[Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

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Cricri
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Cricri »

arno_01 a écrit : 06 juil. 2020, 19:08 Je pensais avoir répondu à un moment, mais le message a du se perdre...

Qu'importe, il y a déjà énormément matière à réflexion, et pour ne pas rentrer dans le débat pour le débat, je vais laisser le sujet là un moment. Le temps de bien maturer tout cela.

Merci en tout cas à toutes et tous pour ces réflexions qui alimenteront assurément mes histoires et mes personnages.
[mention]arno_01[/mention] C'était peut-être cette intervention-là ? Elle y est bien, rien de perdu :)

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Fannie
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Fannie »

Eryn a écrit : 06 juil. 2020, 11:18 Je me dis qu'au final, un auteur écrit toujours selon le reflet de son époque et que c'est parfois difficile (voir impossible) d'en sortir. Je me rappelle que dans mon livre d'histoire de 3ème (je crois que c'était en 3e), il y avait des extraits de Tintin au Congo, pour montrer comment les noirs étaient montrés dans la BD, mais c'était aussi reflet de cette époque et sans doute de l'éducation qu'avait reçu l'auteur ! D'ailleurs je crois qu'actuellement certaines pages de cette BD ont été censurées si ce n'est pas la bd entière.
Juste pour info, il y a un article intéressant ici qui explique assez bien la situation de cette BD.

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Eryn
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Eryn »

Super intéressant, merci [mention]Fannie[/mention] !

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Isapass
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Isapass »

Je viens de lire l'intégralité du topic, qui m'avait déjà fait de l’œil mais que j'avais momentanément laissé de côté, et je ne vous cache pas que ça turbine à fond dans ma tête... et dans mes tripes.
Je sors de la lecture de ce débat avec moult questionnements sur mon rôle, ma responsabilité et même ma légitimité en tant qu'auteure, alors même que j'ai toujours fait partie des chanceuses qui s'accordent volontiers le droit d'essayer d'écrire des histoires, sans prétention aucune, sans trop s'interroger sur leurs droits à le faire.
Or, une pression ÉNORME vient de s'abattre sur mes épaules quant à cette liberté, à la lecture de vos avis. Si je prends la somme de tout ce qui DOIT ou NE DOIT PAS être fait dans une fiction, honnêtement, j'arrête d'écrire. Les pièges sont tellement nombreux que ça devient un véritable casse-tête qui pourrait bien annihiler tout plaisir.
Je vois déjà venir les protestations quant à cette utilisation du verbe "devoir" alors je modère, mais il reste quand même qu'à la lecture de certains avis, je me suis dit que tous mes projets étaient à jeter. J'ai même éprouvé un sentiment de honte à n'avoir pas devancé les éventuelles blessures que j'aurais pu infliger malgré moi à certaines plumes qui auraient eu la gentillesse de me lire.
D'abord parce que je ne les aurais pas représentées, par exemple. J'avoue humblement faire partie des gens qui préfèrent renoncer quand ils ne se sentent pas légitimes à aborder un sujet, plutôt que l'aborder de travers. Mais apparemment, ça non plus ce n'est pas une "bonne" solution.
Ensuite parce que j'ai parfois tenté de sortir de ma zone de confort (j'ai un perso gay), en me faisant confiance pour ne pas faire d'impairs à son sujet. Là aussi, je découvre que j'ai probablement présumé de cette confiance et que je devrais demander leurs avis aux intéressés. Mais dans la vie, nos actions ne peuvent pas être conseillées par des sensitives readers, alors il faut bien se faire confiance, non ?
Et ensuite (ça ce n'était pas mentionné dans le débat, mais j'en ai fait récemment l'expérience) parce que même quand je croyais évoquer un sujet sur lequel je pouvais me sentir légitime, ça ne m'empêchait pas d'écrire des choses qui heurtaient. Je cite l'exemple pour concrétiser mon propos, en spoiler au cas où quelqu'un voudrait lire Les princes liés
Spoiler
L'un de mes personnages meurt. Or, il s'agit d'une femme qui s'est détachée des règles établies pour adopter les siennes propres, et quelqu'un m'a suggéré que je l'avais tuée pour la "punir". J'avoue que je n'avais pas vu l'effet boomerang. Parce qu'il se trouve que si j'en ai fait ce qu'elle est, c'était justement pour que sa mort (déjà prévue à l'origine de l'histoire) soit d'autant plus émouvante que c'était un personnage attachant. Aurais-je dû la rendre moins attachante et moins libre ? Soyons clairs : mon objectif était de faire pleurer dans les chaumières (parce que de mon côté, j'aime pleurer quand je lis), pas de punir qui que ce soit. Aujourd'hui, je me demande vraiment si j'ai le droit de la tuer !
Alors je ne nie absolument pas le mal-être que peuvent provoquer certains stéréotypes, ou certaines absences, dans les fictions. Je pense sincèrement que tou.te.s celles et ceux qui ont exprimé des raz-le-bol, des colères ou des ressentis sont complètement légitimes.
Je crois aussi nécessaire d'inciter à se poser la question qui figure plusieurs fois dans ce topic : "y a-t-il une vraie raison à ce que mon personnage soit comme ci ou comme ça, ou ai-je seulement reproduit par défaut ce que je vois le plus autour de moi ?" ou plus simplement "est-ce que je n'ai pas véhiculé malgré moi un stéréotype ?"
Bref, je crois de tout mon cœur à l'éducation et à la sensibilisation. Elle est nécessaire, et chacun doit y participer à sa mesure.

Mais attention aux jugements !
Peut-être que c'est ce qui a amené [mention]Fannie[/mention] à parler de "discours moralisateur" ? Il se trouve qu'en la lisant, j'étais d'accord avec plusieurs de ses remarques, notamment avec la difficulté de concilier à la fois l'inclusion et la juste représentation.
Mais encore une fois, à plusieurs reprises en lisant, je me suis dit "oh la la, tout est à jeter dans ce que j'ai écrit !", parce que si vos demandes sont légitimes, je pense qu'il est également important de garder en mémoire le fait que toutes les consciences ne sont pas éveillées de la même manière aux sujets évoqués ici. A commencer par la mienne.
J'ai 44 ans j'ai été élevée par une maman particulièrement sensibilisée aux droits des femmes (en particulier aux combats de son époque, évidemment). Pourtant, pendant les 10 ou 15 premières années de ma carrière, je n'ai même pas été heurtée par les blagues lourdaudes ou sexistes qui étaient monnaie courante dans mon univers professionnel, parce qu'elles faisaient malheureusement partie de la "normale". Je m'estimais déjà heureuse d'avoir accès à un poste occupé par seulement 20% de femmes dans ma société. Aujourd'hui, je n'hésite pas à remettre à sa place (poliment) quelqu'un qui les pratique. J'ai entendu des milliers d'insultes homophobes sans empoigner mon bâton parce que ça faisait partie du langage courant. Aujourd'hui, ça me donne envie de vomir et je le dis tout de suite à la personne qui vient de la proférer probablement "sans penser à mal".
A chaque époque et à chaque personne son combat.

La plupart des plumes sont plus jeunes que moi et à votre contact (particulièrement celui de ma coupine [mention]Tac[/mention] qui se pose moult fois plus de questions que moi), j'aiguise mon esprit critique et ma conscience quant à ces sujets. Après, je suis d'accord ou pas, mais au moins j'apprends à me questionner !
Mais je vous encourage à conseiller plutôt qu'à reprocher ou à juger.

Ici plus qu'ailleurs, nous devrions nous rappeler que derrière chaque livre, il y a un.e auteur.e, qu'il ou elle est humain.e, et qu'il a droit à l'erreur et à une chance de s'excuser, de s'améliorer ou de se rattraper. Soyez pédagogues puisque vous êtes en avance sur le sujet.

Deux petits points pour finir :
[mention]Flammy[/mention] je ne réponds pas à ce critère, pourtant sans me sentir concernée, je me demande si "les petites sont si mimi" ne serait pas un stéréotype un peu réducteur, ainsi que "la définition de la boulangère" ;) Désolée de te prendre pour cible mais j'ai trouvé que ça illustrait assez bien la façon dont certaines représentations sont ancrées et à quel point il est difficile de s'en débarrasser, même à l'occasion d'un débat comme celui-ci.

[mention]Eresia[/mention] de mon côté, je ne crois pas que tous les livres soient politiques. Mon ambition personnelle est d'écrire du divertissement, et je ne crois vraiment pas que le monde de qui que ce soit sera changé après la lecture de mon roman (j'espère qu'il sera un peu changé pendant la lecture, mais pas plus). Ça ne m'empêche pas de faire attention à ce que j'écris, mais je ne crois pas qu'il contienne de "message". Faut-il pour autant que j'arrête de l'écrire, si je n'ai pas cette conviction ? Et en tant que lectrice, il y a très peu de livres dont j'ai envie de dire qu'ils ont changé ma vision du monde. Et je prends pourtant énormément de plaisir à m'évader quelques heures. C'est d'ailleurs à peu près tout ce que je demande à un roman, et je pense que je ne suis pas la seule lectrice dans ce cas. Je ne suis ni une lectrice, ni une autrice "engagée". Or, en lisant ton message, j'ai eu la sensation que c'était condamnable. Ce n'est sans doute pas le cas, mais encore une fois, la manière de formuler une opinion change parfois complètement le message ;)

Oups, je crois que j'ai été longue... merci de m'avoir lue jusqu'ici si vous avez tenu !

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Eresia
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Eresia »

Isapass a écrit : 04 août 2020, 14:50 @Eresia de mon côté, je ne crois pas que tous les livres soient politiques. Mon ambition personnelle est d'écrire du divertissement, et je ne crois vraiment pas que le monde de qui que ce soit sera changé après la lecture de mon roman (j'espère qu'il sera un peu changé pendant la lecture, mais pas plus). Ça ne m'empêche pas de faire attention à ce que j'écris, mais je ne crois pas qu'il contienne de "message". Faut-il pour autant que j'arrête de l'écrire, si je n'ai pas cette conviction ? Et en tant que lectrice, il y a très peu de livres dont j'ai envie de dire qu'ils ont changé ma vision du monde. Et je prends pourtant énormément de plaisir à m'évader quelques heures. C'est d'ailleurs à peu près tout ce que je demande à un roman, et je pense que je ne suis pas la seule lectrice dans ce cas. Je ne suis ni une lectrice, ni une autrice "engagée". Or, en lisant ton message, j'ai eu la sensation que c'était condamnable. Ce n'est sans doute pas le cas, mais encore une fois, la manière de formuler une opinion change parfois complètement le message ;)
Je me permets de te répondre, parce que si en effet, mon message en question est né d'une réponse à vif, ça ne change pas ce que je pense.

Je ne dis pas et ne me permettrais jamais de dire à quelqu'un qu'iel ne peut pas écrire s'il n'a pas un message à faire passer. Ce que je dis, c'est que, que vous le vouliez ou non, que vous en ayez conscience ou non, il y a un message. Et que c'est la responsabilité de l'auteur·ice d'en prendre conscience et d'agir en conséquence. Rien de plus.

Et par "message", je ne veux pas forcément dire "morale" ou quelque chose d'aussi clair. Ça l'est dans certains récits, d'autres non. Mais dans n'importe quel récit, on trouvera à minima ce que l'auteur·ice peut penser ou avoir retenu de la société dans laquelle iel évolue, ne serait-ce que par son traitement des personnages justement (ce qui a donné naissance à ce débat à la base, d'ailleurs). Et puis, je pense qu'on est tous·tes d'accord pour dire que l'inspiration ne vient pas de nulle part, elle est influencée par ce qu'on vit, ce qu'on entend, ce qu'on voit. Donc on reproduit beaucoup de choses, qu'on soit d'accord ou non avec ça. C'est inévitable. Et ça ne veut pas dire qu'on ne pourra pas s'améliorer en plus. Personne n'est parfait, on fait tous et on fera tous des erreurs, on blessera tous forcément des gens, on écrira des choses qui nous feront honte ou qui nous feront nous questionner une fois qu'on aura suffisamment de recul, mais c'est ça la vie d'écrivain·e. On apprend en faisant. Mon point était que considérer qu'on ne véhicule pas de message, de vision du monde particulière à travers ses écris, c'est un peu se voiler la face, même si c'est dit de manière rude. Et qu'il est de notre responsabilité de s'en rendre compte, même après coup, et de reconnaitre nos erreurs si elles ont été soulevées.

Et au delà de ça, je ne dis pas non plus que tout livre est destiné à révolutionner quoi que ce soit, ni à avoir l'effet d'un big bang dans la vie des lecteur·ices (mais je pense qu'on est tous·tes d'accord pour dire que si ça se produit, c'est plutôt cool :DD ), mais comme tu le dis toi-même : on espère provoquer des réactions, positives ou négatives, que ce soit par nos intrigues ou notre façon d'écrire. Tu le dis : tu espères changer un peu tes lecteur·ices ; ça ne montre pas que quelque part, il y a un message que tu as envie de faire passer ? ;)

Et oui, je suis d'accord avec le fait que certain·e·s ne lisent que dans le but de s'évader. D'ailleurs, au risque de choquer, c'est aussi mon cas. Je lis assez rarement des essais par exemple, si on peut parler des écrits purement politiques. Je ne me considère pas non plus comme une lectrice et/ou autrice engagée. Mais il n'empêche que je reste persuadée que chaque livre à un message sous-jacent, et que ce message est politique, d'une manière ou d'une autre.

Mais je crois que c'est là, au fond, de ce qui bloque : on a tous·tes une définition différente de politique. Ce que je peux tout à fait entendre. Je peux entendre que certain·e·s ne pensent pas écrire d'œuvre politique. Par contre, être persuadé·e·s d'écrire sans message, sans avoir la volonté de transmettre quelque chose, de raconter quelque chose, oui, non, en effet, je ne comprends pas, et je ne suis pas d'accord. Mais je serais ravie qu'on m'explique. ;)

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Isapass
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Isapass »

En effet, la définition "politique" porte à caution, et manifestement aussi la définition de "message" :DD
Tu le dis : tu espères changer un peu tes lecteur·ices ; ça ne montre pas que quelque part, il y a un message que tu as envie de faire passer ? ;)
Ce que je voulais dire en disant que j'espérais changer un peu le monde des lecteur.rice.s pendant leur lecture, c'était en termes d'immersion : pour moi, en tant que lectrice, je cherche à être transportée ailleurs, dans un monde différent du mien avec des préoccupations différentes des miennes. Je réintègre ma propre vie en refermant le livre. Et c'est ce que j'essaie de faire en écrivant, à ma petite échelle. Mais je n'attends absolument pas qu'à l'issue de sa lecture, les lecteur.rice.s en concluent qu'il faut penser ou ne pas penser ça, faire ou ne pas faire ça. C'est dans ce sens que je dis qu'il n'y a pas de message : dans l'histoire, les personnages ont fait tel ou tel choix, qui s'est révélé bon ou pas pour eux et pour le monde autour d'eux. C'est évidemment inspiré par ma vision du monde et par mon monde (enfin, le notre, du coup), mais ça ne veut en aucun cas donner une leçon, une façon de faire ou une morale. Ce qui s'est passé pour les personnages ne doit pas forcément se transposer à la réalité, puisque ça ne se passe pas dans la réalité. Et je suis convaincue que la grande majorité des lecteurs, même jeunesse, savent faire la part des choses.
Et tout ce que je veux transmettre, ce sont des émotions.

Après, je me rends évidemment compte qu'il y a des "visions" induites et souvent involontaires, fort bien illustrés par les exemples cités précédemment dans le topic et qu'on puisse souffrir de ne jamais voir un héros qui possède les mêmes "particularités" que soi, ou que les seuls personnages qui portent ces particularités sont des antagonistes. Mais pour moi, ce ne sont pas des "messages", ce sont des problèmes de représentation.
Ça ne rend pas ça moins grave (d'autant que c'est sans doute plus difficile de les voir et de lutter contre eux), mais ça explique notre petit problème sémantique sur ce qu'est un "message" ;)

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Eresia
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Eresia »

[mention]Isapass[/mention] Oui, on est globalement d'accord en fait :DD

Cela dit, je parlais bien de "message" parce que pour moi ça va au delà de simple "visions". Ça se joue dans la répétition. Quand ces "visions" se répètent partout, tout le temps, on est quand même pas loin d'un message je trouve. Pour prendre l'exemple du stéréotype du personnage gros et méchant : dans une seule histoire, ça va. Tout le temps, dans tous les récits ou presque, ça revient quand même à dire aux personnes grosses qu'iels sont méchant·es, ou à faire passer ce message aux gens qui ne le sont pas (et donc à créer ledit stéréotype).

Et même, sans en revenir à la représentation de personnages "divers" , je prends un autre exemple : un méchant - mettez y tout ce que vous voulez derrière ce terme - qui gagne à la fin. Ok, en tant que lecteur·ice, on ne va pas forcément le transposer à la réalité, on sait que ce n'est pas forcément comme ça, et surtout, même si on se projette dans les personnages, on sait en effet faire la part des choses entre un personnage fictif et nous-même, notre personnalité et nos choix, même si on est jeunes. Il n'empêche que ça fait passer le message que les méchant peuvent gagner, parfois.

C'est ça que j'entends par "message".

Je ne dis pas, ça peut venir d'une envie de dénoncer de la part de l'auteur·ice, il n'empêche que suivant comment c'est fait, genre suivant si la narration fait passer ça pour normal ou non, le message ne sera pas le même. Mais il y a toujours un message. Il peut être plus ou moins insignifiant aux yeux de chacun·e·s, plus ou moins transposable dans la réalité, mais il est là.
Je peux prendre un autre exemple tiens : les elfes. On est d'accord qu'iels n’existent pas dans la réalité je pense. Comme pour dire qu'on les représente - dans la plus grande majorité des cas - comme des êtres grands et minces. Pourquoi pas après tout, mais ça fait passer le message que les personnes gros·ses ne peuvent pas être des elfes. Pas dans la réalité, mais dans la fiction. Encore que, on est habitué·e·s à se projeter dans des personnages qui ne nous ressemblent pas, mais le message est quand même là. On peut le changer, encore heureux, mais pas sans prendre des volées de bois vert et ça risque de prendre beaucoup, beaucoup de temps, parce que c'est pas la norme, c'est pas le message qui a été martelé à travers moult récits.

Après, je suis d'accord pour dire que cette histoire de répétition, ça amène à se poser la question de savoir dans quel contexte s'inscrit ce que l'on écrit, ce qui a été fait avant, tout ça, et j'entends que tout le monde n'a pas envie de se poser ce genre de questions avant de prendre la plume (ou le clavier). Il n'empêche que certain·e·s lecteur·ices risquent de le faire, et que c'est aux auteur·ices d'en avoir conscience et de ne pas prendre la mouche en disant qu'iels n'ont pas voulu dire ça (enfin, je trouve. :DD).

Après, en effet, le choix d'agir ou non en conséquence, d'en prendre bonne mesure ou pas, appartient à tout le monde, comme je suis d'accord avec le fait qu'on ne puisse pas être éveillé·e·s ou sensibilisé·e·s à tout. C'est justement pour ça que dans mes premiers messages je parlais des écarts de communications : l'auteur·ice dont le texte a été incriminé va le prendre personnellement en oubliant que son récit s'inscrit dans un ensemble de récits avec les mêmes soucis et les personnes qui vont dénoncer ne seront sans doute pas diplomates et pas dans une volonté euh, "éducative" si je puis dire, parce qu'iels réagissent à tousun tas de récits et en plus de celui-ci, ce qui fait que le ressentiment est grand. Donc dans le fond, je comprends les deux. Mais je suis quand même plus du côté de l'apprentissage, en tout cas, en ce qui me concerne. ;)

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Eryn
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Eryn »

Je fais remonter ce topic, mais j'hésite à en ouvrir un nouveau dont l'intitulé serait : "Comment ne pas véhiculer inconsciemment des clichés lorsqu'on écrit ?" (après, je reste dans le thème..)
Ce message fait suite à des remarques de @Makara, qui m'a fait me rendre compte que dans mon texte (Pyrite Ebène), les rôles de pouvoir étaient tous donnés à des hommes !
Alors ce n'est pas entièrement le cas, (vu que Makara n'en est qu'au 3e chapitre, elle ne pouvait pas le savoir) mais le fait est que j'ai quand même inconsciemment reproduit un modèle de société patriarcal dans ce texte ! (ce qui se justifie aussi car l'un des dirigeants est un gros connard macho). Ce qui me choque, c'est que sans les remarques de Makara, je n'y avais pas du tout fait attention ! :screaming:

Or, en tant qu'auteur/autrice, on a je pense une responsabilité dans la manière dont on montre les gens, ce qu'on leur fait dire, le rôle qu'on leur donne ! Parce que c'est cela qui par la suite "forme" les esprits, parce que c'est l'ensemble de la culture (clips musicaux, films, romans, bd etc) qui doit permettre cette évolution !
Il y avait par exemple une étude de faite qui avait prouvé que les lecteurs de HP étaient globalement plus tolérants ! La question du racisme est un thème récurrent du livre : Hermione "sang de bourbe", Hagrid rejeté car "demi géant", les elfes de maison qui n'ont aucuns droits... Bref...
De la même manière, au cinéma, la femme est encore trop souvent réléguée au rang de potiche, et il suffit de voir le nombre de films dont les personnages principaux sont des hommes : on est encore trèèèèès loin d'une parité exemplaire ! (même Rey, dans le dernier star wars, elle n'atteint pas le niveau de Padmé dans la trilogie précédente !)
Et d'un autre côté, on a plein de super textes qui ont des héroïnes fortes, hunger games et divergente notamment, pour ceux qui ont été adaptés au ciné...

Pour en revenir a ma question, dans mon texte, l'un des rôles principaux est tenu par une fille, et l'autre par un garçon, mais pour ce qui est des adultes "dirigeants", on a une majorité d'hommes, et je ne sais pas s'il faut le laisser comme ça.

Je voulais savoir si ça vous arrive aussi (de véhiculer des clichés), comment faites vous pour éviter cela ? J'imagine qu'il faut à chaque fois se poser la question, prendre du recul sur son texte, mais des fois, on est toujours tellement la tête dedans, qu'on zappe des éléments essentiels !!
Je trouve ça important de favoriser l'inclusion, par exemple on peut mettre des personnages issus des minorités sans que ceux-ci aient forcément le rôle principal, mais ça ajoute de la diversité et fait vivre ces personnages aussi, (je pense à Marissa Meyer : elle n'a pas écrit sur l'homosexualité, mais dans Renegades, un des personnages principaux a "deux papas", on en fait pas tout un flan, mais elle ne l'a pas fait par hasard !), j'aimerai par exemple mettre un personnage transgenre dans un de mes textes, mais encore une fois, je veux pas que ça fasse "plaqué" juste pour la "diversite"...
Voilà, je pose plusieurs questions en une, qu'en pensez-vous ?

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EryBlack
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par EryBlack »

Petite pensée par rapport à ce que tu demandes, @Eryn ; pas une réponse complète mais disons un fragment.

Pour moi il y a plusieurs cas de figures à prendre en compte.
- ton histoire se déroule dans notre univers (ou à peu de choses près notre univers) : selon l'époque, assez normal qu'il y ait plus d'hommes que de femmes dans des postes stratégiques. Il peut être intéressant de remettre cet état de fait en question, mais je ne pense pas que ce soit obligatoire si ce n'est pas le but de ton histoire. Du moment que tu ne laisses pas entendre que c'est super-cool-trop-génial comme situation... ^^
- ton histoire se déroule dans un univers imaginaire qui contient ses propres discriminations : il peut être intéressant de varier un peu par rapport aux nôtres, par exemple en se focalisant non pas sur le genre et la couleur de peau, mais sur d'autres critères - ça peut d'ailleurs aussi enrichir ton univers. Après pareil, à toi de décider si ton histoire a notamment pour but de les dénoncer ou si c'est juste un élément du décorum, et là encore tant qu'il n'est pas spécialement traité de façon approbatrice, pour moi ça passe.
- ton histoire se déroule dans un univers imaginaire dans lequel tu n'as pas spécialement imaginé de discriminations : dans ce cas-là, si tu t'aperçois que tu n'as mis que des hommes ou des blancs (ou etc.) partout, c'est peut-être que tu as déplacé les discriminations de notre monde dans ton monde imaginaire. Et ça... c'est dommage ! Mais c'est humain. C'est pas pour rien qu'on lutte contre tout ça, c'est dans nos têtes que c'est le plus difficile à éradiquer. Mais dans ce cas précis, je pense qu'il faut vraiment faire gaffe à ce qu'on véhicule. On risque de donner l'impression que c'est "tellement normal que des hommes dirigent" que ça arrive aussi dans un monde imaginaire où les codes sont complètement différents. On risque donc de tomber dans l'essentialisme.

Donc je dirais que maintenant que tu es consciente du truc, à toi d'agir en fonction. Ces hommes, est-il essentiel que ce soit des hommes ? Peux-tu en changer certains en femmes sans modifier l'histoire ? Si oui, eh ben pourquoi pas ?
Quant à la crainte de faire "plaqué pour la diversité", je pense qu'il faut la dépasser et tester des choses. Élargir sa palette de personnage en ne négligeant aucun genre, aucune orientation, aucun handicap, aucun trait physique. Ça me donne le tournis, perso ! J'ai toujours eu tendance à imaginer des beaux et belles gosses très stéréotypé-es pour mes propres persos. Maintenant j'essaye d'élargir, et j'ai de belles surprises parfois ("ah mais en fait elle, elle est lesbienne ! Voilà, ok, je note"). Il ne faut pas avoir peur, tant que tu ne parles pas à la place des concerné-es de leurs problèmes, tant que tu les représentes dans toute leur richesse de personnage et non pas comme des archétypes, tu évites les plus gros écueils, et pour le reste... tu as des bêta-lecteurices pour être vigilant-es ;)

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Raza
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Raza »

C'esdt une question délicate effectivement. Je ne répèterai pas ce qu'à dit @EryBlack, car je suis pleinement d'accord. Pour apporter un peu d'eau au moulin, je vais parler de mon expérience en la matière (qui n'est pas une "faut faire comme ça", mais juste un exemple de comment j'ai aborder la question et les difficultés que j'ai rencontré.
Il faut savoir que mes univers sont très science-fiction, et donc le parti-pris que j'ai ne s'appliquerai pas partout.

Mon premier essai a consisté à essayer de mettre des personnages dans une évolution de culture (prendre par exemple des noms et des prénoms qui ne "matchent" pas, par exemple Hiroko Dupont.) Le problème que j'ai rencontré c'est que l'imaginaire des lecteurs.rices est perturbé, et il passe son temps à se demander ce qui se passe, pourquoi ces noms, etc... Donc sur cet aspect, c'était problématique, j'ai laissé tomber.

Deuxième essai, j'ai mis un peu de couleur dans mes personnages, mais je me suis rendu compte qu'en fait, ce n'était pas ma vision du monde. En effet, ça m'oblige à préciser la couleur des personnages, alors que pour moi, ça ne devrait même pas entrer en ligne de compte (et parce que dans mon univers, ce n'est pas important). Et si précise pour un, je précise pour tous ! (ben oui, pourquoi je ne dis pas qu'untel est blanc ? Parce que blanc c'est la norme ? ah ben non. Donc il faut dire pour tout le monde ?). Donc j'ai laissé tomber aussi.

Troisième tentative, qui me convient et qui est ce que j'ai gardé, un système violent mais efficace je trouve, dont voici les grandes lignes (c'est parfois un peu plus subtil):
1) j'écris mes personnages "sans rien". Ils vivent quelques scènes (parfois toute une nouvelle, ou plusieurs chapitres). Ils sont définis par leur rôle dans l'histoire, et leur métier, le plus souvent.
2) je tire ensuite leur sexe au hasard. J'ai donc en moyenne 50% d'hommes et 50% de femmes dans mes histoires. Comme je n'aborde pas de sujet complexe sur l'identité sexuelle, c'est une approximation mais c'est déjà pas mal.
3) la couleur de peau de mes personnages n'est jamais précisé, car il n'y a pas de problème de racisme dans mes univers.
4) l'orientation sexuelle de mes personnages est tirée au sort quand j'en ai besoin, avec une stat un (pourquoi quand j'en ai besoin et pas avant ? pour éviter les clichés, bien sûr).

L'idée de tout ça est de montrer ce qui pourrait exister. Il me reste les inégalités sociales et la xénophobie, bien sûr. (et ben oui, il reste toujours quelque chose !).

Pour revenir à ce qu'a dit @EryBlack, demandes toi ce que tu veux en faire, et teste des solutions ! :-)

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