Le syndrome de l'imposteur est quelque chose avec lequel je cohabite depuis de nombreuses années. J'ai un peu fait le tour de la question, surtout vis-à-vis du dessin, j'en souffre beaucoup moins avec l'écriture. J'ai pas mal de recul sur la question et je pense que je peux offrir quelques pistes de réflexions pour tenter d'améliorer la situation.
Petit préambule peu agréable, et je suis désolée si ça va paraître difficile à lire pour certains : si vous avez de la réserve à parler de vos écrits, ce n'est pas nécessairement parce que vous en souffrez, de ce fameux syndrome. C'est peut-être tout simplement parce que vous n'êtes pas prêt ou prête à dévoiler une partie de vous, un gros morceau intime de votre vie à autrui. Écrire, c'est parfois se mettre à nu, offrir à des gens la possibilité d'entrer dans notre "jardin secret". Ca ne diminue en rien votre malaise ! Bien au contraire, mais ce n'est pas forcément le même travail sur vous à faire !
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Je pense que pour parler de ce syndrome, le définir, c'est tout de même bien :
Les personnes atteintes du syndrome de l'imposteur, appelé aussi syndrome de l'autodidacte, expriment une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à nier la propriété de tout accomplissement personnel. Ces personnes rejettent donc plus ou moins systématiquement le mérite lié à leur travail et attribuent le succès de leurs entreprises à des éléments qui leur sont extérieurs (la chance, leurs relations, des circonstances particulières). Elles se perçoivent souvent comme des dupeurs-nés qui abusent leurs collègues, leurs amis, leurs supérieurs et s'attendent à être démasquées d'un jour à l'autre
. -- Wikipédia.
Le syndrome de l'imposteur touche certaines personnes qui réussissent parfaitement dans la vie, mais ne s'en attribuent pas le mérite. Une modestie poussée à l'extrême qui signe un profond malaise
. -- Futura-science.
(note : les femmes seraient plus touchées par le syndrome, d'après des études.)
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Ceci étant fait, le syndrome naît dans le manque de confiance en soi - et c'est pour cela que les gens qui ont peut de parler de leurs écrits par pudeur peuvent parfois confondre les deux.
Attention, pavé "moi moi je moi" en approche : TL;TD : faut se donner les moyens, psychologiquement parlant, d'y échapper en bossant la confiance en soi après avoir identifié ce qui provoque le syndrome.
Personnellement, j'ai remarqué que mon souci venait principalement du fait que je passe par des élans de fierté (oh, j'aime bien ce que j'ai écris/dessiner), pour ensuite passer par une phase de dépréciation de mon travail parce que j'y aurais vu des défauts/que l'on m'a fait remarquer des défauts. Et qu'ensuite, je compense en travaillant trop.
Dans le contexte du dessin : je vais aimer ma dernière illustration jusqu'a ce que je vois un truc que je trouve bof qui va finir par m'obsédé/me rendre dingue et je ne vais pas comprendre pourquoi les autres ne le voient pas aussi. Pourquoi est-ce que d'autres gens aiment alors que non, c'est pas terrible et surtout, il y a mieux
ailleurs ! (je mets ce mot en gras, car on va y revenir plus tard ! ;3)
Dans le contexte de l'écriture : je vais avoir confiance en moi jusqu'au moment où, par exemple, on va me dire qu'il y a des fautes d'orthographe etc. Automatiquement, je vais me sentir mal d'écorcher les yeux des autres avec mon français laborieux/bancal.
En être conscient, savoir ce qui trigger le gouffre du "mais les gens vont se rendent compte que c'est de la daube", c'est le point numéro 1 pour s'en défaire. Et pour moi, il y a un monstre en particulier qui dévore tous les autres - mais il peut-être différent pour chacun !
La comparaison.
En tant "qu'artiste" (on notera les guillemets hahaha) je me compare à d'autres illustrateurices. Je me dis sans cesse : "ah, un tel fait ça si bien !" ; "j'aimerais être aussi douée que X" ; "jamais je n'arriverais à être aussi performante que lui !" ; "je n'ai pas les capacités pour faire ça ou ça".
Cette remise en question de mes propres capacités, me pousse tout le temps à vouloir travailler pour m'améliorer. Mais comme je n'atteins pas forcément la qualité de ce que je "vise" : je ne reconnais pas mes propres efforts.
Pour l'écriture, je ne vais pas forcément comparer mon style ou mes histoires avec celles d'autrui. Je vais d'avantage m'attarder sur le fait que je fais des fautes ! En oubliant que tout le monde est humain et qu'avant qu'un livre soit publié, il y a de fortes chances que plusieurs personnes soient passées dessus pour, justement, faire des corrections. Je ne me renseigne que très peu sur les auteurs que j'apprécie/leurs méthodes de fonctionnement, parce que je sais que si je fais ça, je vais en perdre un peu la "réalité" du travail d'écriture, ce qui m'amène à mon monstre numéro deux.
La peur de l'échec. La quête de la perfection.
Personne n'a envie de s'investir pendant de longues heures pour finalement se planter, en oubliant qu'un bébé ne peut pas se lever pour ensuite marcher et courir comme un foan dans la forêt. Se tromper, essayer, recommencer, jeter, raturer, etc. Tout cela fait partit du process de la créativité. On ne peut pas être soudainement touché par la grâce. On ne peut pas forcément faire des miracles - même avec des années de carrière derrière soi... Ou même d'études, ce qui réveille le troisième monstre.
On a tendance à se mettre des barrières comme ça. Et ces obstacles qu'on se met tout seul dans la tronche : on se les prend forcément, parce qu'inconsciemment ou consciemment, on se sabote. Il faut réussir à se dire que ce n'est pas seul que l'on peut ériger un monument, que l'on ne peut pas savoir tout faire, que recevoir de l'aide ce n'est pas un signe de faiblesse mais d'intelligence.
L'auto-didactique/le manque d'éducation d'un certain domaine.
Aussi bête que cela puisse paraître, être autodidacte, c'est beaucoup de poids à porter sur ces épaules parce qu'il peut arriver que des lacunes de débutants collent aux basques. Et c'est assez gênant de devoir se défendre en disant "oh non, mais c'est parce que j'ai appris moi-même..." Ne pas avoir l'approbation de ses pairs est quelque chose de très complexe, je trouve.
Par exemple, j'ai tendance à penser que les gens ayant fait des études de lettres/qui sont dans le métier du livre (ex : libraire) sont mieux placé que moi pour être auteurices car iels savent ce que c'est un bon livre dans son ADN. C'est stupide, mais c'est comme ça.
Ces trois trucs mélangés ensemble, ça donne un coktail un peu moribond, pas ouf.
Et même si sur PA, on est dans un cadre bienveillant et beau, je pense qu'il y'a des choses qui blessent et qui renforcent ce syndrome, mais c'est "normal", puisque l'on est confronté au monde : Je ne vais pas mentir, j'ai déjà été blessée/triste/mis à mal de voir que par exemple, je n'avais presque jamais été citée dans le jeu "L'Extrait mystère" ( je pense qu'il y a d'autres gens à qui c'est arrivé. je me dis
"si on ne me cite pas, c'est parce que, au final c'est nul. Et je le mérite. Mais je suis triste. ALED mon cerveau fait nimp'".) ; j'ai déjà été triste/remise en question, de voir que pendant de longues semaines et malgré un lectorat "fidèle" : je n'avais plus de commentaires sur ma fiction principale (qui ne c'est jamais dit "
ah, j'dois faire de la merde là... mon dieu, ils vont comprendre que c'est pas ouf."); j'ai déjà douté/flippé quand j'ai vu des commentaires élogieux sur mes écrits puis ensuite qu'on me liste mes erreurs - annulant du coup les effets positifs de la première moitié de commentaire (j'entends déjà le petit :
"ah oui, donc il a été gentil mais enfaite, c'est naze" dans mon cerveau).
Le côté pernicieux du syndrome fait aussi que : - si c'est un inconnu qui commente, on va se dire qu'il veut juste être poli (alors qu'iel a zéro raison d'être sympa, on va pas se cacher.) ; si c'est un proche, on va se dire qu'il ment pour notre bien.
BREF !
Je dis beaucoup de choses, sans doute pas intéressante. Mais c'est une tranche (trop détaillée) de ma vie avec le syndrome. Travailler sa confiance, se dire que l'on est aussi valable qu'un autre, que l'échec ne nous attend pas au tournant ( ou que la chance ne viendra pas tout sauver) c'est une lutte de tous les jours.