[Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

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Eryn
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Message par Eryn »

EryBlack a écrit : 30 oct. 2020, 16:13 - ton histoire se déroule dans un univers imaginaire dans lequel tu n'as pas spécialement imaginé de discriminations : dans ce cas-là, si tu t'aperçois que tu n'as mis que des hommes ou des blancs (ou etc.) partout, c'est peut-être que tu as déplacé les discriminations de notre monde dans ton monde imaginaire. On risque de donner l'impression que c'est "tellement normal que des hommes dirigent" que ça arrive aussi dans un monde imaginaire où les codes sont complètement différents. On risque donc de tomber dans l'essentialisme.

Donc je dirais que maintenant que tu es consciente du truc, à toi d'agir en fonction.
Je pense que c'est bien dans ce cas là que je me trouve (merci, ta réponse m'aide beaucoup ^^) ! Après comme je disais, dans ce monde là, il y a aussi des femmes dirigeantes mais on en parle peu, et le mec qui arrive au pouvoir dans l'histoire est un gros macho, donc normal, mais voilà, je vais être obligée de me pencher sur la question !
Je ne pourrais jamais faire comme tu fais toi en tirant au sort tes personnages parce que j'ai besoin pour certains de "la figure du père" ou de la mère, ou autres...
Mais ce qui est sûr, c'est que pour mon nouveau projet, je vais me refaire un schéma de tout mon univers, et je vais regarder qui est qui, est ce que la parité est plus ou moins respectée, combien de rôles "forts" sont attribués aux hommes et aux femmes, la parité est-elle respectée dans les systèmes politiques ? Dans les métiers ? Y a-t-il moyen de mettre plus de diversité ? La question de la religion ne se pose pas puisque je suis dans un monde imaginaire, mais celle de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre peut apparaître aussi !

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EryBlack
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Message par EryBlack »

@Eryn Tu as peut-être fusionné mon post et celui de Raza ^^ C'est à... luel ? (puisque je ne connais pas le genre de Raza ! Ah c'est rare mais quand ça arrive, on est bien content de trouver des pronoms inclusifs) En tout cas c'est Raza qui parlait de tirer au sort ^^ Mais contente de t'avoir aidée quand même :D

@Raza Je suis impressionnée par ton système !! C'est vraiment jouer le jeu au max, je trouve ça super. J'aurais du mal à l'appliquer à cause de mes descriptions... Mais maintenant que j'y réfléchis, je mentionne rarement des caractéristiques de genre dans mes descriptions. Le plus que j'aie fait, ça devait être des "courbes féminines/généreuses". Je parle parfois de la taille et de l'envergure aussi, mais là-dessus rien n'est exclusivement masculin ou féminin. C'est intéressant, ça veut dire que finalement, je pourrais presque faire comme toi, Raza. Et comme j'ai l'impression que ça me freinerait, ça signifie aussi que je n'attribue pas la même sensibilité à mes personnages en fonction de leur genre. Arg :downcast: J'ai encore du boulot !

Après je pense aussi que décider du genre d'un personnage peut avoir une portée symbolique importante. Par exemple, dans mon histoire, mon héroïne est une fille et c'est important pour moi. Elle est amenée à suivre un chemin tout tracé, "contraint" donc, et même si je n'aborde pas le sujet dans l'histoire, il y a dans un coin de ma tête une vague symbolique liée à l'idée que les filles, dans notre monde, sont souvent restreintes à un rôle et qu'il y a une nécessité pour nous de nous approprier notre rôle, de le réinventer, bref, de dévier à un moment donné de la route que la société veut nous faire emprunter (bon c'est un résumé assez schématique et très subjectif. On pourrait sans doute m'objecter que les hommes aussi sont astreints à des rôles, et c'est sans doute vrai, mais comme je suis une femme, je parle de ce que je connais). J'aime bien l'idée d'observer mon héroïne et de voir si elle va dévier de sa route et comment.

Et pour d'autres projets d'histoires, je veux donner certains genres à certains personnages pour traiter certains aspects de la féminité ou de la masculinité qui m'intéressent (en rapport avec les normes de notre monde, en l'occurrence), ce que je ne pourrais pas faire si je tirais au sort. Mais je trouve ça vraiment intéressant, ça me donnerait envie d'essayer, au moins pour une nouvelle. Inspirant tout ça !

Pour finir :
Eryn a écrit : 30 oct. 2020, 19:02 Mais ce qui est sûr, c'est que pour mon nouveau projet, je vais me refaire un schéma de tout mon univers, et je vais regarder qui est qui, est ce que la parité est plus ou moins respectée, combien de rôles "forts" sont attribués aux hommes et aux femmes, la parité est-elle respectée dans les systèmes politiques ? Dans les métiers ? Y a-t-il moyen de mettre plus de diversité ? La question de la religion ne se pose pas puisque je suis dans un monde imaginaire, mais celle de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre peut apparaître aussi !
@Eryn Bonne idée, je pense. Mais d'un côté, ça va peut-être être très prise de tête, dans le sens où tu vas devoir réfléchir intensément au genre de tes personnages alors que... l'enjeu est peut-être aussi de rendre le genre moins important ? De considérer que les caractéristiques sont juste des caractéristiques et qu'on peut les appliquer aux hommes, aux femmes et aux autres genres sans trop se casser la tête ?
Et je me pose aussi une question : pourquoi avoir un personnage macho ? Je veux dire, je ne remets pas en question ton choix, je m'interroge juste sur l'intérêt de cette caractéristique dans ton histoire. Ça va servir ? C'est une caractéristique qui s'est imposée quand tu as créé ton perso ou c'est réfléchi ? Il y a une explication à ce machisme ? Comment c'est perçu par les persos autour de lui ? Bref je me pose beaucoup de questions, mais n'y vois aucune malice, juste de la curiosité ^^

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Fannie
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Message par Fannie »

À mon avis, il n'y a pas de problème à mettre en scène un univers machiste si ça apporte une réflexion. Un ou plusieurs personnages pourraient se demander pourquoi les rôles sont distribués ainsi et une forme de rébellion pourrait naître dans certains esprits, même s'ils ne l'expriment pas encore. Comme ça, tu n'as pas besoin de repenser l'ordre établi, mais tu montres que ce n'est pas le seul possible, ni à tes yeux, ni à ceux de tes personnages.
Modifié en dernier par Fannie le 31 oct. 2020, 14:51, modifié 1 fois.

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Eryn
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Message par Eryn »

EryBlack a écrit : 30 oct. 2020, 19:30 Et je me pose aussi une question : pourquoi avoir un personnage macho ? Je veux dire, je ne remets pas en question ton choix, je m'interroge juste sur l'intérêt de cette caractéristique dans ton histoire. Ça va servir ?
Oui, parfaitement, c'est le père d'un des héros de l'histoire, et une grosse partie de l'intrigue tourne autour des liens entre ce personnage et son père (il apprend qu'il a battu sa mère et a causé sa mort, ce qui le fait se détacher complètement de lui et là, il fugue ), alors c'est un peu extrême (en même temps ça existe aussi dans la réalité :screaming: ), mais oui, c'est fait exprès, vu que c'est connecté à d'autres choses par la suite, ce personnage n'a absolument rien qui puisse le "rattraper" aux yeux des lecteurs, c'est une raclure sur toute la ligne... il en faut.. :rofl:

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EryBlack
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Message par EryBlack »

@Eryn Ok je comprends. Mais du coup d'après ce que tu disais plus haut, tu n'as pas spécialement décidé qu'il y aurait des discriminations dans ton univers. Or pour qu'un personnage évolue comme ça (battre sa femme + machisme etc.) c'est qu'il y a quelque chose... non ? Je ne sais pas, peut-être que même dans un monde sans discriminations de genre des gens finissent par battre leur conjoint-e... En tout cas je pense qu'il faut faire attention à la cohérence dans ce cas-là, encore une fois pour éviter de ramener nos codes et nos discriminations dans un monde imaginaire (enfin ne pas le faire de façon inconsciente surtout !). Mais je ne connais pas toute l'histoire donc à toi de juger bien sûr ;)

@Fannie Ça me paraît bien ce que tu proposes, c'est une solution que je pourrais adopter moi-même.

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Lohiel
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Coucou :cherry_blossom:

Je suis revenue lire ce sujet régulièrement... et je dois dire, avec parfois un peu de perplexité. Il me semble que trop souvent, cette volonté (très positive) de "ne plus discriminer" tourne justement à la mise en cause des récits où une discrimination est décrite dans toutes ses perversités... pour être dénoncée, tout bonnement. Il n'y a pas d'autre moyen.

"La Servante écarlate", c'est une suite de péripéties effrayantes, hautement pénibles. Et une charge magnifique contre le pouvoir masculin allié à une certaine idée religieuse de la "morale".

Alors, pour préciser, j'appartiens moi-même à une "population" qui subit une discrimination dure, une mise à l'écart discrète mais constante. Je parle des "TSA" – je n'utiliserai pas le terme "Asperger" - qui ne fait d'ailleurs officiellement plus partie du lexique médical (DSM 2013) et qu’on ne continue à reprendre que par commodité. Ce monsieur était un médecin nazi, il ne mérite pas que son nom perdure.

Une discrimination d'autant plus forte que beaucoup d'entre nous ne remettent jamais en cause ce qu’on dit sur eux... parce que ce sont fondamentalement des personnes douces et de bonne volonté, cherchant à bien faire. En conséquence, ils l'ont intégrée, ils acceptent de se faire définir "de l'extérieur" (on sait pourtant à quel point cette configuration est mortifère pour d’autres formes de discriminations plus visibles).

J'ai vu bien des fois des personnes TSA complètement perdues face à ce que la société disait d'eux. Essayant même de s’y conformer. Sérieusement, ça me brise le cœur.

Prenons cette histoire de "manque d'empathie" par exemple. Certains TSA croient vraiment que les neurotypiques savent lire les sentiments sur les visages, à la manière d’une espèce de télépathie magique. Certains peut-être... mais pour ce que j’ai observé des interactions entre personnes dites "normales"… certaines d’entre elles ne se soucient pas le moins du monde de ce que ressent la cible de leur colère, pour peu qu’ils l’aient compris. Pour commencer, ils ont une sacrée tendance à insulter les gens… ce qui est très violent pour ceux qui se retrouvent en position d'agressé. J'en ai vu capables de s'acharner sur quelqu'un qui était déjà en train de pleurer. Ce genre de scène, moi, elle me met terriblement mal à l’aise (et d’ailleurs, j’interviens pour essayer de limiter les dégâts en réconfortant la victime, forcément)… Ou tenter de répondre à une dépression profonde par des recommandations du style "secoue-toi un peu". Mais ce sont eux les empathes ? OK.

Bon, si j'ose en parler ici, c'est parce que la bienveillance qui règne sur PA fait que c'est un des seuls endroits où je ne crains pas trop de m'exprimer. Mais je sais qu'il y a un danger, un schéma classique que j'ai expérimenté bien souvent : généralement, quand je parle de ça, je reçois une flopée de gentillesses, on m'assure que je suis vraiment quelqu'un de bien, etc. Puis les mêmes gens se retirent à une distance prudente, évitant toute interaction avec moi. Dissimulation ou solitude, tous les TSA connaissent.

Bon, le problème, il commence dès la définition médicale (et comme c’est scientifique, hein, personne ne moufte) : "trouble du spectre autistique". Il s'agit d'une condition différente, pas d'un "trouble". Déjà. Pour ma part, je fais partie de ceux dont toute l'intelligence est focalisée dans des domaines précis. En ce qui me concerne, cela tourne autour de la langue française, de l'analyse sémantique, de la synthèse d'informations (c'est pourquoi je vis à la campagne depuis un bail, il n'était pas vraiment compliqué pour moi de voir comment notre système allait rapidement mal tourner) et de quelques autres broutilles. Hypermnésie, par exemple. Sens de l'observation et du détail. Forcément, lorsque toutes les ressources sont mises au service d'un domaine restreint, ça donne de bons résultats. Et à côté de ça, je suis totalement, définitivement et radicalement dyscalculique.

Bref, ça a commencé dans ma famille, alors que je n'avais que deux ans. C'étaient plutôt des gens cultivés, pourtant, mais à l’époque on ne savait pas faire le diagnostic... "phénomène de foire" (parce que je parlais "trop" bien... puis lisais sans problème à partir de trois ans - et parce que je retenais des quantités d'informations : "je-sais-tout"). À l'école, le fait d'allier des séries de 18 en français à des zéros en maths m'a valu le terme de "fumiste" et autres gentillesses.

Et toute ma vie jusqu'ici s'est déroulée ainsi, infiniment compliquée par le fait que j'étais femme. Et incapable de duplicité. Donc facilement exploitable.

Le diagnostic, trop tardif, a un peu arrangé les choses, quand même. Je me suis sentie moins seule. Et pourtant, à y penser, cette histoire, cet invraisemblable gâchis… je n'ai aucune envie de l'écrire. Ma différence n'est pas le motif central de mon existence et j'ai mieux à faire que de me crisper sur mes problèmes, de les remâcher ad vitam æternam. La vie n'est facile pour personne, de toute façon.

Pour en revenir au sujet, la discrimination... cela m'inquiète que la littérature soit le vecteur d'une nouvelle morale. Ce genre de trucs, ça n’a jamais marché.

C'est le regard qui doit changer d'abord, ça c'est une évidence éclatante. Le reste suivra. Mais l'art mis au service d'une morale sociale, ça donne souvent des œuvres tellement affadies qu'il n'y a plus grand-chose à y trouver. Des auteurs qui se surveillent si férocement qu'ils n'osent plus rien.

Et je le répète, on ne peut pas dénoncer sans décrire, sans mettre en scène. Je ne parle pas là des "sensivity readers" qui cherchent à déminer les stéréotypes grossiers... ça, c'est très utile. Mais de tous ceux qui découvrent le combat et s’y lancent tout de go, avec sans doute les meilleures intentions du monde et qui régulièrement, faute d’avoir longuement mûri le sujet… arrivent à des conclusions contre-productives. Faire disparaître les discriminations dans un contexte où elles devraient exister, par exemple, on a vu des cas jusque dans les romans et les séries. Sans compter qu’ils ont des opinions contradictoires et qu’ils cherchent à les imposer, toujours assez vigoureusement, avec la foi des nouveaux convertis. Ce qui est carrément terrifiant pour les artistes. Parce que quoi qu’on fasse, ce ne sera pas bien.

Et il y a plus bizarre. Je m’explique.

Dans l'histoire que j'écris... les hommes sont vulnérables, tous. En fait, c'est ça, la réalité que je constate depuis toujours. Simple exemple : je ne connais pas beaucoup d'hommes capables de faire la double journée sans se plaindre par exemple, tout en réussissant à protéger ses enfants d’un conjoint toxique ou violent. Configuration hélas trop fréquente de nos jours. Et les femmes assurent souvent de manière impressionnante. Mes personnages masculins ne sont pas cette eau-là mais en revanche, ils sont moins fort psychologiquement que leurs compagnes. D’ailleurs, chez moi, la "damzell in distress" est un homme, la "belle au bois dormant" aussi.

De plus, l’histoire se passe dans un monde futur où le racisme entre humains a disparu (point cohérence : les fondateurs de cette société existent bel et bien aujourd’hui, dans la nôtre, et s’ils sont dangereux dans d'autres domaines... au moins sur celui-là, ils sont propres). Et dans le regard de mes personnages, une peau sombre ou très sombre, c'est juste "élégant" (et moi aussi je trouve que oui, ça l’est… mais c’est un autre débat).

J'ai retourné nombre de propositions discriminatoires, sur ce principe. Même les "méchants" ne sont pas du tout ce qu'ils semblent être. Bref. Et j'ai soigné la cohérence fine, me suis assurée que tout cela fonctionnait au point de vue de la vraisemblance – et effectivement, personne ne m'a dit "je n'y crois pas" (chose que j’imaginais possible, quand même, mais bon).

Je pensais sincèrement que cela allait me valoir quelques remarques intéressantes. Parce que c'était un pivot majeur, dans ma tête. Une disposition complexe à réussir, et sur laquelle en conséquence, j’ai énormément travaillé… Il fallait penser autrement en permanence, pour tout remettre en question et montrer que l'inverse de nos pratiques et des croyances admises peut aussi fonctionner, tout naturellement. Que ça n’est qu’une question de choix.

Mais au bout du compte : rien. J’ai eu des quantités de retours… tous portant sur d’autres aspects de l’histoire (et plein de bonnes choses aussi, heureusement, merci)... mais sur celui-là, pas un mot. Et j’avoue que ça me laisse un peu comme deux ronds de flan. Je ne m’y attendais vraiment pas.

Est-ce encore "trop étranger" pour que les gens le remarquent ? À la manière des autochtones d’Amérique du Sud qui n'ont pas compris ce qu'ils voyaient lorsque les vaisseaux des Conquistadors sont arrivés, tellement c'était extrinsèque à leurs représentations ?

Ou alors, est-ce que nous, les "autistes HNF", attachés au détail significatif et à la logique comme autant de messieurs et mesdames Spock, nous sommes vraiment encore des extraterrestres dans ce monde où certaines personnes dites normales (non, pas toutes, c'est vrai) semblent constamment ballottées par des passions irrationnelles et des idéologies hautement contestables, desquelles elles passent un temps fou à tenter de se dépêtrer au lieu de dire simplement "Non, sans moi. Bye" ? (mon idée de la raison avec un grand R, oui ^^)

Je n’en sais rien du tout. Mais ce que je sais, c’est que je voudrais en lire, des histoires de ce genre (c’est d’ailleurs pour ça que je l’ai écrite, très classiquement). Et qu’à ma connaissance, il n’y en a pas masse.

Bon week-end et bon courage pour ce fichu confinement qui repart. Certains ont maltraité la nature par cupidité, et voilà où nous en sommes collectivement arrivés. Espérons qu’il est encore temps d’arrêter la machine folle.

Lo :hibiscus:
Modifié en dernier par Lohiel le 31 oct. 2020, 18:42, modifié 1 fois.

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EryBlack
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par EryBlack »

Ton post est long et intéressant, @Lohiel , je ne sais pas si je vais pouvoir répondre à tout mais certains points m'ont particulièrement interpellée.

Déjà, par rapport au fait que tu es TSA : c'est enrichissant de lire ton parcours et je te remercie de le partager. Tu as vécu des trucs pas faciles (c'est hyper stigmatisant tous ces qualificatifs !), et effectivement ici je pense que la tendance générale sera plutôt de compatir, en tout cas c'est ce que moi je ressens :) J'ai du mal à imaginer que quiconque ici s'éloigne de toi pour autant.
Prenons cette histoire de "manque d'empathie" par exemple. Certains TSA croient vraiment que les neurotypiques savent lire les sentiments sur les visages, à la manière d’une espèce de télépathie magique. Certains peut-être... mais pour ce que j’ai observé des interactions entre personnes dites "normales"… beaucoup d’entre elles ne se soucient pas le moins du monde de ce que ressent la cible de leur colère, pour peu qu’ils l’aient compris. Pour commencer, ils ont une sacrée tendance à insulter les gens… ce qui est très violent pour ceux qui se retrouvent en position d'agressé. J'en ai vu capables de s'acharner sur quelqu'un qui était déjà en train de pleurer. Ce genre de scène, moi, elle me met terriblement mal à l’aise (et d’ailleurs, j’interviens pour essayer de limiter les dégâts en réconfortant la victime, forcément)… Ou tenter de répondre à une dépression profonde par des recommandations du style "secoue-toi un peu". Mais ce sont eux les empathes ? OK.
C'est horrible ces comportements que tu décris :( Je crois que plein de neurotypiques ont leur faculté d'empathie assez atrophiée - parfois volontairement, pour pouvoir agir comme tu le décris sans trop culpabiliser. Mais ne pas comprendre les émotions non-exprimées des autres et décider de ne pas prendre en compte les émotions des autres sont deux choses différentes, je crois ? Je te rassure, sans être TSA, moi aussi ce genre de scène m'épouvanterait totalement ! :'D Mais je ne comprends pas bien l'utilité de comparer les personnes TSA aux neurotypiques les plus cruels qui soient... ? Enfin le lien avec les discriminations m'a peut-être échappé.
Je suis revenue lire ce sujet régulièrement... et je dois dire, avec parfois un peu de perplexité. Il me semble que trop souvent, cette volonté (très positive) de "ne plus discriminer" tourne justement à la mise en cause des récits où une discrimination est décrite dans toutes ses perversités... pour être dénoncée, tout bonnement. Il n'y a pas d'autre moyen.

"La Servante écarlate", c'est une suite de péripéties effrayantes, hautement pénibles. Et une charge magnifique contre le pouvoir masculin allié à une certaine idée religieuse de la "morale".
Entièrement d'accord !
Pour en revenir au sujet, la discrimination... cela m'inquiète que la littérature soit le vecteur d'une nouvelle morale. Ce genre de trucs, ça n’a jamais marché.

C'est le regard qui doit changer d'abord, ça c'est une évidence éclatante. Le reste suivra. Mais l'art mis au service d'une morale sociale, ça donne souvent des œuvres tellement affadies qu'il n'y a plus grand-chose à y trouver. Des auteurs qui se surveillent si férocement qu'ils n'osent plus rien.
Mais comment fait-on changer le regard des gens ? La loi, l'éducation, l'appel à la raison ont fait du bien, on a progressé. Mais pour les préjugés ancrés plus profondément, pour moi, la fiction peut vraiment aider : elle permet de questionner, de faire travailler (parfois inconsciemment) sur nos conceptions et nos préjugés, elle permet aussi comme tu le décris de montrer d'autres modèles, donc d'élargir les possibilités.
Mais en fait je crois qu'on est d'accord là aussi : ce que je décris là n'est pas possible si les auteurices le font de façon malhabile, trop évidente ou superficielle. Pour faire évoluer nos préjugés, il ne faut pas des histoires cousues de fil blanc, "affadies" comme tu dis. J'ai lu tout le topic mais ça fait longtemps, donc des choses ont pu m'échapper ; je ne crois pas que quiconque ait préconisé cette manière de faire ? Je croyais qu'ici il était surtout question de, justement, comment bien le faire, en toute conscience, comment veiller à ne pas véhiculer des messages discriminatoires sans pour autant accoucher d'une histoire toute dégoulinante de positivité, quoi ^^ Enfin en tout cas, je ne vois pas comment on pourrait contester ce que tu affirmes ici. La littérature est d'abord la littérature. Elle existe par elle-même avant d'être le vecteur d'une quelconque morale.
Je pensais sincèrement que cela allait me valoir quelques remarques intéressantes. Parce que c'était un pivot majeur, dans ma tête. Une disposition complexe à réussir, et sur laquelle en conséquence, j’ai énormément travaillé… Il fallait penser autrement en permanence, pour tout remettre en question et montrer que l'inverse de nos pratiques et des croyances admises peut aussi fonctionner, tout naturellement. Que ça n’est qu’une question de choix.

Mais au bout du compte : rien. J’ai eu des quantités de retours… tous portant sur d’autres aspects de l’histoire (et plein de bonnes choses aussi, heureusement, merci)... mais sur celui-là, pas un mot. Et j’avoue que ça me laisse un peu comme deux ronds de flan. Je ne m’y attendais vraiment pas.

Est-ce encore "trop étranger" pour que les gens le remarquent ? À la manière des autochtones d’Amérique du Sud qui n'ont pas compris ce qu'ils voyaient lorsque les vaisseaux des Conquistadors sont arrivés, tellement c'était extrinsèque à leurs représentations ?

Ou alors, est-ce que nous, les "autistes HNF", attachés au détail significatif et à la logique comme autant de messieurs et mesdames Spock, nous sommes vraiment encore des extraterrestres dans ce monde où tous les normaux semblent constamment ballottés par des passions irrationnelles et des idéologies hautement contestables, desquelles ils passent un temps fou à tenter de se dépêtrer au lieu de dire simplement "Non, sans moi. Bye" ? (mon idée de la raison avec un grand R, oui ^^)
Ben... Là, j'ai quand même envie de te dire que tu ne peux pas contrôler les remarques qu'on te fait... Si personne ne l'a remarqué, c'est peut-être que justement c'était bien fait et que ça passait tout seul ? Ou alors peut-être qu'au contraire, ça n'a pas paru suffisamment "remarquable" aux yeux des lecteurs pour t'en faire part ? Ou encore, tes lecteurs l'ont bien perçu mais ne t'en ont pas parlé parce que pour eux c'est un parti pris comme un autre ? J'espère que je ne suis pas blessante hein ! Je n'ai pas lu ton histoire, donc je n'en ai aucune idée :o (et je conçois que ça ait été difficile à faire. C'est toujours difficile de déconstruire les codes de notre monde pour en créer un autre)
En tout cas, je ne crois pas que la raison pour laquelle personne ne t'en a fait part repose sur ta différence en tant qu'autiste HNF. J'ai même trouvé un peu... étrange ta comparaison aux autochtones d'Amérique du Sud (pour les lecteurs) et aux conquistadors ou aux extraterrestres (pour les écrivains "autistes HNF" si j'ai bien compris). Je veux dire, en tant que neurotypique, ça fait un peu mal de s'entendre dire qu'on est potentiellement trop naïf pour percevoir le travail fait sur ce point... Je sais pas, j'ai un peu l'impression que tu nous juges (ballottés, irrationnels, tout ça). MAIS : j'ai peut-être mal compris. Je suis connue pour ma susceptibilité, donc excuse-moi si je te prête des intentions qui ne sont pas les tiennes. Le point important que je voulais relever, à vrai dire, c'était : continue à travailler comme tu le fais sur ton histoire, il y aura bien d'autres lecteurs pour te faire part de leurs impressions sur cet aspect de ton histoire, on est parfois surpris :) En plus, ça a l'air cool ce que tu as cherché à mettre en place, une certaine inversion des clichés, si j'ai bien compris.

Enfin, je termine en précisant qu'il y a sur PA des histoires qui travaillent aussi cet aspect-là :) Mes références datent peut-être un peu vu mon absence des derniers mois (et sont peut-être un peu trop grenobloises ^^), mais je pense notamment au Livres de Vérités de @Gueule-de-Loup (l'histoire se passe dans une société matriarcale) et à Moonshine de @Dan (de la SF, les discriminations reposent plutôt sur le statut planétien/lunien que sur des caractéristiques de genre ou de couleur de peau). Il doit y en avoir d'autres ! Il faut fouiller :))

Bon week-end à toi aussi !

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Lohiel
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Message par Lohiel »

.../...


Bon, ta réponse est longue @EryBlack, merci :), détaillée, et je la relirai plusieurs fois avant de savoir si j'ai quelque chose d'intelligent à en dire... mais juste un truc : j'ai beaucoup de respect pour les autochtones d'Amérique du Sud (et j'ai même soutenu activement l'association Survival, qui aujourd’hui tente encore et toujours de les aider à sauver leur culture basée sur le respect de la nature - la défense des peuples premiers est une de mes causes). Donc pour moi, ça n'avait vraiment rien d'insultant, juste un constat.

Et sinon, oui, j'en suis désolée... je trouve certains neurotypiques très cruels (pas tous, heureusement, il y a vraiment des gens merveilleux) et le fait qu'on les considère comme normaux me retourne un peu le cœur.

Joyeux halloween, sinon :hug: :jack_o_lantern:
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Modifié en dernier par Lohiel le 31 oct. 2020, 19:24, modifié 1 fois.

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Renarde
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Message par Renarde »

Lohiel a écrit : 31 oct. 2020, 15:39 Je pensais sincèrement que cela allait me valoir quelques remarques intéressantes. Parce que c'était un pivot majeur, dans ma tête. Une disposition complexe à réussir, et sur laquelle en conséquence, j’ai énormément travaillé… Il fallait penser autrement en permanence, pour tout remettre en question et montrer que l'inverse de nos pratiques et des croyances admises peut aussi fonctionner, tout naturellement. Que ça n’est qu’une question de choix.

Mais au bout du compte : rien. J’ai eu des quantités de retours… tous portant sur d’autres aspects de l’histoire (et plein de bonnes choses aussi, heureusement, merci)... mais sur celui-là, pas un mot. Et j’avoue que ça me laisse un peu comme deux ronds de flan. Je ne m’y attendais vraiment pas.
Je pense que tu réponds toi-même à ton interrogation en fait ! Tu as tellement travaillé cet aspect et tout est amené de façon si construite et normal que... ça en devient normal.

Vu que j'ai lu ton histoire, je n'ai jamais eu l'impression par exemple, que tu avais inversé le cliché de la demoiselle en détresse. C'est en te lisant, là, maintenant, que je le découvre ! Parce que justement dans ton histoire, cela fait pleinement sens. Tes personnages ne sont pas des caricatures, donc on n'a pas l'impression que tu milites ou que tu joues à renverser les clichés. Et je pense sincèrement que c'est beaucoup plus fort que lorsqu'on perçoit l'intention derrière le récit. Si les gens peuvent lire ce genre de postulat et d'exemples sans s'étonner, pour moi, c'est gagné.

J'avoue que lorsque la peau sombre a été qualifiée d'élégante (et que c'est donc uniquement à la fin du récit qu'on connaît la couleur de peau du personnage), je me suis exclamée "Ah, trop forte, j'adore !". Mais je ne te l'ai pas dit… Là, on perçoit l'intention, parce qu'il y a une réflexion sur le racisme et qu'elle est verbalisée, même si ce n'est que sur quelques lignes.

Bref, je peux complètement comprendre le côté frustrant, mais pour moi c'est plutôt une belle preuve de réussite ! ;)

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Lohiel
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Re: [Attention - sujet sensible] Auteur-e et Société

Message par Lohiel »

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@EryBlack, j'ai adouci les formulations dans ce que tu as cité. On m'a signalé que j'y allais un peu fort - et c'était vrai. Trop de trucs qui remontent, ce n'est jamais bon... On ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac.
En fait, la seule chose que je devrais dire, à ceux qui restent à distance, ne sachant pas trop par quel bout prendre le problème : approchez-vous des TSA... ils sont sans détour et sans malveillance. Et très désireux de bien faire, lorsque vous leur signalez que non, telle ou telle chose.... ça n'ira pas. Parce que justement, ce que vous ressentez leur importe. Beaucoup. Et j'ignore pourquoi on ne le dit pas.

@Renarde ;* Mais tu es toujours tellement adorable, toi ! Tu m'as illuminée cette soirée d'halloween-reconfinement, un peu triste pour tout le monde <3

Bisous et essayez de garder le moral :jack_o_lantern:
Lo :hibiscus:

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