Création de l'alter ego dans le récit

[babouhw]

Salut la Plumauté !

Existe-t-il un sujet spécifique à l?alter ego dans l?écriture d?un roman ?

En partant de la définition que j?ai piqué dans ce glossaire du double complet et enrichissant pour les amoureux du vocabulaire, de la psychologie voire de la philosophie (https://classiques-garnier.com/export/h ... ymode=full) :
*Alter ego ? toujours au masculin ? du latin « autre moi » ? impersonator, impersonation en anglais, alakmàs en hongrois : l?alter ego est une personne dont on se sent très proche et à qui on reconnaît beaucoup de points communs avec soi-même. L?ego et l?alter ego sont réunis par une complicité et une confiance perçue par les deux parties comme agréables. Un exemple fameux est celui de Montaigne et La Boétie. La duplication est ici une affaire d?affinité élective et de perception individuelle. Il n?y a pas d?identité d?aspect. Avoir un autre soi-même suppose que l?on ait déjà une idée de soi. Le sociologue David Le Breton avance que, pour les Occidentaux, le corps propre est devenu depuis les années 1980 l?alter ego de la personne, le thème social de prédilection. On choie son corps comme un partenaire, à base de sport, de cosmétique, de diététique et autres soins amoureux, si bien que l?on fait de son propre corps « le corps haltère-ego2 ».*

Et de son opposé :

*Ego alter : alors que l?alter ego est un autre que je considère comme similaire à moi (« un autre moi »), l?ego alter est le fait que je me sente autre pour moi-même (« moi comme autre »). « Avoir pour toute altérité le Soi ? qui est le Monstre du Moidevenu objet de lui-même32 ». Je deviens étranger à moi-même, ne mettant pas en coïncidence mon image de moi et mon existence. Le cas extrême et pathologique est la schizophrénie.*

L?alter ego, après quelques recherches, n?est en fait pas uniquement un personnage "reflet" du personnage principal autour de qui l?action se construit. Il est également interne au personnage tout comme son opposé, d?où les dualités qui peuvent exister en nous « loup blanc, loup noir, c?est à toi de voir quel loup choisir ».

Vient alors, l?expérience de la construction du récit autour du personnage principal. Un bon roman doit permettre une identification au personnage principal mais également ouvrir une porte sur un alter ego (Frodon et Sam) et un ego alter (emprise de l?anneau sur Frodon) pour le développement de l?action et le développement de la psyché de l?héroïne ou du héros. La création d?une dualité interne ou externe au personnage existe depuis les premiers récits (mythes et légendes, religions etc?).

Cela dit, à titre personnel, je me sens à l?aise dans la conception interne au personnage principal, l?aspect psyché, introspection, dualité interne d?un personnage c?est passionnant mais ressent des difficultés à créer la dualité externe (alter ego et ego alter). En ce moment, suite à une prise de conscience IRL, je m?interroge beaucoup et sur ce que l?on peut projeter de soi consciemment ou non dans nos écrits toujours autour de l?égo, de son alter ego et de son ego alter et sur ce que cela provoque comme freins dans la création d'un récit. Cela fait quelques années maintenant que j?écris ce roman pour ma fille qu?il me fallait terminer pour sa dixième année (et m'y voilàen plein dedans !) et suis freinée dans l?avancée de l?action, le développement de l'histoire. Lorsque j?ai réalisé que mon héroïne était seule et n?avait pas d?alter ego, n?avait personne sur qui compter réellement si ce n?est des relations en création, le frein est apparu comme évident. Elle a besoin d?un compagnon de route, d?un daemon ou d?un alter ego que je n?arrive pas à créer. Lorsque je parle de projection de soi inconsciente dans nos récits, j?ai réalisé que de mon côté mon alter ego, ma meilleure amie, vous savez cette personne que tu comprends et qui te comprends sans qu?il n?y ait nécessairement besoin de parler ou qui termine tes phrases ou dont tu peux terminer les phrases, cette personne jumelle quelque part y compris sur son chemin de vie, ses réflexions dans le fond pas dans la forme, cette amitié fusionnelle?enfin vous avez compris quoi ! Bref, cette personne a laissé un grand vide en moi quand elle est partie en vadrouille et que nos vies se sont éloignées. Mon personnage à ce même creux, ce manque, ce vide en elle? cela a été un choc, une évidence suite à une vidéo skype avec cette personne. Et j?ai réalisé que beaucoup de mes romans ont ce défaut de conception. Bref, grosse prise de tête mais c?était très intéressant de bosser sur l?alter ego du coup ?

Je me demande donc comment vous vous y prenez dans la création de ce fameux alter ego qui n?est pas forcément similaire au personnage principal mais chez qui le personnage principal se retrouve fondamentalement ?
Si vous aussi vous avez déjà vécu une expérience similaire et comment vous vous en êtes sortis pour améliorer vos écrits ?
Également une question « bizarre », pensez-vous que la dualité qui existe en l?être humain soit propre à notre évolution ? Pensez-vous que cette dualité entre un alter ego et un ego alter interne à l?humain et son ego existe du fait de notre déni de notre part animale si je puis dire ? Le sujet est vaste et passionnant de même pour le Narcisse.
Y a-t-il des plumes ici qui s?intéressent au sujet, des lectures (articles etc) pour étoffer la réflexion et le travail d?écriture ?
Un sujet large donc? mais qui peut être fera écho à d?autres ?

[Alice_Lath]

Waouh, alors c'est un sujet fort complexe que tu abordes ici. J'ai l'impression que ça a été posté il y a un moment, donc je ne sais pas si ce que je vais te dire va t'aider.

Par rapport à ton amie, en effet, le manque a pu se refléter dans ton écriture. Mais tu peux également y pallier, créer l'entourage rêvé. C'est ça aussi la beauté des récits feeling good: donner l'impression d'avoir ce que l'on a pas forcément Maintenant que tu en as conscience, tu peux réfléchir sur ce que tu souhaites transmettre, surtout à ta fille.

Personnellement, j'ai toujours été paradoxalement assez "seule", donc pour créer des alter egos, pas toujours faciles. Je suis en cours de peaufinage mais j'améliore mes écrits en observant également les relations interpersonnelles en tant que simple spectatrice et non actrice. Je parle avec les gens, leur pose des questions, écoute leurs histoires...

Ensuite, pour la partie sur l'alter ego, il faut savoir que l'humain fait partie du règne animal. Il n'y a pas de déni de notre animalité: certes on a un sens de l'hygiène, mais les chats aussi. Et d'autres animaux encore. Nos rituels exacerbés sont là pour renforcer la cohésion sociale.
Là où l'humain peut faire preuve de dualité, ce n'est donc pas dans le déni. Mais dans la réflexion. La réflexion induit la réflexivité, le retour sur soi-même mais à chaque fois avec un léger décalage. Jankélévitch a écrit un superbe texte dessus dans la Mauvaise Conscience. La conscience est donc en permanence en retard sur le processus. Nous avons donc une dualité, certes, mais cela vient de l'infini course-poursuite intérieure.

Voilà pour la conscience. En termes du rôle de la littérature, Maurice Blanchot a aussi écrit un ouvrage, La Part du Feu, qui compile plusieurs de ses textes. Il y analyse les spécificités des auteurs et le rôle des lettres.

En espérant que cela t'aide

[Sabi]

Je pense qu'il y a deux types d'histoire, voire trois.

Il y a les histoires où le personnage principal est créé d'abord, puis l'univers qui l'entoure ensuite. Et il y a les histoires où les univers sont d'abord créés, et les personnages ensuite.
Je pense que les alter ego sont particulièrement prégnants dans les premiers types d'histoire, et moins dans les seconds. Mais aucun récit, quelque soit son type ne peut échapper en totalité à cette projection de l'auteur.

Dans mon cas, les petites histoires rapides que j'écris parlent principalement d'une idée. Il n'y a pas de véritable développement du personnage dedans. L'univers a préséance. Cependant, dans le cas d'Orcelia par exemple, il est indubitable que tous les personnages principaux sont des reflets de ma personnalité. Cela ne m'a jamais posé de problèmes particuliers, au contraire, c'est ce qui me les rend attachants et vivants, et c'est aussi pourquoi ils ont évolué sans que je ne m'en rende compte au cours de ces 7 ans.

Je ne sais pas si cela a fait avancer le sujet ou non, mais c'est ce que j'avais à dire sur le sujet.

[Cocochoup]

Ce sujet m'intéresse beaucoup. Dans mes histoires, mes personnages principaux avancent seules.
Du coup tu me fais me remettre en question sur les histoires que j'écris...
Faut il obligatoirement inclure un alter ego

[Audrey Lys]

Je pense que ce n'est pas nécessaire [mention]Cocochoup[/mention] du moment que la dynamique de tes personnages fonctionne bien

[Elka]

Ce qui est top dans la création d'une histoire, c'est que rien n'est vraiment "obligatoire" Un alter-ego encore moins !
Je pense qu'on y mettra toujours toujours une touche de nous (si un personnage est dans un profond état de tristesse, par exemple, et qu'on veut le décrire un peu, on ira piocher dans nos propres ressentis et expériences), mais créer un personnage qui est totalement toi... rien ne t'y oblige !

Là-dessus on a tous notre recette. Personnellement j'ai tendance à donner à certains persos des aspects de ma personnalité, que je peux ensuite adapter, moduler... Après tout, je ne raconte pas ma vie, mes persos vivent des choses que je ne vivrais pas, mais je me prends en base.
Moi, ça m'aide généralement, mais certains n'ont pas besoin de passer par là et ça n'en fait pas de mauvais personnages, bien au contraire ♥

[Flammy]

La question de l'alter ego est ultra intéressante je trouve dans les textes

Perso, j'ai rarement un alter ego dans mes textes. Même si mes personnages sont très vivants en moins et que je peux parfois me sentir très proches d'eux, ils sont clairement différents. Je peux m'identifier à certains aspects, mais ce ne sont pas moi.

Par contre, dans CE, j'ai UN alter ego clairement identifié, clairement fait pour et qui est en quelques sortes une vision idéalisé du moi moi et du moi auteur. Bon, c'est un peu délicat de détailler parce que ça serait très spoil, mais ce personnage a vraiment une place à part dans le roman, un peu la place à part que je pourrai avoir si je me retrouvais dans CE quoi.

Cet alter ego existe depuis vachement longtemps chez moi et je me rappelle qu'à une époque, j'avais vraiment une relation très fusionnelle avec ce perso et que parfois, quand j'allais pas bien, il me réconfortait ou me donnait sa force. OUI, je suis ultra saine d'esprit, je vois pas le souci

Pour le coup, chez moi, il est clairement identifié et je pense que j'aurai jamais qu'un alter ego avec qui j'aurai une telle relation en tout cas

[Elornyx]

J’ai des choses a dire sur le sujet par rapport a mon personnage principal, mais je sais pas comment bien l’expliquer et ni s’il retourne d’ego alter ou alter ego x)

Comme Flammy, mon perso Sombrelune, est un personnage qui existe dans ma tête depuis aussi loin que je me rappelle, elle a toujours était là, et son essence na jamais changer. Elle as toujours eu la même apparence, le même caractère. Je l’ai fait vivre dans ma tête dans ce qu’on pourrait appeler des fan fiction, vu qu’elle me représenter, et représenté la personne forte a qui enfant je voulais ressembler, dans les univers que j’aimais et ça jusqu’à que je décide de lui crée son univers et de la faire évoluer, c’est à ce moment (fin lycée) que je lui ai cherché un nom, car elle n’en a jamais eu avant, je n’avais jamais rien trouvé qui lui aller je ne la nommer pas. Quelqu’un m’a proposé Sombrelune et ça a tout de suite matché, maintenant pour mon roman ce sera son surnom ou nom de code et je l’ai nommé Lamsca, car celui-ci est un nom que je lui ai créé spécialement pour elle, et symboliquement ça me plait
Je pense que Sombrelune représente ma tristesse infinie, je sais c’est dur dis comme ça... mais je suis une personne sensible qui a chaque émotion un peu forte pleure bonne ou mauvaise, je peux pleuré sur commande, j’ai une tristesse au fond de moi que je n’ai jamais pu faire partir qui surgit à la moindre occasion. J’ai souffert de la blessure de l’abandon et du rejet depuis très jeune et longtemps (toute ma scolarité jusqu’à fin lycée, marrant...) Sombrelune incarne en moi ces blessures latentes. Pour mon roman, j’hésite encore entre fin tragiques que je trouve émotionnellement intéressante et fin heureuse qui serais thérapeutiques je le sais mieux pour moi-même j’ai appris il y a quelques années qu’il faut que je prenne soin d’elle, mais c’est dur. Alors Alter ego ou Ego alter ?

[Rapture]

C'est un sujet qui me fascine et auquel je me suis toujours intéressé. Dans Oracles, le personnage principal -Vesper- a autant un alter ego (je ne dirai pas qui c'est) qu'un ego alter. Le premier ne se trouvera pas toujours à ses côtés et aura une relation tumultueuse avec elle. Le second, elle le craint sans pouvoir s'en détacher et devra apprendre à l'apprivoiser.

J'ai eu une expérience similaire à la tienne en amitié ; j'en ai d'ailleurs beaucoup souffert à une période, et je ne doute pas une seconde que cela ait influencé mon écriture. Le manque, le sentiment de vide, voire d'abandon, sont des thèmes qui reviennent souvent, tout comme ceux de l'amitié et de la fidélité au final ^^

Ce que dit Flammy résonne aussi beaucoup en moi ; un personnage duquel on se sent plus proche que les autres, qui rassure, ça me parle beaucoup (d'ailleurs, le concerné n'a pris racine dans aucune histoire officiellement, il va falloir remédier à cela, car j'ai toujours aimé écrire avec lui).