L'Horreur

[DraikoPinpix]

L'horreur, c'est vraiment un mystère pour moi. En fait, j'ai facilement peur de ce que je vois, de ce que j'entends et de ce que je lis. Je suis facilement dégoûtée, aussi. Mais alors... faire peur ! Je ne sais pas si j'en suis capable.

J'écris un deuxième roman qui se passe dans les rêves. Comme ces rêves sont des cauchemars, mon héroïne est confrontée à des éléments horrifiques, choses que je n'avais pas prévues. Du coup, je me suis demandée si ce passage faisait peur. A voir ce que mes lecteurices penseront.

J'insiste pas mal sur les émotions, sur les sens (vue, ouïe et odeur, surtout). Je prétends pas faire de l'horreur, après

[Napalm Dave]

C'est un très vaste sujet qui mériterait limite un sous-forum à lui seul.
Enfant et ado très craintif, je me tenais plutôt à l'égard des films et des histoires ouvertement d'horreur, même funs et très second degré... Puis je me suis "blindé" d'un seul coup, et je me suis mis à en écrire, peut-être notamment parce que j'avais compris qu'en tant que gamin des années 80, j'en avais pas mal vu de la vraie aux informations...

Un de mes premiers récits fantastiques, que j'avais intitulé "Douleur désincarnée" se passe en plaine guerre de Tchétchénie et l'idée m'étais venue à cause de la photo (heureusement pas très bonne) d'un charnier où l'on voyait un tronc de femme découpé pour la rendre inidentifiable et les commentaires glaçants du journaliste. C'est là que je me suis rendu compte que l'humain pouvait être mille fois plus maléfique que les démons de fiction.

Comme cela a été dit plus haut, l'horreur joue sur les sens et les ressentis. J'ai même lu récemment que si nous faisons tous des cauchemars bénins de temps en temps (je ne parle pas de ceux induits par des traumatismes bien sûr)c'est que notre corps ensommeillé reste en alerte et qu'un bruit parasite, un courant d'air... peut provoquer cette peur dans le sommeil.

Pour ma part, je cauchemarde parfois et je suis sujet à la paralysie du sommeil: rien de méchant (je suis habitué) par rapport à certaines personnes mais la sensation de se débattre et de ne plus pouvoir "revenir" est terrible, cet état est souvent lié à des hallucinations ou des cauchemars très puissants.

En plus des peurs du quotidien et de ce qui fait frissonner (comme le noir complet, un cri inhumain comme celui des chats qui se battent la nuit) l'horreur peut aussi prendre forme dans ce qui est grotesque: dans le cadre d'une série Z, un monstre de cinéma fait rire, lorsqu'on le croise en rêve ou lorsqu'on a des hallucinations, on est dans l'horreur, on est dans une peur contre laquelle la technologie et les certitudes ne protègent pas. Nous sommes aussi dépourvus que notre ancêtre des cavernes.
Un film qui retranscrit ça bien est le "Shining" de Kubrik, complètement désavoué par King: les personnages ont des hallucinations, voient des créatures grotesques, du sang, des irruptions brutales dans leur réalité, des présences...
Et depuis "Alien" combien de fois des héros surarmés doivent faire face à des monstres intuables issus de leurs cauchemars?
Cameron a eu l'idée de "Terminator" parce qu'il faisait un cauchemar où il était étranglé par un squelette métallique, ça a donné la mythologie qu'on connaît.

Donc oui, pour instiller de l'horreur je joue sur un mélange d'ambiances, de ressenti et d'intrusions violentes dans la réalité des personnages.

[Hylla]

Bonne question @SerpaCooper !

Je me rappelle avoir lu du Lovecraft et du Poe l'année passée (je te conseille une nouvelle d'ailleurs, le Coeur révélateur, si tu ne l'as pas lue!). Ce qu'il en était ressorti pour moi à travers ces lectures, c'est que l'horreur ne vient pas d'un évènement horrifique en temps que tel, mais davantage du contexte qui s'en dégage. Son empreinte sur l'environnement extérieur peut mettre mal à l'aise, être source d'angoisse. Pour que ce qui est horrible nous provoque cet effet, il faut qu'on ait eu peur, en amont. Sinon, ça relève de la surprise ! Un peu comme dans la vraie vie, d'ailleurs. Si l'on rentre dans une maison abandonnée, on se "conditionne" d'entrée à avoir peur, et on sur-réagit à chaque bois qui craque ! Tandis qu'une image horrifique sortie de nulle part va nous couper le souffle, mais pas nous agiter durablement. En fait, je me rends compte en écrivant ce message que peut-être qu'écrire l'horreur, c'est faire en sorte que l'élément horrible soit la goutte d'eau qui fait déborder le vase. On a déjà froid dans le dos, et là, c'est l'élément déclencheur qui nous fait sombrer dans la folie irrationnelle.

Je me rappelle d'un passage de la Communauté de l'Anneau qui restera dans ma mémoire comme l'un des plus horribles que j'ai lu. Et un autre de La Peste aussi, d'ailleurs. Dans les deux cas, l'horreur était suggérée par le bruit qui s'ajoutait à un climat de tension énorme.

Bon courage pour tes questionnements ! Je serais curieuse de savoir ce qui te pousse à chercher tant d'horreur aujourd'hui

[Napalm Dave]

Je rebondis sur Lovecraft dans le sens où, dans un contexte américain début XXème siècle et élevé à la dure par deux tantes bigotes, il a le talent de créer une mythologie horrifique et d'inventer l'horreur cosmique: "Non, ni Dieu ni Satan. n'existent, la réalité est bien pire et plus ancienne".
La notion de "bien" et "mal" cosmique vient avec son continuateur, August Derleth, qui se dit d'origine française (le Comte d'Erlette) et qui est lui catholique fervent. C'est là que les "Grands anciens sont opposés aux "Dieux ancêtres".
Il a eu le talent d'inventer quelque chose d'horrifique qui nous fascine cent ans plus tard.

[Rimeko]

Yes un sujet sur l'horreur
J'aurais bien envie de rajouter comme mécanisme pour faire peur le concept de "uncanny valley" ("vallée étrange", mais ça sonne moins bien) : c'est l'idée que plus une chose se rapproche de ce qu'on connaît, à un ou deux "petits" détails près, plus on est mal à l'aise, voire carrément terrifié. Le terme a été créé par un roboticien japonais, alors qu'il testait la réaction des gens à ses androïdes, il me semble...
Par exemple, Slenderman, c'est un homme en costume. Seuls problèmes : il est très grand, il vit dans les bois, et il n'a pas de visage - c'est le décalage entre son apparence humaine et ces caractéristiques qui dérangent, apparemment. Même mécanisme pour les formes humanoïdes qui rampent, d'ailleurs ! Autre exemple, les "smile dogs", terme que je ne vous conseille pas de taper dans Google Images si vous êtes facilement apeurés (J'ai envie de donner beaucoup plus d'exemples, en bonne fan d'horreur, mais on va se calmer haha)
Quand on commence à parler d'horreur, je trouve que les "détails" cauchemardesques dans une atmosphère plus normale, ça fait tout. Ça rejoint un peu ce que tu disais, @SerpaCooper, sur la banalisation de l'horreur... Les surenchères d'horrifique, en général ça marche moins je trouve, parce que le spectateur/lecteur s'y attend. J'avais lu quelque part que l'horreur, c'est comme la comédie : l'émotion surgit devant l'absurdité, l'inattendu.

[Vélanebleue]

Étant une grande férue d'horreur, aussi bien au cinéma, que dans les séries, les livres ou les jeux vidéo, ce sujet ne pouvait que me plaire ! J'ai lu chaque message en détail, et je les trouve tous très intéressants, car en fonction de la sensibilité de chacun, les éléments qui ressortent ne sont pas les mêmes.

Voilà donc mon point : écrire de l'horreur, c'est jouer sur la sensibilité. Et je pense que pour écrire un bon récit d'horreur, il faut partir de sa propre sensibilité. Certes, le récit ne fera pas peur à tout le monde, puisque nous ne sommes pas réceptifs aux mêmes stimuli, en revanche, il fera peur à ceux qui ont la même sensibilité que celui qui écrit (je ne sais pas si je suis suffisamment claire).

Personnellement, je suis ultra sensible aux atmosphères oppressantes, style "bombes à retardement", où tout devient pesant, lourd et se dégrade doucement jusqu'à n'en plus pouvoir (je pense à Simetierre, de Stephen King, à Silent Hill), mais également à ce qui n'est pas "dit" ni "montré" (je pense au Projet Blair Wirtch, mais également aux nouvelles de H.P. Lovrecraft, ou encore au Horla, de Maupassant, voire même le premier film de la quadrilogie Alien). Sans prétendre arriver à ces niveaux, lorsque j'écris de l'horreur, j'essaie de me mettre dans l'état d'esprit de celle qui a peur, et je me laisse guider par mes sensations, en gardant à l'esprit que ce qui me fait peur, c'est ce que je ne vois pas.

Il y a beaucoup de subjectivité, non seulement dans le rapport que l'on entretient avec l'horreur, mais également dans le message que je viens de poster. J'espère vraiment avoir été assez claire

[Eryn]

Oh ce topic est absolument génial !! On devrait faire un concours de nouvelles sur ce thème, ça pourrait nous aider à analyser les mécanismes de l'horreur, mais c'est pas si simple !

Ce que j'y mets moi ?
Je pense qu'il y a necéssairement une part d'angoisse, donc de stress, lié au fait qu'on s'inquiète pour le personnage principal. Si tu nous décris l'arrivée des américains dans les camps de concentration, c'est horrible en effet, mais l'effet est dix fois pire si tu te mets dans la tête d'un prisonnier chargé de "ramasser" les corps tout en se demandant à quel moment ça sera son tour... Mais là encore, ça ne suffit pas, pour que l'histoire soit vraiment au maximum, il faut rajouter du stress, donc de l'urgence ! Genre si le prisonnier ne s'est pas enfui dans 24h, c'est cuit pour lui et son enfant de 12 ans... Pas de bol, 13h se sont déjà écoulées et il est toujours dans son charnier... Bon idée principale de l'horreur dans ce cas là ? La mort d'un (enfin beaucoup plutôt) humain(s).

Ensuite, je pense qu'il faut aussi s'interroger sur ce qu'est l'horreur : Pour moi, c'est un mélange entre la peur et le dégoût. La peur ? De quoi a-t-on peur ? Souvent de ce qu'on ne connaît pas. Ok, je plonge dans un endroit où je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il va m'arriver et je ne comprend pas ce qu'il se passe... Ensuite quoi ? le dégoût ? plein de possibilités, souvent dans les films d'horreur, on a l'idée de la mort ou de la mutilations du corps, puis celle de la putréfaction. très souvent ça touche au corps et à la blessure, la torture aussi.
Ensuite, j'imagine que c'est une question d'ambiance, et les sentiments du héros, ses réactions face à ce qu'il voit sont importantes !

L'idée du monstre est à creuser aussi. Qu'est ce qu'un monstre ? Un humain transformé en ce qu'il y a de pire ? Une bête ? Que fait-il ? Il rode, il est dangereux...

[Sissi84]

C’est un thème sur lequel je ne saurai pas écrire. Il y a tellement de références célèbres, de chefs-d’œuvre de la littérature dans ce domaine que je n’ai jamais pu vraiment comprendre cette capacité à cerner les ressorts de l’épouvante et les faire rejaillirent en peur totale. Je n’aime pas l’horreur au cinéma, mais j’aime quelques auteurs qui m’ont fait changer d’avis sur mon aversion à l’adrénaline.

Du coup, je vous donne mon point de vue de lectrice.
J’adore quand l’auteur, par l’ambiance qu’il crée, par son style d’écriture provoque un ressenti de malaise. J’aime aussi quand la « chose » qui fait peur n’est pas décrite physiquement, mais juste par les sensations qu’elle provoque et pour ça, Stephen King est le roi de cette prose.
J’aime beaucoup moins Jean Ray, même si je n’ai lu de lui que « Malpertuis », je me suis ennuyée. Il paraît que c’est un chef-d’œuvre, mais voilà, pas pour moi.
En revanche, j’ai aimé Lovecraft, jusqu’à ce récit tristement célèbre « L’Horreur de Red Hook », où il décrit les populations immigrées en des termes vraiment très racistes et dégradants. Mais l’écrivain a ce don de savoir personnifier la folie il a su aller au-delà du bien et du mal, de Dieu et de Satan.
Mais je reste persuadée qu’il a été influencé par Edgar Poe, dont « La Chute de la maison Usher » est un de ses monuments. Un récit dans lequel le narrateur — étrange — nous plonge dans un mystère insoluble : lieu, coutume, corps, comportement ; tout est comme souillé par une opacité désagréable. J’en frissonne encore.
Stephen King aussi lui rend hommage dans « Shining, l’enfant lumière », avec des références au « Masque de la mort rouge ».

Je ne sais pas où commence et où finit l’horreur. Qu’est-ce qui peut être catalogué comme roman horrifique. Est-ce que, par exemple, « Sa majesté des mouches » de William Golding peut être considéré ainsi ? En tout cas, ce roman m’a glacé le sang.

[Belette]

Mais quel merveilleux topic

Je suis complètement d'accord avec @Vélanebleue : un bon récit d'horreur ne fera pas forcément peur à tout le monde, mais il met généralement le doigt sur quelque chose, et touche les personnes sensibles au thème que tu auras abordé. C'est important de cibler son thème et de ne pas partir dans tous les sens je pense...

Qu'est-ce que tu recherches dans l'horrifique @SerpaCooper ? Un message à faire passer ? Qu'est-ce qui te terrifie de ton côté ?
Concernant ton univers horrifique, je ne suis pas sûre que la surenchère soit vraiment efficace, ça finit par banaliser l'horreur. Alors qu'un monde où cet aspect horrifique se trouve dans le détail, dans le très léger décalage, comme l'a dit @Rimeko me semble beaucoup plus efficace. J'ai l'impression que c'est moins facile pour le lecteur de se blinder quand l'univers est proche du sien, c'est plus intrusif... Mais ça reste un avis personnel !

Enfin, comme ça a déjà été dit, je crois que la capacité d'un récit à effrayer tient plus à l'ambiance qu'aux actions en soi. Je pense notamment à des romans comme Shining ou 40 jours de nuit qui instaurent une ambiance lourde alors que rien ne s'est encore passé.
De mon côté, j'aime beaucoup les ambiances lourdes et noires, genre romantisme noir/roman gothique ; quand le piège se referme doucement et qu'il est trop tard pour se retourner quand le protagoniste s'en rend compte. J'aime aussi beaucoup quand l'intrigue touche à l'occulte, au mystérieux, alors que tout ce qui est SF me laisse de glace niveau horreur...
Et vous ? Qu'est-ce que vous aimez dans l'horreur en fait ? Et qu'est-ce qui marche sur vous ?

[Cherry]

Je suis la seule de ma famille à aimer les films et livres d'horreur donc ce topic est très important pour moi J'adore déjà le sujet ! Je raffole de films d'horreur en tout genre !!!
Alors @Belette ce que j'aime dans les films d'horreur c'est peut-être l'inconnu. A chaque seconde tout peut arriver aux personnages et j'adore aussi la tension qui se crée petit à petit. Ce qui marche sur moi, c'est l'environnement qui se crée et me met mal à l'aise, comme le film américain The Witch où j'ai eu très peur.
J'ai lu au lycée Les Dents de la Mer de Peter Benchley et je n'ai jamais autant angoisser pour des personnages Je vous recommande vivement ce livre, surtout que le premier chapitre m'a traumatisé (même si je suis fan de trucs gores)
Mais oui, l'horreur c'est quelque chose d'unique (les jump scares ne marchent plus, il faut innover) qui prend le lecteur ou le spectateur par les sentiments. Il faut quelque chose de fort, qui a priori paraît banale. Du coup encore une fois je vous recommande de lire le chapitre 1 des Dents de la Mer et vous comprendrez mes dires