître ^^). Mais je ne pense pas pour autant qu'on puisse parler d'identification. C'est peut-être prétentieux mais chacun est unique, et il en va de même pour les personnages. On ne s'identifie pas à qui que ce soit dans la vraie vie (ou alors il faut qu'on m'explique o_0), donc j'ai du mal à concevoir que ça arrive avec une fiction...
Et pour ce qui est de lecteurs qui rejetteraient la description faite d'une personnage, quitte à sonner rude, en ce qui me concerne je prends ça pour de l'irrespect, et ils peuvent aller lire autre chose. Encore une fois, on ne ferait pas ça à quelqu'un dans la vraie vie. "Ah non, toi j'ai décidé que tu étais brun." Sauf que non, en fait. xD
Et si tu as peur que ton lectorat soit rebuté par des descriptions supposément trop précises, alors le point rassurant que je peux t'offrir c'est que ce ne sera jamais mon cas. Pour moi une description détaillée est une prouesse, et surtout ça n'entrave pas l'imagination pour autant. Même sur des sujets techniques c'est difficile que tout le monde comprenne la même chose, alors sur une description physique d'autant plus ! Au contraire, ça évite de toujours se rabattre sur les mêmes visages et morphologies, non ? :monocle:

Enfin, c'est adjacent et on va sans doute me lancer des pierres, mais j'ai la même ambivalence avec la représentation disons gratuitement exacerbée, et même pas par l'auteur mais par les spectateurs/lecteurs, la plupart du temps. Ça m'agace toujours que les gens s'extasient comme des pleureuses moyenâgeuses de la présence de tel ou tel type de personnage (et ça peut aller de la couleur de cheveux à des caractéristiques bien plus obscures si non moins anodines). On décrit le monde (ou un monde, mais vous avez saisi l'idée). Forcément qu'il va y avoir de tout. Ou pas. Statistiquement, ça peut aussi être absent, et ça n'est pas un crime, c'est juste la vie. Et si on veut supposément rendre normales toutes ces choses qu'on estime rares, alors s'extasier dessus a pour moi l'effet tout inverse, ça les pointe du doigt comme un phénomène de foire. C'est bien que ça nous plaise, pas de problème avec ça, au contraire (j'ai bien dit que retrouver mes traits de caractères les moins fréquents dans des personnages avait un effet rassurant, donc je comprend tout à fait cette partie) mais en remettre une couche n'a à mon sens pas lieu d'être.
Exemple réel : je reste tout bonnement perplexe quand je vois 'romance queer' (je le prends comme exemple parce que je l'ai vu passer plusieurs fois ces derniers temps alors que je n'avais jamais vu cette catégorie auparavant). Dans ma tête, ça fait systématiquement : "donc, une romance, en fait...?". C'est pour éviter au plus mal à l'aise avec ça de franchir le seuil, c'est ça ? Bref. Je vais sans doute passer pour une fasciste donc je vais m'arrêter là. ><

Tout ça pour dire (avec quelques détours, désolée) que je suis tout aussi perplexe que toi vis-à-vis de l'identification dont certaines personnes semblent être friandes voire carrément dont elles paraissent avoir besoin. Mais il faut de tout pour faire un monde, alors pourquoi pas, après tout. Comme avec tout, je pense que la règle est de ne pas empiéter sur les autres. Si tu préfères faire des descriptions précises, ne t'en laisse pas dissuader par des lecteurs qui cherchent autre chose, et inversement, si quelqu'un préfère rester plus vague pour quelque raison que ce soit, qu'il le fasse. =D

Voilà pour moi. Zlaw, out. :sunglasses:

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Hylla
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Hylla »

Très intéressant ce sujet ! Chacun recherche après tout une émotion différente dans la lecture, et certains ont peut-être besoin de s'identifier pour que le livre leur plaise, mais ça ne me semble pas être une règle. Ou sinon, elle ne s'appliquerait ni à moi, ni à vous deux non plus a priori @HarleyAWarren et @Zlaw !

Pour rebondir sur la question, je dirais que c'est davantage la création d'un lien d'empathie envers le personnage, protagoniste comme secondaire ou antagoniste, qui me fait tourner la page. Si leur situation me touche, alors j'ai envie de savoir ce qu'il va arriver au personnage. Par cela, je ne veux pas dire que je dois aimer le personnage, mais plutôt que je le comprends, et qu'à ce titre, je comprends aussi en quoi l'élément déclencheur et les péripéties le remuent.

Les personnages, même s'ils sont à l'extrême opposé de notre personne, peuvent faire face à un obstacle douloureux qui lui, nous parle. Des sujets comme le deuil, l'amour et la séparation sont universels, comme plein d'autres choses, et des personnages peuvent nous parler à travers ces épreuves qu'ils surmontent devant nos yeux. Ils peuvent nous éblouir quand on avait un mauvais a-priori sur eux, ou nous faire les détester. Et même lorsque c'est le cas, on jubile de l'émotion qu'ils nous ont fait ressentir à la lecture, et on adore les détester, comme tel personnage (et pof, identification). L'intrigue et le personnage sont comme deux fils entretressés qui se répondent. Je divague peut-être, mais le sujet est riche !

Dans tout les cas, le ressenti qu'aura un lecteur devant un récit dépend avant tout de sa propre subjectivité et de sa propre expérience. Certains se reconnaissent dans un là où d'autres se voient dans un autre. Je ne pense pas qu'il faille écrire de personnage "générique" auquel tout le monde pourrait s'identifier, c'est avant tout comment l'histoire de ce personnage est racontée qui fait que le lecteur se projette ou non dans un roman. Une histoire écrite avec le cœur, quel que soit le genre, a de fortes chances d'être un meilleur cru que si on bride sa plume avec des conseils et des théories sur ce qu'il convient d'écrire ou de ne pas écrire.

Alors écris-nous des personnages odieux et détestables si cela te fait plaisir, ils n'en seront que plus croustillants :grimace:

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Contesse
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Contesse »

Bon, je vais encore plussoyer ce que les plumettes ont dit avant moi, et donc être parfaitement inutile mais...

Je suis d'accord avec vous trois @HarleyAWarren, @Zlaw, @Hylla. Pour moi, un personnage n'est pas fait pour que le lecteur s'identifie à lui ! Sinon, comment tu fais ? Tu écris 8 milliards de personnages, au cas où tous les humains de la planète te liraient ? Non, ce n'est pas possible (oui, je précise au cas où l'idée traverserait l'esprit). :'D

À mon avis, le rôle d'un personnage est avant tout de ne pas laisser indifférent. J'ai beaucoup réfléchi, et on m'a dit plusieurs fois que tel ou tel personnage que j'ai écrit agaçait, voire était détesté (parfois c'était voulu, d'autres fois, non). Et je me suis dit "wow. Dur quand même !" (Zlaw, tu comprendras de quoi je parle xD) Après, j'ai réfléchi et je me suis dit : "mais attends, non ! En fait, j'ai gagné. J'ai réussi à créer un personnage qui a assez de caractère pour être aimé ou détesté." (Donc oui, Zlaw, tu peux détester Jade, ça me va en fait :'D). Alors mon personnage est utile, parce qu'il crée de l'émotion. Le personnage qui va me déranger moi à la lecture, c'est le personnage qui ne me fera ni chaud ni froid.

Parce que sérieux, si je devais lire des livres pour m'identifier au personnage, euh... Déjà ça me prendrait des décennies pour le trouver, le bouquin. Et ensuite, bah, c'est moyen fun quand même, de lire/regarder des oeuvres uniquement parce que le personnage te fait penser à toi ! C'est presque égocentrique, d'ailleurs.

Bref, Zlaw, tu diras à ton père, et Harley, tu diras aux personnes qui t'ont sorti cet argument : "si tu veux un personnage auquel t'identifier, écris ton autobiographie."

Voilà, bisous. ;*

Zlaw
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Zlaw »

Modeste Contesse a écrit : 26 juil. 2021, 23:40 À mon avis, le rôle d'un personnage est avant tout de ne pas laisser indifférent. J'ai beaucoup réfléchi, et on m'a dit plusieurs fois que tel ou tel personnage que j'ai écrit agaçait, voire était détesté (parfois c'était voulu, d'autres fois, non). Et je me suis dit "wow. Dur quand même !" (Zlaw, tu comprendras de quoi je parle xD) Après, j'ai réfléchi et je me suis dit : "mais attends, non ! En fait, j'ai gagné. J'ai réussi à créer un personnage qui a assez de caractère pour être aimé ou détesté." (Donc oui, Zlaw, tu peux détester Jade, ça me va en fait :'D). Alors mon personnage est utile, parce qu'il crée de l'émotion. Le personnage qui va me déranger moi à la lecture, c'est le personnage qui ne me fera ni chaud ni froid.
Je suis d'accord avec tout ce que tu as dit, mais je suis particulièrement contente de ça, parce que c'était tout à fait le but de mon 'aigreur', d'être un compliment. ^^
Et je ne déteste pas Jade, disons qu'elle a encore du chemin à parcourir pour me convaincre des qualités qu'on semble lui prêter, c'est tout. C'est moi, la mégère, dans cette histoire. xD

Hylla a écrit : 26 juil. 2021, 22:29 Les personnages, même s'ils sont à l'extrême opposé de notre personne, peuvent faire face à un obstacle douloureux qui lui, nous parle.
Exactement ! J'ai déjà vu des gens rejeter un personnage parce qu'un détail ne collait pas à leurs critères de personnalité, alors que pour presque tout le reste ils faisaient la paire. Ça me laisse perplexe, une telle réaction. Évidemment qu'on ne trouve jamais l'analogie parfaite à sa situation, mais on peut tout à fait prendre ce qui nous touche et disons laisser couler le reste, et on peut aussi tantôt être du côté d'un personnage et tantôt contre lui, ça ne pose pas de souci non plus. J'en reviens toujours à la vraie vie, aussi peu d'expérience j'en aie au final, mais si on n'appréciait que les gens avec qui on est d'accord sur tout, alors on n'apprécierait pas grand monde. Et surtout, ça manquerait d'enrichissement personnel.

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HarleyAWarren
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par HarleyAWarren »

Bon, ça me rassure un peu tout ça :'D Pas que j'aurais changé mes habitudes d'écriture pour si peu, mais j'avais l'impression de ne plus rien comprendre.

Après, je pense que c'est peut-être quelque chose qui est plus vrai pour certains types de textes. Je sais par exemple que les éditeurs de romance type Harlequin recherchent vraiment ce protagoniste un peu "transparent" dans lequel la lectrice cible peut se projeter, parce qu'elle lui ressemble. C'est aussi pas mal le cas de la littérature jeunesse, où on essaie de faire en sorte que l'enfant puisse s'imaginer vivre des aventures avec ses héros préférés. Mais c'est vrai qu'en ce moment, je vois de plus en plus ressortir cette idée comme quoi les lecteurs auraient ce besoin d'avoir un protagoniste qui leur ressemble, qui réagit comme eux auraient réagi, qui a les mêmes valeurs, le même vécu (ou peu s'en faut) dans un but de laisser le lecteur se projeter dans le personnage pour se "rêver" à sa place. Et comme ce que je fais est complètement aux antipodes de ça, je me suis dit "crotte, me voilà absolument pas dans la tendance actuelle" :tears-joy:

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Soah
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Soah »

C'est une question assez intéressante, avec beaucoup de réponses possibles, j'imagine. Tout comme vous, je n'ai pas besoin de me sentir à la place du protagoniste pour passer un bon moment - il est arrivé que des personnages me déçoivent. Cependant mon cas est peut-être spécial car, étant afantaisiste, je n'imagine rien. Donc les mots, le texte sont mon ancrage dans l'histoire. Je n'arrive donc jamais à me "projeter" mentalement à la place d'un personnage.

Cependant, je pense que pour la plupart des gens "s'identifier à un personnage" est un abus de langage où lea lecteurice recherche juste une connexion emphatique avec les individus qu'iel accompagne lors de sa lecture. Ce qui est d'avantage essentiel selon moi (sauf quelques rares exception, par exemple je ne veux pas comprendre le protagoniste de Lolita car ces actions sont trop monstrueuses/dérangeantes et surtout que ce livre n'a pas été écrit pour ça, à mon sens mais justement dans un but de dénoncer). Créer un lien émotionnel - que ce soit en positif ou négatif - ça veut dire que non seulement le personnage est assez bien construit pour susciter des réactions naturelles chez un.e lecteurice mais ça veut également qu'iel en a quelque chose à faire. Réussir à faire en sorte que les gens s'impliquent dans l'histoire, pas juste pour lire et passer le temps, je pense que c'est là, le vrai défis. Il y a aussi beaucoup

Ensuite, je pense que même si à l'origine on n'écrit pour personne d'autre que nous, arriver à un moment, lorsque l'on veut franchir la barrière de l'édition (traditionnelle ou auto-édition), il faut réaliser que ce n'est plus possible de garder son microcosme pour soi. Ainsi, si l'on écrit pour de la jeunesse, on ne va pas écrire de la même manière que pour les adultes. Et donc, notamment, on ne va pas réfléchir ses personnages de la même façon. Je peux citer quelques de romans jeunesses où, lea protagoniste est assez "quelconque" parce que le but était de faire rêver lea lecteurice enfant/adolescent - par exemple Twilight, Bella Swan est un personnage très "lisse" pour que l'on puisse se mettre à sa place dans la romance (ou plutôt ce thriller, *toussote*).
Cela dit, avec le YA qui se démocratise, j'ai le sentiment que c'est en train de changer et il y a de plus en plus de licence dites "jeunesse" qui ont des protagonistes avec une personnalité forte, des buts tranchés etc.

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Lohiel
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Lohiel »

Coucou... 🦋

Rapide passage (j'avais posté depuis mon phone cette nuit, mais j'ai dû rater une marche, le message s'est perdu).

Ce n'est pas de moi, mais entendu plusieurs fois de la part d'écrivains expérimentés :

c'est le terme identifier, effectivement, qui jette le trouble. Même racine qu'identique, ou identité. Or on peut parfaitement aimer un personnage qui ne vous ressemble pas...
En fait, ce qui importe, c'est d'écrire des personnage dont le lecteur va se soucier.

Desquels il va se sentir solidaire, parce qu'il comprend leur manière de réagir, où l'admire, où même la réprouve (héros négatif) tout en se représentant bien ce qu'il ressent. On retombe donc sur la cohérence de la construction psychologique, qui est un très gros morceau, dont on parle assez peu.

Bonne journée
Lo 🐞
Modifié en dernier par Lohiel le 28 juil. 2021, 15:07, modifié 1 fois.

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Fannie
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Fannie »

En vous lisant, je me sens moins seule. En effet, je commençais à me demander si le fait de ne pas m’identifier aux personnages ni me projeter en eux faisait de moi une sorte d’extraterrestre. (J’exagère à peine.) Je suis d’accord avec beaucoup de choses qui ont été dites par les unes et les autres. Attention au pavé !

Qu’il s’agisse de mes propres personnages ou de ceux que je rencontre dans les livres que je lis, les films et séries que je regarde, je ne m’identifie pas à eux et je ne me projette pas non plus en eux. J’ai des souvenirs lointains de la petite Fannie qui trouvait un peu ridicules ses camarades qui « se prenaient pour » des princesses ou des (super)héros. (Oui, c’est cliché, mais c’est l’époque qui le veut).
D’autre part, si on a envie de se rêver dans la peau d’un personnage, je ne comprends pas qu’on limite son imagination à ceux qui nous ressemblent. Personnellement, si j’avais ce genre de pratique, je préférerais me rêver en Superman qu’en copine de Superman et je n’aurais nulle envie de me rêver en une autre mère de famille de mon âge.
Si je me rends compte que l’auteur a construit une intrigue dans laquelle il a implanté des personnages créés sur mesure pour jouer leur rôle prédéterminé, je n’arrive pas à m’intéresser à eux. De même, si ce sont des coquilles vides dans lesquelles je suis censée me projeter, je décroche.

Mes personnages sont le centre et même la substance de mes histoires. Ils se présentent dans mon esprit avec leur apparence physique et leur tempérament ; je commence alors à faire leur connaissance en m’interrogeant sur leur passé, leur famille, tout ce qui a pu forger leur caractère. Puis je m’attache à approfondir leur personnalité, dont le physique fait partie. Mais il leur reste toujours une part d'inconnu, quelque chose d’insaisissable, et c’est pour ça qu’ils continuent à m’intéresser, voire à me fasciner. Si je pouvais les dessiner, je le ferais. Mais comme j’en suis incapable, je tente de les dessiner avec des mots, d’où mes descriptions détaillées. Je sais que j’aurai toujours très peu de lecteurs et j’assume cette situation ; si quelqu’un n’accepte pas mes personnages tels que je les ai inventés, ça ne vaut pas la peine qu’il lise mes histoires, puisque ce sont eux qui les déterminent.

Un livre, c’est une sorte de voyage dans l’imaginaire l’auteur, parfois dépaysant, parfois familier, une découverte de ce qu’il a à proposer. Ne pas accepter ses personnages tels qu’il les a conçus est à mes yeux un manque de respect. Ce n’est pas au lecteur de décider des caractéristiques des personnages ni du déroulement de l’intrigue, à moins qu’il soit le commanditaire du roman ou qu’il s’agisse d’une fiction interactive. Si quelqu’un vous invite chez lui, vous n’allez pas réaménager son intérieur, faire un relookage de sa famille et dire aux gens comment se comporter. De la même manière, nous devons respecter les auteurs qui nous invitent chez eux, dans leur monde intérieur.

Puisque les représentations ont été évoquées, je rebondis là-dessus. À mon sens, le terme même de représentation est problématique en soi. Un personnage reste un individu, et il ne peut pas représenter tous ceux qui appartiennent à la même nationalité, la même origine ethnique, aux mêmes croyances ou à la même religion, à la même minorité (LGBT+, silhouette hors norme, handicap ou autre). J’en viens à me demander si je ne devrais pas ajouter un avertissement dans ce sens pour certains projets. Mes personnages ne sont pas censés être typiques ni particulièrement représentatifs des divers groupes humains auxquels ils appartiennent.

Si je lis un livre où les personnages ne sont pas décrits, je ne les imagine pas ; ils sont un peu comme les gens floutés à la télévision, sans visage. De même, si le cadre n’est pas décrit, je les vois dans une pièce blanche ou au milieu de nulle part. Je fonctionne de manière visuelle, mais je n’invente pas les personnages ni les paysages des autres. Si je n’ai pas d’images, j’aurais plutôt tendance à penser que l’auteur ne s’est pas donné la peine d’imaginer ou d’exprimer précisément ce qu’il raconte.

Pour moi, les descriptions sont donc nécessaires et je ne comprends pas que les lecteurs d’aujourd’hui semblent ne pas avoir la patience de lire un paragraphe descriptif, déjà ressenti comme « un bloc ». Je ne parle pas de descriptions à la Flaubert ou à la Balzac, je parle d’un simple paragraphe de moins de dix lignes.
Pour s’incarner dans mon imagination, un personnage a besoin d’avoir une apparence physique déterminée et un caractère cohérent, une personnalité crédible.
Si on n’a pas la patience de lire un texte littéraire, si on estime qu’il n’y a que l’action qui compte, pourquoi ne pas se contenter de lire des scénarios ou des synopsis qui laisseraient tout l’espace possible à sa propre imagination ? (C'est une sorte de démonstration par l'absurde.)
Qu'on demande aux auteurs de brider leur imagination pour faire de la place à celle du lecteur est à mes yeux un non-sens. Outre le fait que les descriptions peuvent créer une ambiance et montrer ce qui se dégage des personnages, c’est aussi dans ces passages-là qu’un auteur peut déployer pleinement ses qualités littéraires.

Zlaw
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Re: S'identifier au personnage ?

Message par Zlaw »

Soah a écrit : 27 juil. 2021, 08:55 Ensuite, je pense que même si à l'origine on n'écrit pour personne d'autre que nous, arriver à un moment, lorsque l'on veut franchir la barrière de l'édition (traditionnelle ou auto-édition), il faut réaliser que ce n'est plus possible de garder son microcosme pour soi. Ainsi, si l'on écrit pour de la jeunesse, on ne va pas écrire de la même manière que pour les adultes. Et donc, notamment, on ne va pas réfléchir ses personnages de la même façon. Je peux citer quelques de romans jeunesses où, lea protagoniste est assez "quelconque" parce que le but était de faire rêver lea lecteurice enfant/adolescent - par exemple Twilight, Bella Swan est un personnage très "lisse" pour que l'on puisse se mettre à sa place dans la romance (ou plutôt ce thriller, *toussote*).
Cela dit, avec le YA qui se démocratise, j'ai le sentiment que c'est en train de changer et il y a de plus en plus de licence dites "jeunesse" qui ont des protagonistes avec une personnalité forte, des buts tranchés etc.
En dehors du fait que j'ai trouvé que le caractère mièvre de Bella Swan ne donne pas du tout envie d'y projeter quoi que ce soit d'autre (ce qui est plutôt un avis personnel donc a peu d'importance dans ce débat ^^), ce que tu dis là m'interpelle, Soah. Est-ce qu'on choisit réellement son public cible avant de choisir son histoire ? J'ai du mal à concevoir comment ça peut seulement se faire. Est-ce qu'il y a des histoires qu'on peut écrire dans tous les registres ? J'ai une pensée pour Exercices de Style, évidemment, mais il n'empêche qu'un récit vient avec une voix, non ? Il me paraîtrait plus naturel de poser son histoire d'abord et d'ensuite en déterminer le public, en fonction des sujets qu'elle aborde, de ce qui s'y passe, et du ton qu'elle a pris. Est-ce que c'est mon idéalisme latent qui parle ? Je ne peux pas m'empêcher de trouver paradoxal que pour toucher du monde avec un texte de fiction il semble falloir se plier à de supposées demandes d'une catégorie (qui restent à mon sens assez floues, d'ailleurs, parce que les tranches d'âges des livres ne sont pas ce qu'il y a de plus nettes, sans compter les registres en eux-mêmes). Est-ce qu'on peut vraiment être honnête avec soi et son texte si on part avec des contraintes disons extérieures ? Attention, je ne suis pas du tout contre les défis, évidemment, et j'ai conscience de la vie en société et des compromis qu'elle implique, mais là il s'agit d'un livre, d'un œuvre, quelque chose de purement artistique et qu'on n'impose à personne. Est-ce que ça peut se vendre, non pas au sens monétaire, mais au ce sens d'être transformé pour en optimiser la consommation disons en masse ? J'ai du mal à comprendre cette vision.

@Fannie : je suis d'accord avec tout ce que tu as dit à un détail près. J'avais peur d'avoir des avis un peu trop tranchés mais je ne suis pas seule, et tu n'as pas idée de ce que ça représente. Le respect de l'auteur et sa vision, l'impatience de certains lecteurs... Merci à toi !
Le seul truc sur lequel je suis un peu moins regardante, c'est la stricte nécessité de la description. J'ai surtout en tête l'exemple de The Book With No Name et toute la série qui vient après. Dedans, il y a à peine quelques détails sur chaque personnage, mais le reste autour, l'ambiance, est tellement prenante et bien décrite qu'on ne s'en rend compte qu'à la fin (voire dans mon cas au moment de devoir faire un rapport de lecture sur le dernier livre qu'on a lu ^^), et j'avais trouvé ça bluffant. Mais ça reste une exception, et je n'ai par ailleurs absolument jamais rejeté une description qui m'a été donnée, aussi désagréable elle pouvait m'être. =]

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