Les éditeurs aiment-ils la Littérature ?

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M. de Mont-Tombe
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Les éditeurs aiment-ils la Littérature ?

Message par M. de Mont-Tombe »

Bonjour à tous,

Je sais, c'est une drôle de question que j'ai décidé de poser ici. Elle me vient d'une discussion que nous avons eu avec mon frère. Nous aimons tous les deux la Littérature, mais nous la percevons très différemment.

Je lui ai expliqué que j'avais envoyé mon manuscrit à certaines ME jeunesse. Comme nous étions dans une librairie, je lui ai montré le rayon et le genre de livre qui ressemblait à celui que j'ai envoyé en ME. Et alors, il m'a dit: "Mais regarde, Mathilde, les livres que tu me montres, ils sont complètement noyés au milieu des romans de fantasy et de romance. Alors si ces romans ont pu être publié et on pu marcher, c'est surtout que les auteurs de ces livres sont déjà dans le milieu depuis longtemps et qu'ils ont une réputation. Toi, tu ne pars de rien et en plus, tu n'écris pas le genre qui est à la mode actuellement."
Je dois dire qu'il avait un peu raison dans son raisonnement. Mais honnêtement, j'espérais malgré tout que ça marche, parce qu'il arrive quand même assez fréquemment que les éditeurs choisissent de publier des nouveaux auteurs.

Bref, notre discussion a continué et nous avons parlé du fait que certains éditeurs "s'arrêtaient de lire à la première phrase", ou plutôt que la première phrase devait être réussie pour avoir une chance d'être publié. Au final, nous sommes tombés d'accord sur le fait que ce n'était pas vraiment cohérent (quand on regarde l'histoire de la Littérature, heureusement de Marcel Proust, Victor Hugo ou Marguerite Duras n'ont pas été jugés dès la première phrase...). Finalement, nous nous sommes demandés si la première phrase n'était pas un moyen pour les ME de connaître l'argument de vente des romans qui leur sont proposés.

L'argument de vente....
Et l'esthétique, les qualités de l'oeuvre littéraire là dedans ?

"Pour moi, ce genre d'éditeur n'aiment pas la Littérature." C'est ce qu'en a conclu mon frère, son avis étant toujours très tranché.

Honnêtement, je n'en suis pas si sûre, mais je comprends que l'on puisse se poser la question. Pour ma part, c'est surtout un métier que je trouve de plus en plus déshumanisé, étouffé par la pression financière. Autrement dit, les éditeurs aiment la Littérature, mais la pression économique les empêchent de donner la priorité aux qualités littéraires d'un texte par rapport à ce qu'il peut vraiment rapporter.

Mais pour une autrice comme moi (comme vous), qui recherche surtout à donner une esthétique particulière et qualitative à ses histoires, j'en suis venue à me poser LA question: si les éditeurs privilégient, de leur propre volonté ou non, le potentiel économique d'une œuvre plutôt que sa qualité, alors pourquoi j'ai besoin d'eux ? Pourquoi j'irais les voir ? Est-ce que c'est dans ce genre de monde éditorial que j'ai envie de voir mes romans évoluer ? Pourquoi devrions-nous accepter ça au lieu de créer un monde littéraire nouveau, plus en phase avec nos valeurs d'auteur ?

Bref, je ne sais pas vraiment ce que vous en pensez, je serais curieuse d'avoir votre avis sur ces questions. :DD

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Soah
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Re: Les éditeurs aiment-ils la Littérature ?

Message par Soah »

Coucou à toi ! :D

Du coup, pour être édité.e et avoir eu l'opportunité d'assister à des conférences sur le sujet cette année, je peux dire que, au contraire de ce que pense ton frère, les (bon.nes) éditeurices - donc pas celleux qui travaillent dans des MEs à comptes d'auteurices - aiment la littérature. Et iels aiment les textes publiés car il est extrêmement difficile de défendre une histoire que l'on apprécie pas et dans laquelle on ne croit pas.

Du reste, c'est un "mythe" que de dire qu'iels s'arrêtent à la première page/paragraphe/phrase. Aujourd'hui, si l'on demande un synopsis détaillé, ce n'est pas pour rien : c'est pour pouvoir juger rapidement la capacité d'une personne à construire une histoire cohérente. Et parce qu'iels savent que nous ne sommes pas toustes à l'aise avec ça, en général, les 50 premières pages sont lues. En ce nombre de page, avec le synospsis, un.e éditeurice est capable de dire si ça va le faire ou non.
Sachant que parfois, des manuscrits très bons sont refusés tout simplement par goût. L'éditeurice qui reste une personne humaine et est en droit de vouloir défendre des choses qui lui plaisent avant tout.

Alors, il est vrai qu'aujourd'hui, le marché est parti - un peu, beaucoup - en cacahuète et qu'il y a un gros soucis de surproduction de livres ; qu'il faut avoir en tête que le milieu éditorial c'est un business comme un autre. De fait, oui, il y a des tendances mais il y en a toujours eu. Les classiques que tu cites ne sont qu'une fraction des livres qui ont été publiés à leurs époques respectives. Par exemple, les frères Goncourt étaient des auteurs très populaires et en vogue ! Maintenant, on n'a retenu que le prix.

Quant à tes questions finales, ma foi... Passer par le circuit traditionnel est un choix, qu'il faut réfléchir. Tout comme s'en détacher - l'auto-édition par "dépit", en général, ça ne fonctionne pas.
Si, personnellement, je passe par le circuit traditionnel même si je fais des choses un peu à "contre-courant", c'est parce que je sais qu'il existe des MEs prêtes à faire des paris éditoriaux dans le genre et la tranche d'âge que je fais. En tant que personne neuroA avec des ressources financière et en énergie assez limitées, je ne vois pas m'élancer dans la bataille de l'AE avec tout ce que ça implique (une omniprésence sur les réseaux pour la comm', par exemple.) De plus, je trouve que travailler avec un.e éditeurice permet d'améliorer le texte, de le porter à son plein potentiel - et ce travail peut être fait aussi en AE.
Quelques MEs comme Sillex essaient de changer les lignes ; peut-être que l'on verra d'autres maisons se former d'ici-là. Le système n'est pas idéal mais il est malheureusement trop marqué par le capitalisme et ses dérives. Tant que l'on ne changera pas de modèle sociétale, je ne pense pas qu'il puisse y avoir une réforme du monde du livre.
Voilà voilà :hug:

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M. de Mont-Tombe
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Re: Les éditeurs aiment-ils la Littérature ?

Message par M. de Mont-Tombe »

Merci pour ta réponse @Soah , elle est réconfortante, notamment sur la posture de l'éditeur que tu me décris. :DD

J'ai d'ailleurs rencontré ton éditrice au Normannia à Rouen et j'ai acheté l'un de tes livres, d'ailleurs (mais je ne sais pas quand j'aurais le temps de le lire, parce que mine de rien, c'est un beau pavé :'D ). J'ai pu discuter un peu avec elle et quelque part j'en ai presque regretté de ne pas écrire de la fantasy. Même si le genre est très présent en librairie, l'avantage c'est qu'il existe justement beaucoup de petites maisons avec des politiques de publication un peu plus en marge.

Ce n'est malheureusement pas toujours le cas dans d'autres genres... Pour mon manuscrit, les possibilités de ME sont beaucoup plus limités, d'autant plus que mon roman ne répond pas aux tendances actuelles.

Concernant l'AE, je ne dirais pas que c'est un choix par dépit, mais plutôt une réflexion en progression: je me demande si cela ne m'offrirait pas plus de liberté tout en me permettant de me concentrer d'avantage sur ce qui compte vraiment: que mon histoire rencontre des lecteurs.

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Soah
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Re: Les éditeurs aiment-ils la Littérature ?

Message par Soah »

Je pense qu'il y a des petites maisons pour tous les genres, pour être honnête ! Ce n'est pas forcément évident à dénicher mais il faut pas hésiter à partir avec son bâton de pèlerin, que ça soit sur les internets ou bien directement en salon. Au final, il y a beaucoup d'évènements autour du livre partout en France, que ça soit des petits salons ou des gros. Et, bien sûr, pas que pour la SFFF !

Quant à la question de l'AE, celle-ci permet, en effet une liberté totale. Et, de fait, un contrôle total. Par contre, tout dépend aussi de tes attentes vis à vis de cette rencontre avec les lecteurices. Si quelques un.es te suffisent, entre 50 et 100 personnes mettons, ça peut être - en effet - une bonne solution. Surtout si tu es prête à faire beaucoup de démarches pour être en librairie, salon, etc. pour faire grandir ton lectorat petit à petit. Si tu veux toucher un public plus large assez rapidement et que tu n'as pas le temps ni les moyens (financiers ou en énergie) de t'investir dans la comm' via des RSs plus qu'actifs (postes, commenter les autres etc..), ma foi, une ME peut t'offrir ça - pas à tous les coups, certes, mais on va dire que c'est plus "facile" de déléguer le plus gros du travail pour ensuite en rajouter une couche.

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PoissonDArgent
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Re: Les éditeurs aiment-ils la Littérature ?

Message par PoissonDArgent »

Les éditeurs sont, avant tout, des entreprises avec des employés, probablement passionnés, qui ont besoin de gagner leur vie aussi. Donc, la rentabilité aura toujours une place prioritaire dans la balance du choix d'une œuvre.

Cependant, je pense que les critère de rentabilité ont évolués avec le temps, et donc peuvent te donner l'impression que la littérature est mal aimée. D'un marché local à une culture internationale, de thèmes novateurs insolites à des univers rigides récurrents, du médium écrit à l'adaptation cinématographique, ou télévisuelle. Aujourd'hui, un livre se rapproche d'avantage à une propriété intellectuel à potentiel qu'une simple œuvre, et c'est normal. A chaque fois, que je lis un livre, j'imagine les scènes, les musiques, les costumes des personnages, et plus mon imagination est stimulé, plus mon engagement est renforcé. Donc, si je me mets à la place d'un éditeur, je peux comprendre le fait de s'arrêter de lire à la première ligne, si il n'y a aucune sensation.

Mais les éditeurs restent anecdotiques, un tremplin opportun pour certains, un boulet pour d'autres.
Ce qui est important c'est de construire une communauté autour de ton œuvre, et ils viendront naturellement, car ils sont convaincus, au delà de la qualité de ton œuvre, ou pas, qu'il y a un potentiel de vente.

En résumé: Les éditeurs n'ont pas d'obligation, ou devoir, à aimer "la" littérature sous toutes ses reliures, et qualités. Ce qui importe est la communauté que tu construis autour de ton œuvre, et le reste suivra. Par exemple, la bible est le livre le plus vendu... pourquoi à ton avis ?

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M. de Mont-Tombe
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Re: Les éditeurs aiment-ils la Littérature ?

Message par M. de Mont-Tombe »

Je suis d'accord sur le fait que la création d'une communauté de lecteur est importante. Mais peut-être, justement, que la recherche d'un éditeur est devenue tellement dur que l'on cherche plus à leur plaire qu'à chercher vraiment des lecteurs, voilà tout le paradoxe.
C'est la raison pour laquelle je me demande si je ne vais pas me lancer en auto-édition, parce que j'aimerais retrouver ce lien avec le lecteur.

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