L'écriture inclusive

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Fannie
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Re: L'écriture inclusive

Message par Fannie »

Ce serait bien plus simple de dissocier le genre grammatical du genre des personnes...

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Jamreo
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Re: L'écriture inclusive

Message par Jamreo »

D'un autre côté Fannie, si le genre grammatical ne reflète pas le genre des personnes, je ne comprends pas bien sa fonction. Et je ne parle pas du genre masculin ou féminin donné arbitrairement aux objets ou aux concepts, parce qu'il me semble qu'il y a une différence majeure entre exprimer une chose dans la langue et exprimer une personne dans la langue.

Si on commence à dire que le genre employé dans la langue ne reflète pas le genre des personnes, j'ai peur de ne pas bien voir son utilité. Au delà de ça, j'ai peur (sans insinuer que c'est ce que tu as dit hein) que ça encourage derechef un usage oppressif, qui ne ferait qu'invisibiliser encore plus l'identité des personnes par le biais d'un langage qui a, justement, beaucoup trop longtemps été oppressif de fait (masculin qui l'emporte, pas de neutre).

Moi je trouve ça au contraire capital de commencer à refléter dans la langue la réalité et surtout, la diversité et la richesse présentes dans la réalité.

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Laure
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Re: L'écriture inclusive

Message par Laure »

Je suis d'accord avec @Jamreo, et je pense que la langue teinte notre façon de penser bien plus que ce qu'on croit. Je me suis fait la réflexion un jour que, quand je dois parler au "nous", il faut toujours que je réfléchisse à la composition du groupe et que j'ajuste mon accord en fonction de s'il y a des garçons ou pas. Mon frère, lui, n'a jamais eu à le faire, il accorde invariablement au masculin...
Et c'est juste un exemple, je crois que ça nous conditionne quelque part à vraiment nous considérer comme le deuxième sexe. Ça me paraît normal aujourd'hui qu'on cherche un moyen d'équilibrer la situation pour mieux nous inclure que comme une variation du masculin.

Cela dit, je trouve aussi que cette nouvelle police n'est pas hyper lisible, mais après tout, ce n'est qu'un premier prototype et c'est tout à fait nouveau ! Quand j'apprenais à lire, les lettres de l'alphabet me paraissaient tout aussi illisibles, mais avec le temps j'ai appris. L'alphabet n'est pas naturel ni inné, après tout. Cette typo ne l'est ni plus ni moins, à mon avis.
Bon je suis pas forcément en train de dire qu'il faut changer l'alphabet pour qu'il compte des lettres inclusives, ça me paraît un bazar incroyable, sans compter les ajustements de prononciation que tu soulèves, @Olek !

En tout cas, pour le moment, je pense que ce genre de typo serait bien adapté à des formats courts, genre un titre ou une affiche de publicité pour commencer. Ça fait réagir et réfléchir en plus ! Et je crois que ça fait avancer les choses malgré tout.

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Flammy
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Re: L'écriture inclusive

Message par Flammy »

Laure a écrit : 14 janv. 2021, 20:40 je pense que la langue teinte notre façon de penser bien plus que ce qu'on croit.
Pour rebondir sur ça, j'aimerai parler d'étude qui avait été faite sur le langage et l'informatique. Des recherches avaient été faites pour développer un programme/IA qui arrivent à "comprendre" et à modifier les mots selon le contexte pour adapter le sens.

C'est un peu compliqué et mal expliqué, mais l'idée, c'était que le programme soit capable, si on lui dit "acteur + femme", de savoir qu'il faut du coup dire "actrice". Ce programme avait été fait par apprentissage, c'est à dire qu'on avait donné beaucoup beaucoup de textes différents au programme et que c'était le programme lui-même, à partir des textes, qui faisaient des associations comme celle que je viens de donner.

Vous me suivez toujours ?

Bref. Sauf que ça marchait pas. Ou en tout cas, pas du tout comme prévu. Si on lui donnait une séquence de mot en mode "docteur - homme + femme" (pour qu'il donne le féminin de docteur), il disait... infirmière. Et l'inverse était vrai aussi "infirmière - femme + homme", c'était un docteur. Et yavait pas mal d'exemple comme ça. Et le programme, il était pas sexiste biaisé en soit, il a juste appris sur des textes considérés "lambdas" et de base, les textes étaient biaisés.

Très c'est un cours un peu très vieux, donc les détails, je m'en souviens pas des masses, mais j'essaierai de retrouver des infos ^^ Mais en gros, en deep learning, les biais des algorithmes sont en réalités ceux des données d'apprentissages, et parfois, ça fait juste ultra peur ce que ça révèle ='D

Edit : Après recherche, ça a été fait en anglais, du coup, c'est beaucoup moins pertinent que ce que je pensais x) Mais du coup, mine de rien, même en anglais ya des biais assez costauds dans la façon dont on utilises la langue ='D

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MbuTseTseFly
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Re: L'écriture inclusive

Message par MbuTseTseFly »

Oui @Flammy , sous ses airs plus égalitaires, la langue anglaise n'empêche pas une culture pas moins sexiste que les cultures francophones. Du coup on peut se demander si ce n'est pas se battre contre des moulins que de s'attaquer à la langue. Mais j'apprécie la réflexion qui se fait derrière la langue, l'envie de l'améliorer.

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Fannie
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Re: L'écriture inclusive

Message par Fannie »

En effet, je pense qu'en s'attaquant à la langue, on se trompe de combat.
Ce n'est pas parce qu'on appelle une nettoyeuse « technicienne de surface » qu'elle est mieux payée ou qu'on la respecte plus. De la même façon, ce n’est pas le fait d’adopter un langage épicène et une écriture inclusive, en passant par des nouveaux pronoms, qui va faire diminuer les discriminations. C’est juste une autre forme de langage politiquement correct qui modifie la manière de s’exprimer sans pour autant changer les mentalités.
Pour revenir sur ma précédente remarque, c'est clair qu'on ne peut pas complètement dissocier le genre de la personne et le genre grammatical, mais il n'y a pas besoin de les faire correspondre de manière systématique. Si on parle d'une victime d'un accident ou d'un crime, cette victime peut très bien être un homme. Un homme est une personne comme une femme est un être humain. Je ne vois pas en quoi c'est dérangeant. De même, je ne vois pas en quoi c'est dérangeant de dire « Madame le juge » ou « Madame le maire », (comme certaines femmes qui occupent ces fonctions le souhaitent d’ailleurs).
Je pense que c’est une bonne chose de féminiser les noms de métiers, pour autant qu’on respecte la morphologie de la langue. En ce qui concerne les fonctions, en revanche, je reste dubitative. Une chose me laisse songeuse dans les féminisations : c’est la préférence pour des formes féminines qui ne sont pas perceptibles à l’oral, comme celles en -eure qu’on adopte au détriment de celles en -trice (auteure au lieu d’autrice), en -euse (metteure en scène au lieu de metteuse en scène) ou en -esse (docteure au lieu de doctoresse). On veut que les femmes soient visibles, mais voudrait-on éviter de les entendre ? (C’est une boutade.)
Pour revenir à l'écriture inclusive, elle ne peut de toute façon pas exprimer un genre qui n'est ni féminin ni masculin ; dans ce sens, elle n'est justement pas inclusive. Donc finalement, elle complique les choses sans pour autant atteindre son but.
Il y a un autre aspect qui me dérange dans cette écriture, outre le fait qu'elle est difficile à lire et imprononçable, c'est que d’une part, elle sert à inoculer une idéologie à travers une façon d'écrire que certains groupes voudraient imposer à tout le monde et d’autre part, elle nous colle une étiquette politique selon qu’on l’adopte ou non ; c’est aussi une forme d’oppression. C’est clair qu’il faut que la société évolue vers plus d’égalité, mais c’est aussi nécessaire qu'on garde chacun sa liberté de penser, de même que celle de ne pas exprimer ses positions politiques à travers tout ce qu'on écrit.
La langue française en elle-même n’est pas oppressive. Elle a malheureusement été utilisée par des phallocrates qui se sont efforcés d’influencer les mentalités en décrétant qu’il fallait faire les accords grammaticaux sur « le genre le plus noble » à cause de « la supériorité du mâle sur la femelle ». Mais, contrairement à ce qu’on croit, ça s’est fait sur une assez courte période de notre histoire. Ces mêmes masculinistes ont également exclu du vocabulaire un certain nombre de formes féminines de noms de métiers en visant ceux qui jouissent d’un certain prestige, comme écrivaine, autrice ou professeuse (oui oui !).
Chaque fois qu’on cherche à politiser la langue ou à la moraliser, on se fourvoie et on trahit son esprit. Elle ne doit pas être forcée, même pour une juste cause.
Sans forcer la langue, je trouve par ailleurs que l’accord de proximité est un principe intéressant et un changement envisageable. Il existait autrefois et il existe encore dans des phrases du type : « Ce n’est pas Jean, mais Anne qui vient d’être élue présidente. » On pourrait certainement l’appliquer plus largement sans malmener la langue.

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Laure
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Re: L'écriture inclusive

Message par Laure »

C'est super intéressant comme étude, @Flammy, merci ! Et même si ça a été fait en anglais, à mon avis, ça aurait été pareil en français :/
MbuTseTseFly a écrit : 16 janv. 2021, 16:05 Du coup on peut se demander si ce n'est pas se battre contre des moulins que de s'attaquer à la langue.
Fannie a écrit : 16 janv. 2021, 21:05 En effet, je pense qu'en s'attaquant à la langue, on se trompe de combat.
Oui, vous avez sans doute raison.
Enfin, je crois qu'il y a quelques problèmes dans la langue, mais qu'ils ne sont pas inhérents à elle : ils ont été causés par ceux qui en étaient responsables... Mais même si la langue n'est pas oppressive en elle-même, et même si la période de phallocrates dont tu parles, Fannie, a été courte, ça a laissé des marques un peu partout, dans la langue comme dans la société, et je ne pense pas que ce soit mauvais de s'y attaquer.
Je pense que tout ce système est si bien implanté dans la plupart de nos cerveaux que, pour le déconstruire, il faut traquer l'oppression partout où elle se cache, et donc aussi dans la langue. En faisant des efforts pour inclure tout le monde dans notre discours, je pense qu'on aide la cause malgré tout, et ça va au-delà du politiquement correct. Le but n'est pas de ne choquer personne, c'est plutôt de donner une vraie place à tout le monde. « Le masculin l'emporte », on nous dit que ça ne concerne que la langue, mais beaucoup de choses dans notre monde font penser que ça va plus loin que ça en réalité.
Les techniciennes de surface, les agents de bord... d'accord, c'est peu de choses que de ne faire que changer le titre d'un métier pour le rendre moins connoté, mais ça me paraît être une étape indispensable du processus, qui doit en compter plusieurs.

En tout cas, je crois que les ajustements faits à la langue, c'est surtout une question d'habitude, et d'ailleurs on peut s'habituer vite quand la cause nous est chère. Au début, je trouvais le mot « autrice » plutôt laid, mais c'était seulement parce que ça m'était inconnu ; maintenant, je l'accepte parfaitement, je l'utilise souvent et je suis toujours ravie de faire remarquer à ceux qui s'offusquent que ça ne devrait pas être plus choquant que le mot « actrice ».
Et puis au Québec, on utilise le mot « mairesse » et ça ne choque personne ! Je ne sais pas à quoi c'est dû. Pour ce qui est de « doctoresse », je pense qu'on en est encore loin :' D
Cette idée de forcer la langue, je ne sais pas si j'y crois. Pour moi, c'est nous-mêmes qu'il faut forcer à changer. La langue, elle nous suit, elle nous appartient à tous ; si une majorité a envie de travailler pour y gommer quelques traces sexistes, je ne vois pas d'inconvénient. Après tout, la nouvelle orthographe et l'ancienne peuvent assez bien cohabiter, et les français régionaux peuvent être aussi riches et valables que le français parisien ; le français est déjà pluriel, on a déjà l'habitude d'avoir plus d'une bonne réponse à une question.

Et en dehors des questions de féminisations de titres, en ce qui concerne inclusive elle-même, je suis d'accord pour dire que ce n'est pas tout à fait idéal (par contre je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle n'exprime qu'un genre neutre, au contraire je la vois plus englobante qu'autre chose). D'ailleurs, j'en fais la défense mais je me rends compte que je n'ai absolument pas le réflexe de l'utiliser...
Mais il y a une autre stratégie qui me séduit plutôt : le langage épicène, par exemple dire « le lectorat » plutôt que « les lecteurs » ou « les lecteurices ». Ça dit tout ce qu'il faut, c'est conforme aux normes traditionnelles et ça inclut tout le monde (enfin je me sens plus incluse dans « lectorat » que dans « lecteurs »).
Fannie a écrit : 16 janv. 2021, 21:05 elle nous colle une étiquette politique selon qu’on l’adopte ou non ; c’est aussi une forme d’oppression.
C'est une réflexion intéressante ! Et je crois que ça dépasse cette question : aujourd'hui, les gestes qui autrefois étaient vus comme anodins suffisent parfois à catégoriser les gens aux yeux des autres, sans procès. C'est dommage, le dialogue et l'ouverture font toujours mieux progresser les idées.
Mais c'est dommage de faire passer la tradition avant les convictions, non ? La langue française m'est chère, mais je suis persuadée que le fait d'avoir souvent lu « le masculin est employé pour éviter d'alourdir le texte » a pu contribuer chez moi au mensonge selon lequel l'homme serait l'être humain par défaut. Pour moi, c'est plus choquant que l'idée de déroger aux normes de l'Académie française...

J'aime ce principe d'accord de proximité !

Edit : Je me rends compte qu'il y a pas mal de redites dans mon message par rapport à ce qui se disait déjà au début du topic, oupsi, désolée :grimace:

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Gwenifaere
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Re: L'écriture inclusive

Message par Gwenifaere »

Fannie a écrit : 16 janv. 2021, 21:05 Pour revenir à l'écriture inclusive, elle ne peut de toute façon pas exprimer un genre qui n'est ni féminin ni masculin ; dans ce sens, elle n'est justement pas inclusive.
Juste pour info, il y a des efforts dans ce sens : le site eninclusif.fr notamment propose systématiquement des options non-binaires aux mots référencés. Après, ce sont souvent des formes assez longues, on peut les trouver pratiques ou non, lisibles ou non... mais ça se fait !

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FabrysBesson
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Re: L'écriture inclusive

Message par FabrysBesson »

Je découvre ce sujet qui remonte.
Je n'ai pas tout lu et je n'en suis que mieux placé pour donner mon avis :DD

Je suis pour la féminisation des noms, c'est normal. On tâtonne encore pour certains mots dont la prononciation m'écorche l'oreille. Par exemple, je préfère auteure à autrice. Je n'aime pas doctoresse non plus, je préfèrerais docteure.
C'est du détail, l'essentiel est qu'on use de la marque féminine quand on fait référence à une femme.

Je déteste l'écriture inclusive à commencer par ce que j'interprète comme un mensonge de son adjectif,
Depuis des années, ma femme est enseignante spécialisée en troubles cognitifs et, pour l'avoir beaucoup aidée, j'ai vu les difficultés des enfants dyslexiques, dyspraxiques ou dysorthographiques.
Que l'on qualifie cette écriture d'inclusive me hérisse le poil. Elle exclut le handicap et, pardon d'être si arrêté, ceux qui prétendent le contraire font preuve d'un déni tout aussi reprochable que nier la femme.
Je pense dur comme fer que la reconnaissance des uns ne peut exclure les autres. C'est un sérieux frein pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, de troubles autistiques et les FLE (Français Langue Etrangère) qui peuvent aussi être atteints de troubles.

En ce qui me concerne, ce fameux masculin qui l'emporte a toujours fait figure de neutre.
Qu'on introduise cette notion dans notre langue et qu'on passe à autre chose !

A mes yeux, ce débat se drape d'un pseudo-féminisme que je ne comprends pas.
C'est, de mon point de vue, du pain et des jeux.

On capte l'attention du grand public et on le détourne des véritables questions de société au nombre desquelles figurent les actions à mener pour l'égalité des sexes (entre autres sujets) : les droits inaliénables de disposer de son corps, d'être protégée du harcèlement et des violences, de bénéficier autant de la présomption de victime que d’innocence, de gagner un salaire équivalent, d'accéder à des postes-clef...

Visaen
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Re: L'écriture inclusive

Message par Visaen »

FabrysBesson a écrit : 11 mars 2021, 22:42 Je pense dur comme fer que la reconnaissance des uns ne peut exclure les autres. C'est un sérieux frein pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, de troubles autistiques et les FLE (Français Langue Etrangère) qui peuvent aussi être atteints de troubles.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. L'écriture / l'alphabet sert à retranscrire au mieux le langage oral. La langue française est déjà bien complexe à apprendre (même pour ses natifs et de plus en plus de français ne savent plus écrire correctement), rien ne sert de la complexifier au point même de la rendre illisible. Car le point dit "inclusif" ne la rend pas aisée à lire.

Verrouillé

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