PAtober - édition Octobre 2022

[Nanouchka]

3 octobre : tuile

— Dis donc, tu te foutrais pas un peu de ma gueule, toi, par hasard ?
— Non, non, je vous assure, tout le monde veut de la tuile. À la cure, ils m’en ont commandé quatre tonneaux.
— À laquelle de cure ?

Le visiteur baragouina des syllabes au hasard, et Ludivina lui claqua la porte au nez.

— Sont gonflés, ces capitalins, à penser qu’ils peuvent nous rouler juste parce qu’on est marnés. Faudrait pas qu’ils
s’étonnent s’ils ont une révolution sur les mains, un jour.

Diane leva des yeux ébahis et préoccupés vers sa grand-mère. Cette remarque se rapprochait dangereusement d’un blasphème envers la Couronne. Depuis quelques mois, la vieille femme perdait ses manières, ses rondeurs, et ponctuait les journées de commentaires acerbes et interdits. Diane ne voulut pas entrer dans la discussion, et se tourna de nouveau vers la fenêtre, d’où elle vit l’inconnu se diriger vers la maison d’à côté. Il avait juré qu’en ville, tous les toits étaient en tuile désormais. Est-ce qu’il racontait la vérité ? Vue d’en haut, la capitale ressemblait-elle à un lac orange ridé par le vent et strié par le bleu-vert des canaux ? La découvrirait-elle un jour ? Ou bien passerait-elle sa vie entière, comme sa mère et sa grand-mère avant elle, dans cette boulangerie ?

L’inconnu dut sentir son regard, car il se tourna soudainement vers elle. Elle crut discerner de l'amusement dans ses yeux, et tira vite le rideau. Elle n'était pas qu'une petite rêveuse des Lacs. Elle se rassit en tirant sèchement la chaise sur le carrelage ocre, et se remit à ses devoirs de prédictologie. Elle devait se dépasser, et dépasser tous les autres, pour avoir une chance d'un jour déguerpir vers les vastes horizons inconnus.

[Sabi]

3 octobre 2022 — Tuile Chérie, je vais réparer la cheminée ! Ou comment ne pas se douter que ce seront les derniers mots que tu entendras en 2020


Quelles sont les forces qui animent l’univers et interagissent avec nous ? Grande question scientifico-philosophico-spiritualiste. Il est probable qu’un grand nombre de ces forces nous restera à jamais inconnu.
Toujours est-il qu’en août 2015, un événement aléatoire s’était produit. Un rayonnement cosmique venu du centre de la galaxie avait atteint notre planète. Son effet ne fut pas remarqué tout de suite par la grande majorité de la population mondiale. Mais quelques mois plus tard, la Terre entière avait basculé dans la plus complète des anarchies. L’équilibre des pouvoirs au sein des différentes sociétés du globe avait été rompu.
Tout cela à cause de l’apparition des Anomalies. Il s’agit d’objets tout à fait banals ayant reçu de plein fouet le rayonnement cosmique, provoquant des phénomènes propres à chaque Anomalie, aléatoires, et souvent défiant les lois de l’univers.

On s’était aperçu de l’existence de ces Anomalies lorsque Josh Kirschenbaum, fermier américain de descendance allemande, était parti moissonné avec sa moissonneuse-batteuse, Betsy, son champ de blé. Opération au cours duquel il faucha l’Épi, provoquant un engorgement immédiat de sa machine sous l’amas de clones de cet Épi qui s’étaient manifestés dû au stimuli reçu. Aujourd’hui, Josh Kirschenbaum détient le monopole du blé grâce à cette Anomalie de type « corne d’abondance », provoquant l’effondrement économique de plusieurs pays producteurs de cette céréale.

Le chaos était absolu. Et pour vous faire comprendre à quel point tout et n’importe quoi pouvait désormais se produire, citons un dernier exemple. Les Mortgat étaient une petite famille belge vivant en Wallonie. Quelques jours après le passage du rayon cosmique, leur maison avait complètement disparu de la petite campagne où elle se trouvait. Ils s’étaient retrouvés propulsés dans les couloirs du temps après que Gabriel Mortgat, patriarche de la famille, était monté sur le toit réparer une cheminée défectueuse, et avait marché malencontreusement sur la Tuile.

[Nascana]

Jour 3 : Tuile

– Il y a une tuile, Cef !
Mon compagnon se retourne vers moi, abandonnant au passage la lecture du dossier qu’il vient de récupérer. À son regard, je comprends qu’il est surpris.
– Depuis quand tu parles comme ça ?
– Je ne sais pas… J’avais envie de la jouer film noir…
Il continue à me fixer. J’en fais de même. La lueur d’agacement dans ses yeux ne fait que m’amuser un peu plus.
– Bon, c’est quoi ton problème ? On ne va pas passer la nuit là, à se regarder dans le blanc des yeux !
– Non, ça sera pas marrant. J’ai d’autres projets…
Je lui fais mon sourire le plus charmeur.
– D’accord. Tu n’as rien d’intéressant à dire, mais tu veux quand même parler.
Il se retourne en direction du bureau. Je boude. Pas trop longtemps parce qu’il s’en fiche.
– Le déguisement que je voulais pour Halloween, n’est plus disponible…
– Ça me fait une belle jambe…
Il a dit ces mots sans même un regard pour moi.
– Du coup, j’en ai pris un autre… Mais je ne suis pas sûr qu’il soit adapté pour une soirée costumée…
– Tout te va. Tu n’as qu’à le mettre !
Pourquoi est-ce que j’étais sûr qu’il dirait ça ?
– Très bien, je vais l’essayer !
Cef n’esquisse pas un geste pour me retenir. Il l’aura voulu.
D’un air digne, je gagne la salle de bain afin de revêtir la tenue.
– Tu en penses quoi ?
Il se redresse pour me donner son avis. J’en profite pour faire un tour sur moi-même.
– Putain, c’est quoi ça !
– Mon déguisement.
J’ai l’impression qu’il m’apprécie pas l’idée. C’est vrai que je n’avais pas prévu de ne porter qu’un body à moitié transparent avec une cape en dentelle, des cuissardes et un chapeau.
– C’est pas un déguisement, ça ! C’est de la lingerie !
– Je t’ai dit qu’il y avait une tuile.

[Fannie]

02 octobre - Courge

Quelle est cette variété de fruit qui présente des formes très variées, plus ou moins arrondies ou allongées, qui peut revêtir diverses couleurs du blanc au vert foncé, du jaune pâle à l’orange ? Comestible ou non, on la connaît sous de nombreux noms.
Quelle courge ! Tu n’as pas encore deviné ?


03 octobre - Tuile

Quelle tuile !
Ils ont dévêtu Ilona
Son tutu ils l’ont caché
Je les ai battus illico
Vois-tu il faut trouver une solution

Mais toi, tu illumines une tuile
Tu la parfumes avec sept huiles essentielles
Tu projettes huit lettres dessus
Est-ce bien utile ?
Ah oui ? Tu illustres la solution ?

[DraikoPinpix]

Jour 3 - Tuile
Entre la poutre du hangar et les tuiles, se terrait une famille d’hirondelles. Lorsque les fleurs avaient éclos dans le jardin, les jeunes sortaient leur bec du nid, déjà curieux et anxieux à l’idée de prendre leur premier envol. Le couple montait la garde et fondait sur le chat qui avait le malheur de s’approcher de leur demeure. Il rasait son dos comme des avions de papier. Leurs cris emplissaient la cour bercée par les doux rayons du printemps. Sous la toiture, les bébés les encourageaient ou réclamaient de la nourriture.

Les oiseaux salissaient cette bâtisse grande ouverte, mais nous étions attendris par cette famille. Les trois petits grandirent et quittèrent le nid pour s’élancer avec leurs parents. Ils restèrent dans la cour jusqu’à la fin de l’été. L’automne arriva et les hirondelles fuirent le froid qu’il apportait avec lui. Bientôt, le silence se fut sous les tuiles.

[Zlaw]

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[Gabhany]

03 - Tuile (et écharpe)

- Ha ha ha ! Ca y est, j’ai… Mais ! Mais ! A-DE-LIE !!!!!
- QUOI ENCORE mon Gérômin chéri ?
- Ma puce en sucre, viens m’aider, je ne trouve pas la deuxième tuile-écharpe du Mahjik ! Il va gagner !
- L’huile de harpe ? Mais Gérômin, tu as perdu la tête ? Ca n’existe pas ça. Je connais l’huile de colza, d’olive, mais l’huile de harpe ? Tu m’inquiètes mon Gégé.
Gégé soupire.
- Réveille donc ton sonotone, Lilie chérie, marmonne-t-il.
- Qu’est-ce que tu as dit ? Je t’ai entendu hein ! Attention !
- Ben, non, justement…
- QUOI ?
- RIEN MA CHERIE.
Gérômin regarde sa partie de Mahjik d’un air désemparé. Il était si près du but ! Ce sacré jeu a encore réussi à placer toutes ses cartes. À lui, il ne lui reste que cette pauvre tuile avec un dessin d’écharpe en tricot multicolore. Il l’effleure d’une main tremblante. Que va-t’il se passer cette fois ? Quel élément du mobilier va faire la loi chez lui ?
Et s’il refusait de jouer le dernier coup ?
Il recule sa main doucement.
Mais d’un seul coup, l’accoudoir de son fauteuil préféré se met à onduler et le force à avancer sa main vers le plateau.
Gérômin referme le poing. Son bracelet-montre glisse sur sa peau et enserre ses phalanges dans son étau pour le forcer à ouvrir la main.
Il est perdu. La partie ne se finira jamais.
Désespéré, il attrape la tuile-écharpe, des larmes coulant sur ses joues fripées. Grandes Mères, qu’il a faim !
- A-DE-LIE !!, crie-t-il, la voix cassée.
Il entend de petits pas légers sur le parquet. Merveilleux, elle l’a entendu ! Elle va venir l’aider. Lui donner un morceau de pain à croquer, au moins.
Mais le sonotone de sa femme apparaît alors.
- ADELIE !!!!!

[2kBoy]

2.
Le jeune homme entra dans un immeuble étroit dont la façade, d’un aspect presque maladif, était comme coincée entre un restaurant gastronomique reluisant et un salon de thé décoré de kanjis. Après avoir sonné à l’interphone, il monta les escaliers jusqu'au troisième étage et entra dans un petit appartement. Gosh ! Quelle chaleur, on étouffe presque, ici ! Le garçon ne tarda pas à enlever son manteau et son écharpe, qu’il garda en main pendant qu’il alla voir une jeune femme, allongée sur un canapé, sous une couette, un thermomètre dans la bouche.

- Toujours pas debout ? s’exclama le jeune homme, d’un ton plaisantin.

Et tandis que les deux humains discutaient, l’écharpe observait avec curiosité une de ses congénères. Une vulgaire écharpe en laine synthétique, blanche sur une face et verte sur l’autre.

- Palsambleu, on est que le deux octobre et je vois déjà des monstruosités pareilles ?
Elle cligna des yeux béants.
- Hé, t’as perdu ta langue ?
- Euh… Me no french speaking, no french speaking…
- Un peu de respect pour la langue de Shakespeare, tout de même !

Elle n’eut pas le temps de beaucoup se plaindre davantage car le jeune homme l’enfila de nouveau et sortit de l’appartement, se dirigeant d’un pas pressant vers une supérette située juste en face. Ah ! Le cuistot a une recette dans la tête alors.
Il ne tarda pas à remplir son panier. D’abord d’un bloc de jeune gruyère… un paquet d’œufs… de la crème fraîche liquide… un sachet de poudre de noix de muscade… Il se dirigeait vers la sortie quand il s’arrêta souvent. Il se dirigea vers le rayon légume et saisit la plus belle des courges, bien lisse et d’une couleur orangée douce. Satisfait, il se retourna vers la caisse, paya ses articles et retourna dans l’appartement.

[Feydra]

3 octobre - Tuile Le vent d’automne souffle fort aujourd’hui, et je dois absolument réparer les tuiles du toit avant qu’elles ne s’envolent. Dans le potager, je pose la grande échelle contre le mur, en évitant soigneusement les citrouilles et les potimarrons. Une brume duveteuse s’échappe de ma bouche lorsque je respire : mes joues rouges picotent sous l’assaut de la bise. Il faut que je me dépêche. Je préférerais rester au chaud devant la cheminée et terminer de lire tome 3 de La Passe-miroir, mais le risque qu’une tuile s’échappe du toit et écrase l’une de nos précieuses courges était trop grand : ma femme m’en voudrait si elle n’avait pas assez de cucurbitacées pour réaliser sa fameuse soupe de potimarron pour la Fête de l’Automne. Je resserre mon écharpe rose et dorée autour de mon cou, enfile mes gants et commence la longue ascension pour atteindre le toit. Dès que mon nez dépasse le sommet du mur, je l’aperçois, la tuile volage qui ne tient pas en place. Puis je fronce les sourcils. Une légère fumée émane de l’artefact en terre cuite. Le toit serait-il en feu ? Je tends la main et soulève délicatement l’objet. Mes sourcils froncent encore plus et j’écarquille les yeux : nichée sous la tuile se trouve une minuscule petite maison, identique à la mienne, et précairement perchée en haut d’une échelle miniature, un homme regarde par-dessus le bord de son toit ce qui se cache sous une tuile légèrement décalée. J’observe la scène une longue minute en priant pour que le petit homme ne tombe pas de son échelle puis je repose la tuile dans la position où je l’ai trouvée. Tant pis pour les courges !

[Raza]

Lorsque les deux enfants poussèrent la porte, son bois craqua sous l’effort. Était-ce un grenier, une remise ou une ancienne grange, il importait peu pour notre histoire.
— C’est là !
— J’espère que tu ne m’as pas menti…
— Tais-toi, tu vas voir.
Le premier se dirigea droit vers le fond de la pièce, et ouvrit une boîte dont le cadenas avait déjà été forcé. À l’intérieur, des dizaines de tuiles bleues, à la surface trop brillante pour la poussière qu’elles auraient dû accumuler.
— Regarde !
Ses petites mains se saisirent de l’un des précieux artefacts, pour le brandir dans un rai de lumière. Au contact du filet doré, le dessous de la tuile clignota.
— Qu’est-ce que vous faites ici ?
Sous l’effet de la surprise, l’enfant lâcha son trophée. La tuile tomba au sol et perdit son éclat, sans toutefois se briser.
— Alors c’est vrai, vous étiez là-bas ?
La nouvelle arrivée, au visage dur et au menton droit, releva la tête.
— Bien sûr, que j’étais là-bas.
— Mais pourquoi tu as pris ces tuiles ?
— J’étais couvreuse. C’était la fin d’un stock qui m’a été donné sur un chantier. Je l’ai gardé.
— Et alors, est-ce que c’est aussi beau que dans les histoires ?
— Plus beau, et moins beau à la fois. Comme je fabriquais les toits, j’avais toujours une vue imprenable sur la ville. La grande tour, le palais, l’assemblée, les temples et donjons, la sculpture et les sept contreforts, le musée de l’horloge et celui de la fontaine, les lumières du port et du pont, tout est aussi grandiose qu’on le dit.
Fût-ce l’imagination de l’enfant ou un reflet fugace, la tuile brilla à nouveau.
— Mais pourquoi vous êtes partie ?
— Comme je l’ai dit, tout est plus beau, et moins beau à la fois…