Gestion émotionnelle de l'écriture

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Mary
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Message par Mary »

Bonjour!

Alors voilà, j'ai une question à vous poser, un peu étrange, un peu intime, aussi. Juste histoire de savoir si je suis toute seule dans ce cas, ou si je suis bonne à enfermer définitivement (haha)

J'ai parfois énormément de difficultés à gérer émotionnellement mon écriture.

En vrai, j?adore écrire. C'est une expérience parfaitement merveilleuse qui m'apporte plein de choses. C'est à la fois excitant, apaisant, fascinant, tout un tas de mot en -ant. C'est comme une grosse confrontation avec moi, avec ce que je suis capable de faire, d'imaginer.
Quand j'écris, je ressens absolument tout, que ce soit autour de moi ou dans le livre. Pendant un passage "facile", je jubile presque, parce que ça va comme je veux, parce que c'est une sensation formidable. Pour d'autres, c'est plus compliqué.

Pour la petite histoire, je suis en train de terminer la deuxième -et pas la dernière, je pense- version d'un roman jeunesse qui se passe dans le milieu corsaire. En soi, pas de quoi fouetter un chat.
Le truc, c'est que j'y mets tellement de moi sous des couches de fun, de voiles et de gouvernail, que ça me remue énormément.
J'ai fait un gros travail sur mon personnage principal, pour le faire émerger tout entier, avec une vraie présence physique et une profondeur. Pour ça, sincèrement, je suis parfois aller chercher assez profond, des trucs moches et pas sympas.
Forcément, ça me rend tout drôle, mais je veux vraiment aller au bout de ce projet - j'ai jusqu'à fin août pour l'envoyer à ma ( future? :fingers_crossed: ) agente littéraire.

Donc je vous le demande, si ça vous arrive, comment vous faites de votre côté pour gérer ça?

J'arrive de mieux en mieux à me créer un univers sécurisé, à faire attention à mes ressentis et à pas trop tirer sur la corde. J'en parle aussi à mes proches, mais parfois ils ont un peu du mal à comprendre ce que je veux dire.

Merci !

PS: prière de ne pas apporter tout de suite la camisole de force :sweat_smile:

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elikya
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Message par elikya »

@mary : L'écriture est source d'émotions fortes, c'est bien vrai, et je suis très touchée par ton message. :blue_heart:
Quand je traverse des périodes de doutes, ce qui m'arrive régulièrement, j'essaie de renouer avec le plaisir d'écrire. J'essaie aussi de relâcher la pression que je m'impose et de ne pas trop réfléchir à tout ce qu'il faudrait faire et à toutes les difficultés qui m'attendent. Ne pas trop tirer sur la corde, comme tu dis.
Les auteurs sont des personnes sensibles, c'est normal d'être émue, remuée, touchée. Ainsi, tes mots pourront toucher tes lecteurs.

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Mary
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Message par Mary »

@elikya Ce n'est pas tant du doute, je pense, qu'une manière trèèèès détournée de faire un point disons "thérapeutique" (camisole, où es-tu? :sweat_smile: ).
J'ai déjà fait relire le manuscrit à plusieurs personnes, et c'est vrai qu'aux moments-clés, ils ont été très touchés - à la mort d'un des personnages par exemple, et de ce que ça impliquait derrière. Il y en a même une qui m'a posé l'ordi et qui m'a demandé ce qu'était la vraie histoire à raconter, celle derrière le vernis et la tapisserie. Depuis que j'ai compris que c'était simplement une façon de raconter une histoire sordide en la transformant en quelque chose de positif, ça va déjà mieux.
Je vais essayer de lâcher prise, de prendre comme ça vient, tu as raison. Ton message aussi me fait plaisir :green_heart:

Dworkin
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Message par Dworkin »

Je pense que ce que tu décris est assez normal : Si ce que tu écris dans ton livre est une coquille vide, je crois que le lecteur va le sentir. Pour arriver à transmettre une émotion au lecteur, je pense qu'il faut puiser en soit et mettre ses émotions dedans.
Après, ça dépend sûrement des écrivains : Moi par contre exemple, j'ai du mal à vraiment puiser à la commande dans mes émotions (c'était plus facile avant). Par contre, quand je suis sous le coup d'une émotion (soit suite à quelque chose qui m'arrive, soit suite à un souvenir qui remonte), ça m'aide à écrire un passage.
D'une manière encore plus générale, je dirai que quand on a envie d'écrire une histoire, c'est forcément relié à quelque chose qui nous est personnel. À partir de ce moment là, on doit forcément puiser dans notre vécut pour le raconter au mieux.

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Rimeko
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Message par Rimeko »

De ce que j'ai compris, tu te sers de l'écriture pour évacuer des souvenirs (... ou pas encore des souvenirs, même) "pas sympas", pour reprendre ton expression... c'est ça ?
Si oui, je comprends que ça peut être dur. Effectivement, je crois qu'il faut que tu fasses attention à ne pas y aller trop fort, à prendre des pauses quand tu te sens trop impliquée... Peut-être aussi à continuer à écrire sur le sujet, mais pas dans le cadre de ton roman, plus dans une sorte de nouvelle que personne ne lira (ou pas, à toi de voir), voire même dans un journal intime, parce que ça permet d'évacuer ce qui ne va pas sans le travail à fournir pour l'intégrer dans une histoire destinée à tenter l'édition, sans la pression de la qualité, quoi.
Mais en même temps, j'ai aussi l'impression que c'est lorsqu'on aborde les sujets sensibles qu'on peut toucher des lecteurs... Je me souviens d'un(e) auteur(e) qui parlait d'écrire avec ses tripes, ou quelque chose du genre... (EDIT : "Un jour viendra où l'on écrira sur ses tripes », Balzac - j'ai retrouvé :laughing: )
Et au niveau émotionnel personnel, il me semble que ça peut aider aussi. Je me souviens de plusieurs moments d'écriture où j'ai fini en pleurs en tous cas, mais je crois qu'au final c'était bénéfique...

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Mary
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Message par Mary »

@rimeko Il y a de ça oui, le truc, c'est que j'ai vraiment mis beaucoup de temps à m'en apercevoir. J'étais déjà lancée quand ça m'a frappé. J'essaie de me détacher, en fait, parce qu'au début c'était pas du tout le but :laughing: C'est très déguisé mais c'est arrivé là malgré moi. Je ne veux pas que ça empiète sur mon histoire, ça a l'avantage de m'aider à poser des limites.

Quand j'ai retravaillé le personnage d'Alban (mon perso principal) ça a été très compliqué, c'est là où je me suis rendue compte que tout était lié. D'un côté, ça m'a fait plaisir, parce que tout prenait un sens, qu'il devenait vraiment un personnage complexe avec de vraies motivations. Il a pris beaucoup de relief et ça n'en rendait l'histoire que meilleure - même s'il fallait tout revoir depuis le début !
De l'autre côté, ça m'a bien fait comprendre qu'écrire me touchait, que ce n'était pas qu'une impression que j'avais et que, comme le dit Balzac (^^), j'écrivais avec mes tripes. Du coup, à force, ça va de mieux en mieux, mais j'ai changé ma façon de travailler, je m'économise plus.
Et malgré tout ça, j'adore écrire... et je sais que quand je l'aurais terminé, peu importe si je suis publiée ou non, ça m'aura fait beaucoup de bien.

Je pense que je suis un peu maso sur les bords en fait XD mais écrire est tellement exaltant par moments que je me dis que dans tous les cas, ça vaut le coup, rien que pour le fun. :D

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Romane
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Message par Romane »

Coucou @Mary !
Ne t'inquiète pas, pas de camisole de force pour toi ;) Ou alors, on est 2 qui auraient besoin d'être internées... Parce que je me retrouve beaucoup dans ce que tu dis !
Pour la petite histoire, j'ai une s?ur jumelle qui est en général ma première lectrice. Elle me connait par c?ur et souvent, ça l'agace, elle me "retrouve" dans ce qu'elle lit de moi. Elle a une expression pour ça, elle dit souvent "là, c'est trop... bah, trop toi", et ça veut tout dire. Comme si elle parvenait à lire, entre les lignes, mes émotions personnelles et mon vécu qui transparaissent...

Et c'est sûr que ça peut être épuisant, d'écrire avec ses tripes. Moi même, tu vois, j'ai eu une période compliquée, et je n'écrivais plus. Je n'y arrivais pas, parce que la source de mes émotions s'étaient comme tarie pour m'empêcher de souffrir.

Je pense que quand on écrit comme toi en puisant dans le vivier de ses émotions, on peut difficilement s'en passer. Ou plutôt, si l'on fait autrement, on n'écrit plus vraiment avec autant de jubilation.

Mais alors, comment faire pour ne pas se mettre à pleurer devant son écran ? Ou tout simplement, pour protéger sa part de secrets et de douleurs, qu'on a pas forcément envie de voir exposée aux yeux du lecteur ?

Du coup, à force que ma jumelle s'agace de mon petit défaut, j'ai fini par trouvé des petits trucs pour mieux gérer :
1. Le temps : laisser son texte reposer, et laisser faire le fil de la vie
=> Je ne sais pas quel âge tu as, mais en grandissant-vieillissant, on finit par mieux cerner ses émotions et discerner celles qui sont personnelles de celles qu'on a envie de partager. On prend aussi de la distance vis-à-vis des émotions. Donc, je pense que plus tu avanceras dans l'écriture, plus cette tendance se résorbera pour que tu te sentes moins impliquée.

2. Éviter des persos principales qui deviennent trop le miroir de nous-mêmes.
=> C'est une tendance quand on écrit comme ça. Dans mes premières histoires, mes personnages me ressemblaient beaucoup, et ça finit par remuer. Bien sûr, c'est intéressant, mais il faut aussi laisser le perso respirer par lui-même.

3. Oser aller vers l'inconnu en terme de personnages.
=> Je l'ai déjà dit, mes persos me ressemblaient beaucoup. En gros sages, hypersensibles, empathiques, timides, avec des passés qui reprenaient de manière transformée ma propre existence. Et j'ai fini par en avoir assez ! Alors je me suis tournée vers des personnages beaucoup plus lointains : sombres, machiavéliques, désinhibés, cupides... Et je les trouve meilleurs en terme de complexité que tout ce que j'ai pu écrire jusqu'alors... Comble du bonheur : mes émotions sont toujours là, mais davantage dissimulés en eux, qui affleurent.

4. Résister à la tentation purement thérapeutique : se dire qu'on écrit pour être lu.
=> J'ai vu que tu en avais parlé. Moi aussi, j'ai souvent vécu l'écriture comme un moyen de me "soigner". Résultat : mes intrigues étaient seulement un prétexte à me servir de catharsis. Depuis, je me dis que l'intrigue prime. Ce qui m'importe c'est de raconter une bonne histoire, qui sera avant toute chose lue et appréciée par le lecteur. Bien sûr, j'écris un peu pour moi, mais l'histoire c'est à lui que je la destine, et il n'a ni envie ni besoin de lire les épanchements de mon âme éplorée ^^ Se servir de son chaos intérieur pour sonner juste, et rien d'autre.


5. S'interroger dès le début du roman sur la charge émotionnelle qu'on est capable de porter. Et ne pas hésitez à arrêter si cela est trop difficile. Ce n'est pas grave, se sera pour dans quelques années, quand on aura mieux digéré tout ça...

C'est merveilleux de pouvoir puiser en soi, mais comme tu le dis si justement il faut se "sécuriser" ;)

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Mary
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Message par Mary »

@cielorage Quelle déclaration ! Ca me fait plaisir :)

Oui, c'est épuisant, tu l'as dit. Surtout que, comme je le précisais au départ, c'était pas censé être comme ça. Il y a eu des chapitres très amusants, plus de la moitié du roman, heureusement, sinon je pataugerai encore haha.
Comme tu dis, je pense que l'écriture me fait autant de bien justement parce que j'y mets beaucoup de mes émotions, et c'est à double tranchant.
Je vais répondre point par point à tes remarques, ce sera plus simple :)
1: J'ai 27 ans, et heureusement, je prends déjà les choses beaucoup plus simplement qu'il y a quelques mois. Je le redis ici, mais l'écriture à un niveau comme celui-là, c'est encore un peu nouveau pour moi, ça m'est tombé dessus il y a un an tout juste. Petit à petit, j'apprends à me détacher.
2: C'est ça qui est étonnant, c'est que je n'ai jamais vraiment cherché à ce que mon personnage me ressemble. Au final, nous n'avons que très peu de points en commun, même si j'ai dû aller chercher loin pour faire de lui ce qu'il est aujourd'hui. C'est quand j' y ai regardé de plus près que les choses ont commencé à être bizarres. Limite je ressemblerai plus à un perso secondaire, et encore, elle est beaucoup beaucoup plus raisonnable et moins impulsive que moi XD Mais je vois bien l'idée dans ce que tu me dis.

3: C'est déjà prévu pour le prochain roman - oui, parce que voilààà, les idées, tout ça... Et d'emblée je sais qu'il sera sans doute beaucoup plus lumineux et drôle. Je commence pas les recherches tant que j'ai pas terminé celui-là, sinon je peux oublier ma vie haha.

4: Au début, quand j'ai commencé à écrire, je voulais écrire une histoire de pirates et de corsaires. Elle traînait dans un coin de ma tête, et c'était tout. J'ai donc construit mon intrigue tout à fait indépendamment de toute référence personnelle - consciente du moins, mais tout de même, on en est éloigné. Ce n'est qu'après avoir quasi-achevé la première version que je me suis rendue compte que des choses se recoupaient, symboliquement. En ça, l'avis de l'agent littéraire m'a beaucoup rassuré. De son point de vue pro, elle a pu me dire que cette histoire avait du potentiel, qu'elle fonctionnait par elle-même, qu'elle avait du sens et qu'elle était intéressante. Ça m'a aidé à remettre en avant certaines choses, et trier, comme tu dis, entre les émotions de mes personnages et les miennes. Ça les as rendus beaucoup moins chaotiques :laughing:

5: Alors là, c'est clair que je vais me poser la question, désormais ! J'irai plus doucement aussi. Là c'était une vraie frénésie, dans le bon sens comme dans le mauvais. La prochaine fois, je prendrai plus de précautions.

Merci beaucoup en tous cas pour ton retour :blue_heart:

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Message par Vava-Omete »

Ce post n'a aucun intérêt, mais +1 pour @CielOrage.
Prend du temps, du recul, oublie un peu le texte pour en commencer un autre, pourquoi pas ?
Parce qu'à trop t'impliquer, tu finiras par ne plus rien pouvoir écrire une fois l'ouvrage terminé é.è

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Mouette
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Message par Mouette »

@Mary Après (trigger warning : généralité abusive), je pense qu'on commence tous de façon plus ou moins intense ou avouée par une période "thérapeutique" lorsqu'on se lance dans un premier roman. Je sais qu'en tout cas c'était totalement mon cas, et le temps que j'arrive à la fin (mais aussi faut dire qu'un certain nombre des problèmes que j'avais à l'écriture du prologue s'étaient résolus entre temps), ça m'était totalement passé. Soit parce qu'écrire mes angoisses, regrets etc, m'avait permis de m'en détacher, soit parce que le fait même d'écrire, de me plonger de plus en plus profondément et quotidiennement dans un univers qui n'était pas la mien m'avait fait paradoxalement prendre du recul à la fois par rapport au roman et par rapport à ma propre vie. D'ailleurs ça se sent assez dans les personnages : plus je les ai développés tard, moins ils ressemblent à mes connaissances et/ou mes fantasmes.

Tout ça pour dire que cette période d'hyperémotivité littéraire est il me semble pas inutile à la fois pour ton quotidien et pour donner une impulsion à ton roman, et que je crois qu'elle devrait se résorber d'elle-même du simple fait que l'écriture cessera d'être une nouvelle expérience pour toi.

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